2-5 février 2007, Lyon
DES ÉTUDES avaient clairement établi que la fumée du tabac à rouler contient une plus forte proportion de produits toxiques dans ses particules que celle produite par une cigarette industrielle. On sait désormais qu’il en est de même pour le cannabis. Quelle que soit la combinaison employée (herbe pure ou mélangée à du tabac, résine plus tabac, etc.), le « joint » ainsi confectionné présente une toxicité de trois à sept fois supérieure à celle d’une cigarette tant par sa teneur en goudrons que par le taux de monoxyde de carbone (CO) qu’il apporte dans le sang.
Trois joints équivalent à un paquet de cigarettes.
Dans une grande étude menée à l’échelle européenne dans le cadre de la campagne Help, 55 000 mesures de CO ont été pratiquées chez des sujets qui avaient fumé du tabac ou du cannabis. Cela a permis d’établir que, comparativement à une cigarette manufacturée, un joint de résine de cannabis délivre quatre fois plus de goudrons et près de dix fois plus de CO. Les taux sont, de fait, quasiment les mêmes que pour une cigarette confectionnée avec du tabac à rouler. Des tests réalisés par le laboratoire national d’essai (LNE) pour « 60 millions de consommateurs » au moyen d’une machine à fumer, et dont les résultats ont été publiés en avril 2006, ont fourni des mesures similaires, montrant que, en termes de toxicité, fumer trois joints équivaut globalement à fumer un paquet de cigarettes.
Les conséquences néfastes de l’alcool et du tabac combinées.
Au niveau cérébral, le cannabis fait preuve d’une toxicité voisine de celle de l’alcool, qu’il s’agisse des effets aigus, similaires à ceux d’une « cuite », ou, plus encore, des effets à long terme chez les sujets qui sont des consommateurs chroniques. Dans ce cas, le métabolisme cérébral est affecté, ce qui entraîne une altération de la mémoire immédiate, de la capacité d’attention et des facultés d’apprentissage.
A ces conséquences néfastes pour le cerveau viennent s’ajouter les effets proprement liés à la toxicité des composés inhalés. Cet aspect est tout aussi préoccupant, car, alors que, jusqu’à une époque récente, fumer des joints était un comportement essentiellement en faveur parmi la jeunesse, les jeunes adultes sont désormais de plus en plus nombreux à consommer du cannabis et ce, quotidiennement, voire plusieurs fois par jour. De la même façon qu’un tabagisme, cette consommation chronique de cannabis peut, dès lors, aggraver des affections respiratoires préexistantes et entraîner le développement de bronchopneumopathies et d’un emphysème.
La vogue des bars à chicha.
Depuis une époque récente, les bars à chicha se répandent comme une traînée de poudre dans les pays occidentaux et, notamment, en Europe. Cet engouement semble tenir au fait que, à l’heure où, sous l’effet des campagnes anti-tabac, la cigarette est de plus en plus regardée comme un produit « sale », car polluant, la chicha est présentée par ceux qui cherchent à promouvoir son utilisation comme une nouvelle manière de fumer le tabac plus écologique, donc plus « saine ».
Il n’est, dès lors, pas étonnant que cette nouvelle mode soit particulièrement répandue parmi les étudiants. L’enquête européenne Help a montré que, si l’on classe les différents types de consommateurs de tabac en fonction de leur moyenne d’âge, les plus jeunes fument le narguilé, alors que, l’âge augmentant, la faveur va successivement au cannabis, à la cigarette à rouler, à la cigarette industrielle et, enfin, aux cigarillos et cigares.
De fait, la plupart des fumeurs de chicha n’ont nullement le sentiment de consommer un produit toxique, et l’on peut dire que, s’agissant du degré de méconnaissance des risques encourus, la situation actuelle est assez comparable à celle qui prévalait, il y a cent ans, pour la consommation de tabac.
L’argument avancé par les promoteurs des bars à chicha est que, en circulant dans l’eau du narguilé, la fumée du tabac est filtrée et, donc, débarrassée de ses produits toxiques. Or, s’il est vrai que, du fait de son humidification, la fumée est un peu moins irritante pour les voies respiratoires (d’où l’impression d’innocuité) et que la nicotine est en partie retenue, en revanche, les particules de goudron et le CO ne sont nullement retenus par l’eau.
Surtout, parce qu’il oblige à aspirer plus fortement que lorsqu’on fume une cigarette ou un cigare, le narguilé conduit à inhaler une quantité de fumée beaucoup plus importante, qui pénètre plus profondément dans les poumons, avec les conséquences néfastes qui en découlent. Des mesures ont été effectuées, qui montrent qu’une bouffée de chicha représente plus de 750 ml de fumée, soit plus que l’équivalent de la consommation d’une cigarette entière (environ 15 bouffées). Alors que le volume de fumée produit varie entre 0,5 et 1 litre pour une cigarette, il oscille entre 30 et 50 litres pour le narguilé en fonction du temps passé et du nombre de fumeurs.
De tous les modes de consommation du tabac, le narguilé est celui qui génère les taux de CO les plus élevés : ces derniers sont de l’ordre de 30 à 40 parties par million (ppm), ce qui équivaut à la consommation d’un à deux paquets de cigarettes. Cela tient au fait que la combustion du tabac est moins complète qu’avec une cigarette, car elle s’effectue à une température beaucoup plus basse (de l’ordre de 400 °C, contre 850 °C).
Des taux de CO extrêmement hauts.
Le risque induit par cette forte production de CO est d’autant plus important que, contrairement à l’usage qui prévaut dans les pays arabes, où le narguilé est généralement fumé en plein air, en Europe, il est fumé dans des bars à chicha, c’est-à-dire des lieux confinés. Les taux de CO en suspension dans l’air ambiant peuvent dès lors atteindre 80 à 100 ppm, alors que le seuil d’alerte à la pollution au CO est de 8,5 ppm. De fait, il suffit de cinq à six bouffées pour dépasser ce seuil !
En outre, si un non-fumeur entre dans la pièce et y demeure pendant une heure, à sa sortie, son taux de CO aura augmenté de 7 ppm sans même avoir fumé. Lors des dernières Journées de tabacologie, il a, d’ailleurs, été fait état du cas d’une employée d’un bar à chicha qu’il a été nécessaire de traiter en caisson hyperbare en raison d’une intoxication au CO. L’effet du tabagisme passif apparaît donc encore plus puissant que lors de l’exposition à la fumée de cigarette.
Il en ressort que la consommation de chicha devrait au minimum être pratiquée dans des pièces bien aérées ou en plein air, comme dans les pays arabes. Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, les bars à chicha devraient avoir fermé au 1er janvier 2008. Néanmoins, ces établissements ne drainent que 20 % de la consommation, 80 % s’effectuant au domicile. Leur fermeture ne mettra donc nullement fin au problème.
D’après la communication du Pr Bertrand Dautzenberg, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
Un peu de terminologie
Le cannabis ou chanvre indien est une plante dotée d’une activité psychotrope, laquelle est essentiellement imputable au delta-9-tétrahydrocannabinol ou THC.
Les produits proposés à la consommation se présentent sous trois formes principales : inflorescences et feuilles séchées, puis hachées (marijuana), résine (haschisch ou shit) ou huile. Toutefois, le cannabis est généralement fumé après avoir été mélangé à du tabac, pour confectionner des cigarettes artisanales appelées joints ou pétards.
La pipe à eau
Chicha, narguilé, narghilé, narghileh... ces termes désignent tous la même chose : une pipe à eau utilisée traditionnellement au Moyen-Orient pour fumer un mélange de tabac et de mélasse aromatisé aux fruits.
Le principe est simple : du charbon sert à chauffer le tabac ; après avoir traversé un vase rempli d’eau parfumée qui contribue à la filtrer partiellement, la fumée est aspirée par le fumeur au moyen d’un long tuyau flexible, parfois terminé par un bout d’ambre.
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