En consommant du cannabis au cours de leur grossesse, les futures mamans altéreraient les fonctions cognitives de leur enfant. C'est ce que suggère une étude italienne menée sur un modèle murin. Vincenzo Cuomo (université La Sapienza, Rome) et ses collaborateurs ont en effet montré que les rats nés d'une mère exposée au cours de sa gestation à un agoniste du récepteur aux cannabinoïdes ont des troubles de la mémoire associés à une altération de la potentialisation à long terme ainsi qu'à une diminution de la libération de glutamate dans l'hippocampe. Ces jeunes rats sont également hyperactifs, mais ce trouble disparaît à l'âge adulte.
Peu de données concernant les effets à long terme d'une exposition in utero au cannabis sont actuellement disponibles. Cuomo et coll. ont décider d'explorer ce phénomène en utilisant comme modèle le rat, chez lequel il a été démontré que le récepteur CB1 (Cannabinoïde 1) est impliqué dans la perturbation des processus cognitifs par des cannabinoïdes.
Cuomo et coll. ont administré quotidiennement 0,5 mg/kg de WIN, un agoniste du récepteur CB1, à des rates gravides, entre le 5e et le 20e jour de leur gestation. Cette dose de WIN a été choisie car elle n'est pas toxique et ne provoque pas de malformations chez les foetus. Elle correspond chez l'homme à une consommation modérée ou faible de cannabis.
Le temps de gestation des rates n'est pas modifié par l'exposition au WIN et les petits ne présentent aucune anomalie de taille ou de poids.
Les chercheurs ont évalué l'activité motrice des jeunes rats issus de mères exposée au WIN et l'ont comparée à celle de rats témoins du même âge. A douze et quarante jours, les rats exposés au WIN in utero sont significativement plus actifs que les rats contrôles. En revanche, à quatre-vingts jours, cette différence disparaît.
Un test d'évitement passif
Les jeunes rats ont également subi un test d'évitement passif mettant en jeu leur mémoire à long terme : les animaux ont été placés dans une cage éclairée communicant avec un petit compartiment sombre. Dans une telle situation, les rats vont spontanément se réfugier dans le compartiment sombre car ils ont une forte tendance à éviter la lumière. Mais au cours de cette expérience, lorsqu'ils pénètrent dans le compartiment non éclairé, ils reçoivent un choc électrique. Normalement, les rats se souviennent de cet événement désagréable et, si on les place à nouveau dans la cage vingt-quatre heures après la première partie du test, ils ne retournent pas dans le compartiment sombre. Cependant, les animaux ayant été exposés au WIN in utero retournent dans ce compartiment dès qu'on les place dans la cage : leur mémoire est donc défaillante. Ce trouble persiste à l'âge adulte et n'est donc pas lié au phénomène d'hyperactivité précédemment décrit.
Au niveau de l'hippocampe des animaux, des expériences d'électrophysiologie ont montré que cette altération cognitive est associée à des modifications de la potentialisation à long terme (un phénomène lié à la mise en place de la mémoire et de l'apprentissage) ainsi qu'à une diminution du relargage du glutamate. Les travaux de Cuomo et coll. ont montré que la réduction de la libération du glutamate par les neurones de l'hippocampe est observable dès le jour de la naissance des petits et persiste à l'âge adulte. C'est probablement ce phénomène qui est à l'origine de l'altération de la potentialisation à long terme et par conséquent des troubles de l'apprentissage observés chez ces animaux.
Bien que le mécanisme d'action du WIN ne soit pas établi, il apparaît donc que l'exposition prénatale à un agoniste du récepteur CB1 conduit à une altération de la fonction glutaminergique de l'hippocampe ayant des répercussions sur certains comportements cognitifs.
Ce résultat est en accord avec les données cliniques qui montrent que les enfants dont les mères ont consommé du cannabis au cours de leur grossesse peuvent souffrir de troubles de la mémoire et sont souvent hyperactifs, inattentifs et très impulsifs jusqu'à la puberté.
G. Mereu et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.0537849100.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature