Canicule : pour la mission parlementaire, les médecins libéraux n'ont pas failli

Publié le 25/09/2003
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Après la publication du rapport Lalande, et en attendant les résultats des travaux de la commission d'enquête parlementaire (voir encadré) qui ne seront pas connus avant plusieurs mois, Denis Jacquat, député UMP de la Moselle et vice-président de la commission des Affaires sociales, présentait cette semaine le rapport de la mission d'enquête parlementaire qu'il a conduite sur les effets de la canicule.

Premier point important de ce rapport : la prétendue défaillance de la médecine libérale, traitée dans un chapitre intitulé : « La médecine de ville, une action réelle mais peu visible ».
Les auteurs soulignent qu'il leur « semble nécessaire de relativiser la critique exprimée quant à l'attitude collective des médecins généralistes pendant la canicule ». Pour étayer leurs dires, ils reprennent l'argument de MG-France, et rappellent que « le nombre de feuilles de soins électroniques transmises par les médecins au mois d'août 2003, comparable à celui des deux mois précédents, ne permet pas de corroborer l'assertion d'une désertion des généralistes ». Et ils ajoutent : « C'est la rapidité de la dégradation de l'état des patients qui explique le plus souvent que le médecin généraliste ait été court-circuité et que les patients aient été hospitalisés sans mot d'accompagnement. En bref, on n'a pas le sentiment, même si certaines défaillances individuelles sont indéniables, que la profession ait failli à sa mission ». Dont acte.
En revanche, le rapport est plus sévère sur les méandres et cloisonnements administratifs : « Le drame de cet été n'a été ni anticipé, ni détecté très rapidement, et la gravité de son bilan est liée en grande partie à cette situation. Ou plutôt, s'il a été assez vite détecté, il n'a pas été perçu immédiatement par la plupart des responsables administratifs comme une crise majeure ».
Et de prendre comme exemple la journée du 11 août au ministère de la Santé, jour où un certain nombre de dysfonctionnements (informations non transmises, absence de tout spécialiste de santé publique au cabinet ce jour là, etc...) conduisent Jean-François Mattei à ne pas être convenablement informé de la gravité de la situation alors qu'il s'exprime à la télévision. Et ce, alors que, selon les propos de Lucien Abenhaïm, directeur général de la Santé au moment des faits, et auditionné par la mission parlementaire « notre enquête sur les décès par coup de chaleur montre que plus de 50 % des décès ont eu lieu entre le 11 et le 13 août ».

Dépendance : une cinquième branche de la Sécu ?

Mais au-delà de l'analyse des défaillances qui ont conduit à cette catastrophe sanitaire, le rapport s'attache à proposer des « pistes d'action immédiate » : de conduire des études épidémiologiques sur la mortalité liée à la canicule ; d'obtenir une meilleure prise en compte des personnes âgées dans les essais thérapeutiques et études portant sur des médicaments dont elles constituent la cible ; de conduire des campagnes d'information préventives sur les risques liés à la chaleur ; de mettre en place un dispositif d'alerte météo ; d'informatiser les certificats de décès ; d'instituer des plans locaux de solidarité face aux risques sanitaires ; d'encourager la mise en place d'un service minimum par voie conventionnelle entre représentants des médecins libéraux, du SAMU et des services d'urgence ; de rendre obligatoire pour chaque établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de disposer d'une pièce climatisée ; et enfin, d'engager une concertation nationale en vue de l'instauration d'une nouvelle branche de Sécurité sociale, le risque dépendance.
Dans sa présentation du rapport à l'Assemblée nationale, Denis Jacquat a précisé : « Il est temps de faire sortir le soutien aux personnes les moins autonomes, les personnes âgées en perte d'autonomie, et les personnes handicapées, du champ de la générosité pour les faire entrer dans celui de la solidarité, de transformer des assistés en assurés, et de changer ainsi le regard que nous portons sur eux ». Un projet repris le même jour par le ministre des Affaires sociales, qui déclarait devant le Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA) que « la prise en charge de la perte d'autonomie est devenue une préoccupation majeure, et le débat sur son financement est désormais ouvert ».

Plebiscite pour la création d'une commission d'enquête

En rendant compte des conclusions des travaux de la mission d'enquête sur la canicule, Denis Jacquat a indiqué que la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale avait voté à l'unanimité la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule : « Nous avons décidé d'aller jusqu'au bout, nous saurons tout sur les conséquences de cette canicule ».
Cette commission d'enquête parlementaire, qui devrait être officiellement mise en place le 7 octobre prochain pour une durée de six mois, auditionnera notamment Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, qui n'a pas été entendu par la mission d'enquête, ce qui a provoqué le mécontentement d'un de ses membres, le député communiste Maxime Gremetz : « Nous n'avons pu obtenir l'audition du ministre de l'Intérieur, pourtant au cœur du dispositif d'alerte et de gestion des crises ». Denis Jacquat avait expliqué que « à la majorité des voix, il avait été décidé de ne pas l'auditionner, car son témoignage ne nous était pas apparu primordial. Mais nous le lui demanderons dans le cadre de la commission d'enquête, comme à tous les ministres concernés ».

Henri de SAINT ROMAN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7391