Depuis le drame sanitaire lié à la canicule du mois d'août dernier, la polémique faisait rage et les médecins libéraux étaient parfois accusés d'avoir déserté leur cabinet au mois d'août. Une polémique relayée notamment par le rapport Lalande, commandé par Jean-François Mattei, et qui dénonçait « une présence médicale libérale insuffisante ». D'autres prises de position, notamment celle du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM), avaient pu accréditer également l'idée d'une défection des libéraux pendant la crise de la canicule, si bien que les chiffres de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) relatifs à la cette même présence médicale libérale étaient très attendus.
« Les généralistes étaient présents dans leurs cabinets au début du mois d'août 2003, un peu moins fréquemment que l'année dernière mais guère moins, sauf pendant les week-ends ; ils ont par contre compensé, et au-delà, cette moindre présence par une activité un peu plus importante ». Ainsi s'exprime la CNAM dans son point de conjoncture d'octobre 2003. Et les chiffres valant mieux qu'un long discours, la Caisse nationale d'assurance-maladie propose à la clé toute une série de tableaux destinés à quantifier cette présence médicale libérale durant la canicule meurtrière du mois d'août dernier (voir ci-dessous). Entre le 1er et le 18 août 2003, selon les calculs de la CNAM, le nombre de généralistes actifs a baissé de 2 % par rapport aux mêmes dates de 2002. Mais encore faut-il garder à l'esprit que cette baisse globale de 2 % recouvre des réalités contrastées : « Une quasi-stabilité pour ce qui concerne les jours ouvrables de semaine, mais aussi une baisse très prononcée durant les week-ends, allant jusqu'à moins 9 % le week-end du 10 août », toujours selon la CNAM.
Ces chiffres appellent quelques précisions : la caisse rappelle tout d'abord que ces statistiques s'inscrivent dans une tendance « déjà mise en évidence entre 2000 et 2002 », à savoir « de moins en moins de généralistes actifs, essentiellement le week-end ». Manifestement, les médecins généralistes sont des citoyens comme les autres, et aspirent à travailler moins ou mieux, et à privilégier le repos dominical. De plus, il faut tenir compte du fait qu'en 2003 le 15 août est tombé un vendredi, alors qu'il tombait un jeudi en 2002. Une configuration qui a incité les médecins, comme tout un chacun, à « faire le pont » du 15 août, en partant du principe qu'il vaut mieux qu'un médecin libéral prenne ses vacances en même temps que ses patients.
Une suractivité en direction des nourrissons
De plus, cette moindre présence médicale libérale durant la canicule a été compensée par une plus grande activité quotidienne des médecins présents : du 1er au 18 août 2003, l'activité des médecins libéraux (calculée au nombre d'actes et non au nombre d'acteurs), a cru pour sa part de 2,1 % par rapport aux mêmes chiffres de 2002. Mais une fois encore, ces chiffres nécessitent un commentaire : selon la CNAM, « l'augmentation de l'activité des médecins généralistes paraît essentiellement liée aux soins dispensés à des nourrissons. Le nombre de consultations ou de visites faites à l'intention d'enfants en bas âge semble avoir rapidement augmenté à partir du vendredi 8 août 2003 ». En revanche, la CNAM constate qu' « aucune augmentation de l'activité des généralistes tournée vers les personnes âgées ne commence à être perceptible avant le week-end du 9 et 10 août. Globalement, sur les 18 premiers jours du mois d'août, les soins dispensés aux malades de 75 ans et plus sont en recul par rapport à l'année précédente ».
Pour François Lenormand, directeur des statistiques et des études à la CNAM, « le problème de fond, c'est que la médecine libérale n'a pas été en prise avec les événements d'août dernier, sans que ça soit nécessairement sa faute ; cela montre tout simplement que la médecine libérale fonctionne quand elle est sollicitée. Il est probable que les situations d'urgence ont été identifiées tardivement, et une fois connues, traitées par d'autres canaux ».
Un point de vue que n'est pas loin de partager le Dr Michel Ducloux, président du CNOM : « Le bébé, il pleure, tandis que le vieillard n'a pas conscience de sa déshydratation ; les médecins ne viennent que si on les appelle, car ils ont l'interdiction déontologique de démarcher leurs clients ; sans doute faudra-t-il à l'avenir que le médecin qui part en vacances informe son remplaçant de ses patients à risque. Mais cette étude de la CNAM montre que la médecine libérale a répondu " présent " durant la crise ».
Côté syndicats, on n'est pas mécontent des chiffres que vient de publier la caisse : pour la CSMF et l'UNOF, sa branche généraliste, « les médecins généralistes étaient effectivement présents au mois d'août dernier ; mais ils ont été peu sollicités durant cette crise. (...) L'absence d'alerte pour ce qui concerne les personnes âgées doit faire réfléchir à un système de veille sanitaire intégrant toutes les composantes de la médecine de proximité ».
A MG-France, le président Pierre Costes note que « la surmortalité des personnes âgées a été brutale, et seule une gestion préventive (...) aurait pu l'éviter. Si les généralistes ont répondu à la totalité des appels des patients, ils n'ont pas été suffisamment sollicités et encore moins mobilisés par les autorités autour de ce risque sanitaire dont elles ont sous-estimé la gravité potentielle ». Cependant que Jean-Marc Rehby, de la FMF, estime que cette étude « tord le cou à un certain nombre de rumeurs, comme celles contenues dans le rapport Lalande ; mais cette étude de la CNAM oublie d'autres éléments, à savoir tout le travail de prévention effectué en amont par les généralistes, comme les visites de routine, et les conseils donnés aux proches des patients ».
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