Cette recherche est importante car si l'on meurt d'un cancer, c'est principalement du fait de métastases, lorsque les cellules de la tumeur primitive disséminent à distance pour former des foyers tumoraux secondaires.
Si l'étude des mammifères a permis d'identifier quelques gènes suppresseurs de métastase, on ignore quelles sont les mutations génétiques qui poussent une tumeur non invasive à devenir métastatique.
En effet, l'étude des causes génétiques de la métastase est apparue difficile car les cancers au stade tardif provoquent une cascade de mutations ; il est ardu, voire impossible, de déterminer lesquelles favorisent la métastase.
Le Pr Tian Xu (département de génétique de l'université de Yale, New Haven, Connecticut), et un chercheur de son laboratoire, le Dr Paglarini, ont fait appel à la mouche drosophile pour étudier les causes génétiques de la métastase.
Malgré des différences importantes, comme l'absence de système vasculaire, de nombreux processus liés au développement de la tumeur et de la métastase sont conservés chez la mouche.
Le modèle développé est le suivant.
1) Une tumeur non invasive est induite dans l'oeil de la mouche, par expression d'un oncogène ou inactivation d'un gène tumeur-suppresseur.
2) Les cellules tumorales sont génétiquement marquées par la protéine vert fluorescent (GFP), ce qui permet de les visualiser chez la mouche vivante.
3) Des mutations génétiques supplémentaires sont introduites dans les cellules tumorales.
Dans cette première étude, les chercheurs ont induit une tumeur par l'oncogène Ras, un gène souvent muté dans les cancers humains. Cette tumeur ne métastase pas.
Les chercheurs ont ensuite prospecté un grand nombre de mutations supplémentaires pour découvrir lesquelles déclenchent la métastase. Seul un petit nombre de gènes mutés peuvent favoriser la métastase, et toutes ces mutations affectent le même processus physiologique, le maintien de la polarité cellulaire, un processus essentiel pour permettre aux cellules de communiquer avec leur environnement. Mais ces mutations seules, ou combinées à d'autres mutations oncogéniques, ne peuvent pas déclencher la métastase, il faut qu'elles soient combinées à la présence de la mutation Ras.
« Nous montrons que les oncogènes comme Ras, qui causent initialement le développement de la tumeur, jouent aussi un rôle crucial dans le déclenchement de la métastase », explique le Pr Xu. « Nous avons découvert que l'altération oncogénique Ras V12 coopère spécifiquement avec des mutations responsables d'anomalies de polarité cellulaire, pour déclencher le comportement métastatique », ajoute-t-il. « Ce concept, peu reconnu jusqu'ici, permet de comprendre pourquoi les tumeurs de différentes origines oncogéniques possèdent des pouvoirs métastatiques différents. »
Un dépistage dans les tumeurs précoces
« Cela suggère aussi que le dépistage de mutations oncogéniques spécifiques dans les tumeurs précoces pourrait donner une information pronostique importante sur le comportement métastatique ultérieur. »
« Ce modèle drosophile nous permettra de faire un screening systématique de tout le génome afin de découvrir quels gènes causent ou bloquent la métastase. Ce modèle fournit aussi une occasion unique pour étudier les processus biologiques sous-jacents qui sont importants pour la métastase. Par exemple, nous observons que les tumeurs métastatiques chez la drosophile, comme les tumeurs humaines, sont capables de dégrader les membranes basales qui entourent les tissus épithéliaux. Cela permet d'étudier in vivo comment les cellules tumorales peuvent briser la membrane basale. »
« Science » du 9 octobre 2003, http://www.sciencexpress.org
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