Le développement de stratégies de vaccination anti-tumorale est d'intérêt majeur. Cependant, la mise au point d'immunothérapies anticancéreuses pose un certain nombre de problèmes en raison de la diversité et de l'instabilité génétique des cellules tumorales.
Pour cette raison, beaucoup de groupes de recherche ont choisi de s'attaquer, non pas à la tumeur elle-même, mais à son micro-environnement et en particulier à sa vascularisation.
Les cellules endothéliales participant à l'angiogénèse des tumeurs sont en effet génétiquement stables et ne répriment pas l'expression des antigènes du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH I et II), contrairement aux cellules tumorales. De plus, il a été mis en évidence que la vascularisation des tumeurs est essentielle à leur développement ainsi qu'à la dissémination métastasique : en absence d'un apport de sang, non seulement la taille des tumeurs solides se limite à 1 ou 2 mm, mais, de plus, ces petites tumeurs deviennent souvent nécrotiques ou apoptotiques. En empêchant l'angiogenèse tumorale, il serait donc possible d'inhiber la croissance des tumeurs et leur dissémination dans l'organisme.
Réduire la néo-vascularisation
C'est dans cet esprit qu'un groupe de chercheurs américains, A.G. Niethammer (La Jolla, Californie) et coll., a mis au point un vaccin permettant de réduire la néovascularisation de tumeurs solides chez la souris. L'action de ce vaccin est dirigée contre un récepteur aux facteurs de croissance nécessaire à l'angiogénèse tumorale, le récepteur VEGFR2, également connu sous le nom de FLK-1. Ce récepteur joue un rôle important dans la croissance, l'invasion et la dissémination métastasique des tumeurs. Son expression est augmentée dans les cellules épithéliales durant l'angiogenèse conduisant à la vascularisation des tumeurs.
Des souris ont été vaccinées par administration orale de Salmonella thyphimurium atténuées exprimant le gène FLK-1 murin. Cette vaccination a induit une réponse immunitaire efficace, conduisant à l'inhibition de la croissance tumorale, chez des souris porteuses d'un carcinome pulmonaire non à petites cellules, d'un carcinome du colon ou d'un mélanome. Une action du vaccin sur des métastases établies a également pu être observée. De plus, le vaccin permet d'obtenir un effet antitumoral jusqu'à dix mois après l'immunisation.
Aucun effet n'a été observé chez les souris ayant reçu une administration orale de Salmonella thyphimurium atténuées n'exprimant pas le gène FLK-1 murin.
Les lymphocytes T cytotoxiques
L'effet du vaccin semble être médié par les lymphocytes T cytotoxiques, car il a pu être observé une activation des cellules CD8+ T après leur coïncubation avec des cellules exprimant le récepteur FLK-1. De plus, l'efficacité du vaccin est très sévèrement diminuée chez des souris ne possédant pas de cellules CD8+ T alors qu'elle n'est pas modifiée chez les souris ne possédant pas de cellules CD4+.
Les auteurs de l'étude se sont attaché à rechercher d'éventuels effets délétères du vaccins sur les fonctions vitales des animaux traités. La fertilité, les performances neuromusculaires et l'hématopoïèse des souris vaccinée ne sont pas altérées.
L'effet de la vaccination sur la cicatrisation des animaux a également été analysée. Il est apparu que les animaux vaccinés cicatrisent moins vite que les animaux témoins. Cependant, ce délai dans la cicatrisation n'est pas problématique puisque des souris vaccinées et ayant subi une exérèse chirurgicale de leur tumeur se sont remises de l'opération.
L'ensemble de ce travail permet de conclure que le récepteur FLK-1 est une bonne cible dans le cadre d'un traitement immunothérapique visant à inhiber l'angiogénèse tumorale.
Quarante-six gènes cibles potentielles
Les résultats très encourageants fournis par la présente étude permettent d'envisager le développement d'une nouvelle stratégie vaccinale anticancéreuse : le ciblage des antigènes exprimés par les cellules endothéliales prolifératives du micro-environnement des tumeurs. Il existe en effet au moins 46 gènes dont l'expression est stimulée dans les endothéliums associés aux tumeurs, soit un large panel de cibles potentielles pour le développement d'immunothérapies antitumorales.
Par ailleurs, les auteurs de l'étude proposent que leur stratégie vaccinale soit utilisée en association avec des inhibiteurs spécifiques de l'angiogénèse et des chimiothérapies ou des immunothérapies ciblant la tumeur elle-même. « De telles approches combinées pourraient, de manière ultime, mener à un modèle rationnel de nouvelles modalités efficaces pour le traitement du cancer », concluent les auteurs.
A.G. Niethammer et coll., « Nature Medecine », doi:10.1038/nm794.
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