Récemment, un paradoxe à été mis en évidence dans les propriétés immunologiques des tumeurs. Une majorité d'entre elles, et non des moindres (sein, poumon, estomac, rein, côlon, ovaires, prostate, mélanomes), expriment, au moins lorsqu'elles progressent, une molécule de la famille MIC.
MIC, une molécule de surface tumorale
Ces molécules, exposées sur la face externe des membranes cellulaires, sont exprimées en cas de stress cellulaire, une infection virale, par exemple. A priori, donc, rien d'anormal pour des cellules cancéreuses. Le problème est que ces molécules de surface servent de ligand à un récepteur, dit NKG2D, porté par les cellules CTL et NK, et que l'engagement du ligand dans le récepteur désigne la cellule porteuse du ligand à une action cytotoxique. De fait, les tests effectués sur diverses tumeurs, montrent que les tumeurs MIC + sont davantage susceptibles à l'action des CTL in vitro que les tumeurs MIC -. Il a, en outre, été montré que le transfert et l'expression d'un gène MIC dans des cellules tumorales initialement MIC -, les désigne à l'action des CTL. La question est donc de concilier l'expression de MIC, avec l'échappement immunologique des tumeurs in vivo.
C'est un élément d'explication qui est proposé dans « Nature ». En étudiant 39 tumeurs, dont 13 MIC -, et l'état immunologique des malades, les chercheurs ont obtenus deux résultats. Premièrement, chez les malades porteurs d'une tumeur MIC +, un certain taux de protéine MIC circulante peut être détecté dans le sérum. Deuxièmement, chez ces mêmes malades, au niveau des CTL, une régulation négative des récepteurs NKG2D a été constatée, qui protège les cellules tumorales. La relation de cause à effet entre les deux phénomènes est par ailleurs extrêmement vraisemblable, puisque la même régulation négative des récepteurs NKG2D peut-être obtenue in vitro, par adjonction de facteur MIC soluble au milieu.
Un facteur soluble protecteur
L'hypothèse est donc que les tumeurs se protègent par libération de facteur MIC soluble. L'expression de la protéine membranaire étant conservée, on peut supposer que l'expression de MIC, dans un premier temps, surexpose la tumeur à l'immunité. Si la tumeur s'est malgré tout développée, l'expression du facteur MIC soluble interviendrait dans un second temps, avec, cette fois, un effet protecteur.
De nombreuses questions demeurent sur ce modèle. Comment et où se différencient facteur soluble et facteur membranaire ? La divergence s'opère-t-elle lors de la synthèse, par le biais d'un épissage alternatif, ou après la synthèse, par clivage enzymatique ? Ce clivage, si clivage il y a, concerne-t-il des protéines MIC dans la cellule, ou des protéines membranaires, déjà « en place » pour être libérées dans la circulation ?
Dans un autre ordre d'idée, on peut aussi s'interroger sur la généralité du phénomène. NKG2D est un récepteur découvert récemment, qui semble correspondre à de multiples ligands. Le comportement ubiquitaire de MIC pourrait donc être celui d'autres ligands.
Enfin, d'un point de vue clinique, il y aurait lieu de préciser la signification pronostique, voire diagnostique, de l'expression de MIC - en attendant, peut-être, des thérapeutiques basées sur l'inhibition de cette régulation négative.
L'aveuglement
Pour le moment, c'est un mécanisme « d'aveuglement » général de l'immunité à partir d'un phénomène local, qui est proposé. Du point de vue de la cancérologie, le mécanisme est compatible à la fois avec la dissémination tumorale, et avec la susceptibilité des malades aux infections de toutes sortes. Et du point de vue plus général de l'immunologie, il n'est pas exclu que le mécanisme proposé soit un mécanisme de régulation normal de la surveillance immunitaire, qui mériterait d'être recherché dans des désordres tels que les maladies auto-immunes.
V. Groh et coll. « Nature », vol. 419, 17 octobre 2002.
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