De notre envoyée spéciale à San Francisco
L ES prostaglandines semblent jouer un rôle essentiel dans la pathogenèse des cancers. Elles interfèrent en effet dans les phénomènes de mitogenèse, d'adhésion cellulaire, d'immunité locale et à distance, et dans l'apoptose. Par ailleurs, des dosages immunohistochimiques ont montré qu'au sein de tissus cancéreux (tête et cou, sein, poumon et côlon) la quantité de prostaglandines présentes est nettement supérieure à celle retrouvée dans des tissus similaires non pathogènes.
Récemment, l'idée de la contribution des prostaglandines à la carcinogenèse a été renforcée par la publication d'études montrant que des inhibiteurs de la cyclo-oxygénase, tels que les AINS ou les inhibiteurs spécifiques de la COX-2, peuvent protéger des animaux, dans des conditions expérimentales, contre l'apparition de cancers du côlon, du sein, de l'sophage, du poumon ou de la tête et du cou. Enfin, récemment, des dosages spécifiques de l'expression de la COX-2, l'isoforme induite de la COX, dans certaines pathologies tumorales ont été entrepris : on sait maintenant que plus de 80 % des cancers colo-rectaux et 50 % des adénomes coliques surexpriment spécifiquement la COX-2.
La cyclo-oxygénase COX est une enzyme dotée de deux fonctions distinctes. Son activité cyclo-oxygénase permet une oxydation de l'acide arachidonique en PGG2 et son activité peroxydase induit la transformation du PGG2 et PGH2. Cette bifonctionnalité se révèle essentielle dans les phénomènes de carcinogenèse puisque, en raison de l'activité peroxydase, la COX catalyse la conversion de procarcinogènes en carcinogènes (dérivés de tabac, par exemple).
Accumulation de modifications génétiques
Une surexpression du COX-2 peut aussi contribuer à la carcinogenèse de trois autres façons. En premier lieu, l'apoptose. Il semble, selon les premiers travaux de recherche, qu'une surexpression de la COX-2 prolonge la survie de cellules anormales qui devraient subir une apoptose et, de ce fait, favorise l'accumulation de modifications génétiques au sein de lignées cellulaires, contribuant, à terme, à l'apparition de certains cancers. La COX-2 joue aussi un rôle sur les phénomènes d'inflammation et d'immunosuppression induits par la carcinogenèse. Ainsi, les cellules tumorales sécrètent certaines protéines (Colony Stimulating Factors) qui activent à leur tour la sécrétion de PGE2 par les monocytes et les macrophages, ce qui conduit à une inhibition de la production de lymphokines, de la prolifération des lymphocytes T et B et à une perte de l'activité cytotoxique des natural killers. Enfin, la surexpression de la COX-2 joue un rôle sur l'angiogenèse tumorale en induisant la sécrétion de facteurs de croissance vasculaire tels que le VEGF, le bFGF et le PDGF.
Chez des souris knock-out pour le gène du COX-2, l'administration de substances cancérogènes, induisant dans les souches sauvages des tumeurs coliques, n'entraîne pas le développement de lésions cancéreuses en raison de l'absence d'angiogenèse locale.
Actuellement, de nombreux essais cliniques sont en cours chez des patients présentant des leucoplasies orales, des tumeurs de l'sophage et des cancers in situ de la vessie, afin d'évaluer l'intérêt des inhibiteurs de la COX-2, en complément d'une radio- ou d'une chimiothérapie. D'autres études s'appuient sur le rôle anti-angiogenèse de ces médicaments. Des travaux sont en cours chez des femmes présentant des tumeurs du sein HER-2 et EGRF positives traitées par chimiothérapie. Enfin, les inhibiteurs de la COX-2 sont aussi évalués dans les myalgies et arthralgies induites par l'utilisation du paclitaxel, médicament cytotoxique dont l'utilisation s'accompagne systématiquement d'une surexpression de la COX-2 au niveau des cellules musculaires.
« New Uses for Selective COX-2 Inhibitors », communication des Drs Raymond duBois (Nashville), Andrew Dannerberg (New York) et Ernest Hawk (National Cancer Institute).
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