De notre correspondante
à New York
« Cela pourrait être considéré, en effet, comme une troisième génération de radiothérapie anticancéreuse », explique au « Quotidien », le Dr David Scheinberg, chef du service des leucémies au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center à New-York. « Nous avons trouvé un moyen efficace de contenir, puis de délivrer, cet élément extrêmement puissant à l'intérieur des cellules cancéreuses, explique-t-il. Il suffit d'un atome pour tuer une cellule. »
Le nanogénérateur se compose d'un atome radioactif d'actinium 225 couplé à un anticorps monoclonal spécifique qui délivre le conjugué à l'intérieur des cellules cancéreuses.
« L'idée de diriger des métaux radioactifs sur les tumeurs a été démontrée pour la première fois par notre équipe en 1981. Mais il nous a fallu vingt ans pour arriver à cette méthode plus efficace et plus sophistiquée », précise le Dr Scheinberg.
Une demi-vie de dix jours, très utile
Les chercheurs ont réussi à identifier un atome radioactif, l'actinium 225, qui est doté d'une demie-vie appropriée et qui peut être fourni par le Département de l'énergie puisque c'est un sous-produit des déchets des centrales nucléaires. Sa demi-vie est de dix jours, bien supérieure à la demi-vie de quarante-cinq minutes du bismuth 213, précédemment utilisé par l'équipe ; cela pourra permettre au nanogénérateur d'être fabriqué par une pharmacie centrale et d'être expédié dans le monde entier.
Lorsque l'actinium 225 se désintègre, il émet une particule alpha et produit trois atomes qui émettent chacun une particule alpha ; il émet donc au total quatre particules alpha. Une seule particule alpha peut tuer une cellule cible. Les chercheurs ont profité du développement de plusieurs anticorps qui se fixent spécifiquement à une variété de cancers et sont « internalisés » dans les cellules cancéreuses. Enfin, ils ont trouvé le moyen de conjuguer de façon durable l'actinium 225 et l'anticorps, en utilisant un fragment DOTA.
Les chercheurs ont testé in vitro ces nanogénérateurs contre une variété de cellules cancéreuses humaines : leucémie (actinium 225 conjugué à l'anticorps HuM195), lymphome (anticorps B4), cancer du sein et cancer de l'ovaire (herceptine) et cancer de la prostate (anticorps J591). Ces nanogénérateurs, ont constaté les chercheurs, peuvent tuer tous ces types de cellules cancéreuses à des doses extrêmement faibles (becquerel ou picocurie).
Chez l'homme : d'abord la leucémie
Les chercheurs ont aussi testé l'efficacité thérapeutique chez la souris, dans deux modèles de cancer établi, solide et disséminé. Dans un modèle, la souris « nue » reçoit l'injection IM de cellules humaines du cancer de la prostate. Dans l'autre modèle, la souris présente un lymphome humain disséminé. Après l'établissement de la tumeur, les souris ont été traitées par une seule injection du nanogénérateur, à des doses minimes (kilobecquerel, ou nanocurie). Le traitement a entraîné une régression tumorale et a prolongé la survie chez une fraction importante des animaux, permettant une survie prolongée chez bon nombre d'entre eux, cela sans toxicité.
« Nous projetons de lancer les essais cliniques au début de l'année 2002 », précise le Dr Scheinberg. La leucémie devrait être le premier cancer contre lequel ce traitement est évalué, car c'est avec ce cancer que l'équipe a le plus d'expérience. L'essai de phase I devrait prendre un an.
« Science » du 16 novembre 2001, p. 1537.
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