CONGRES HEBDO
Nous assistons en France à d'importantes modifications épidémiologiques : sous l'effet du tabagisme, le nombre des cas de cancers bronchopulmonaires ne cesse d'augmenter, notamment dans la population féminine. Parallèlement, l'histologie se modifie avec un accroissement du nombre d'adénocarcinomes déjà noté au Japon et aux Etats-Unis. L'une des explications est l'évolution de la composition en toxiques des cigarettes ; le fumeur fume davantage de tabac blond avec moins de goudrons mais celui-ci contient encore de 200 à 300 molécules cancérigènes. « Cette évolution de la composition en toxiques du tabac, affirme le Pr Bernard Lebeau, a modifié la manière d'inhaler : le "grand" fumeur inhale plus profondément. Les substances étant moins irritantes pour la muqueuse bronchique, il développe moins de bronchopneumopathies mais davantage de cancers profonds. »
Des techniques de dépistage performantes
En ce qui concerne le dépistage, une enquête nationale originale vient de débuter, sous la direction du Pr Lemarié (Tours). « Elle va utiliser le scanner low dose (tomodensitométrie faible dose) afin de dépister précocement des cancers bronchopulmonaires périphériques parmi une population ciblée définie par son tabagisme », explique le pneumologue.
De nouvelles techniques diagnostiques sont en cours d'évaluation : il s'agit de la tomographie par émission de positons au FDG (fluoro-désoxy-glucose) ou PET-Scan qui est l'objet de protocoles de recherche. Le PET-Scan qui exploite les propriétés métaboliques de la tumeur en injectant du glucose marqué permet de confirmer la nature tumorale d'une lésion visualisée sur un cliché ou un scanner, ou de détecter de nouvelles lésions. « La sensibilité du PET-Scan est nettement supérieure au scanner, sa spécificité est proche de 90 % avec parfois de faux positifs lorsqu'il existe des lésions inflammatoires parenchymateuses, ajoute le Pr Lebeau. Le PET-Scan est très utile dans le diagnostic de métastases extra-thoraciques et d'adénopathies néoplasiques médiastinales. »
L'endoscopie bronchique en lumière blanche reste, quant à elle, l'examen de diagnostic le plus classique. « Dans le service, explique le spécialiste, a été développée une technique de ponction biopsie transtrachéale et transbronchique qui peut éviter ainsi les médiastinoscopies pour l'obtention d'un diagnostic cyto-histologique de ganglions néoplasiques. »
Des indications de plus en plus précises
En ce qui concerne la thérapeutique, les indications chirurgicales vont devenir de plus en plus précises grâce aux examens d'imagerie performants (PET-Scan) caractérisant de mieux en mieux les lésions. De fait, des indications de mieux en mieux ciblées associées à de nouvelles stratégies thérapeutiques néoadjuvantes devraient améliorer les résultats thérapeutiques et le pronostic de ces cancers.
Des essais de chimiothérapies néoadjuvantes sont en cours : un essai dirigé par le Dr Alain Depierre et l'IFCT (Intergroupe francophone de cancérologie thoracique) évalue deux protocoles de chimiothérapie, un premier bras comportant du cisplatine et de la gemcitabine et un second bras comportant du carboplatine et du taxol. L'essai va également comparer différents modes d'administration : certains patients vont recevoir deux cycles de chimiothérapie préopératoire et s'ils sont répondeurs deux cycles postopératoires, d'autres recevront deux cures de chimiothérapie, puisqu'ils sont répondeurs, deux autres cures immédiates avant chirurgie. Cet essai s'intéresse aux stades I et II dont la chimiosensibilité attendue à ces protocoles dépasse les 60 %.
La radiothérapie est le plus souvent réservée aux stades IIIA et IIIB, mais ses indications doivent encore être précisées. Dans les cancers bronchopulmonaires à petites cellules apparemment localisés, la radiothérapie thoracique augmente les chances de survie à trois ans, comme l'a démontré une métaanalyse datant déjà d'il y a dix ans. Cette irradiation doit être appliquée précocement de façon concomitante avec, ou intercalée entre, les premières cures de chimiothérapie. On doit insister sur l'importance de l'irradiation prophylactique encéphalique lorsque le patient est en réponse complète : le bénéfice est incontestable en termes de réduction du risque de récidive métastatique cérébrale première et en gain de survie. Un essai de dimension européenne recherche actuellement la meilleure dose en comparant deux modes d'irradiation.
Dans les cancers non à petites cellules, la chimiothérapie classique associe le cisplatine et la navelbine. La question en suspens est le choix du traitement en 2e et en 3e ligne en cas de rechute ou de progression. Un grand essai de Shepherd a démontré l'intérêt du docétaxel et dans une moindre mesure de la gemcitabine en termes de gain de durée de survie substantiel par rapport aux taux de réponse objectivés : ces nouvelles drogues paraissent avoir un effet de stabilisation prolongée de la maladie.
Les promesses des inhibiteurs de l'EGF-r
« Enfin, 2002-2003 marquera le renouveau complet de l'approche médicale », affirme le Pr Lebeau. L'interféron-alpha est à utiliser en traitement d'entretien après réponse complète à une chimiothérapie dans les cancers à petites cellules. Beaucoup de travaux en cours, de dimension internationale, concernent les inhibiteurs de l'EGF-r (Epithelial Growth Factor Receptor) dans le traitement des cancers bronchopulmonaires non à petites cellules. Les inhibiteurs de l'EGF-r augmentent les taux de réponse à une chimiothérapie associée et obtiennent à eux seuls des taux de réponse élevés en situation de deuxième ligne.
Le trastuzumab (Herceptin), anti-HER2/Neu, est en cours d'évaluation dans le cancer bronchopulmonaire ainsi que les inhibiteurs des métalloprotéinases, même si les résultats positifs se font attendre.
« Ces perspectives thérapeutiques médicales laissent à penser que la stratégie thérapeutique utilisée dans les cancers bronchopulmonaires se modifiera de façon majeure dans la décennie qui débute. »
D'après un entretien avec le Pr Bernard Lebeau, hôpital Saint-Antoine, Paris.
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