Comme le souligne le Pr Pere Gascon (hôpital de Barcelone), l'asthénie est relativement fréquente (61 %) chez les femmes atteintes de cancer du sein.
L'étude ECAS (European Cancer Anemia Survey) commencée en janvier 2001, est prévue pour durer encore six mois. Y participent 824 centres provenant de 24 pays. Elle inclut plus de 14 000 patientes atteintes de cancer solide ou d'hémopathie maligne, recevant chimiothérapie, radiothérapie ou les deux, dont plus de 3 000 atteintes de cancer du sein. Il s'agit d'un travail prospectif sur la survie, basé sur les pratiques des médecins face à la prise en charge de l'anémie.
L'étude multicentrique de Littlewood 2001, publiée dans le « Journal of Clinical Oncology », randomisée en double aveugle, compare deux groupes de patients atteints de tumeurs solides : placebo ou érythropoïétine (EPO). Elle montre que le niveau d'hémoglobine augmente dans le groupe érythropoïétine, qui nécessite alors moins de transfusion ; la qualité de vie est meilleure, de même que la survie (dix-sept mois contre onze ).
Les fonctions cognitives
D'autres études sont en train de montrer que l'EPO améliore aussi les fonctions cognitives, indissociables d'une bonne qualité de vie.
Confirmant ces données, le Dr Ursula Matulonis (Harvard, à Boston) expose les résultats d'une étude européenne récente sur la qualité de vie, multicentrique, fondée sur le schéma d'administration de l'EPO pour deux groupes de patients souffrant de cancer, dont un comprenant 541 patientes atteintes de cancer du sein. Dans ce schéma, on commence les injections d'EPO par 40 000 UI/semaine puis on réévalue au bout de quatre semaines ; on maintient la même dose si l'hémoglobine a augmenté d'au moins 1 g/dl ou on passe à 60 000 UI/semaine dans le cas contraire.
La qualité de vie est mesurée par le LASA (Linear Analog Scale Assessment) qui donne une échelle de fatigue de 0 à 100, et le Fact-An (Anemia Subscale) qui comprend vingt questions dont treize sur la fatigue et sept sur l'anémie. Résultats : l'EPO passe dans les deux groupes respectivement de 9,5 g/dl et 9,6 g/dl à 11,3 g/dl et 11,6 g/dl, avec p significatif ; qu'elle diminue nettement les besoins transfusionnels ; surtout, elle améliore la qualité de vie.
Il y a bien une réelle corrélation entre l'augmentation de l'hémoglobine et l'amélioration de la qualité de vie. De plus, il faut noter qu'une augmentation de l'hémoglobine de 10 g/dl à 11 g/dl est ressentie par le patient, de 11 à 12 g/dl encore plus mais pas au dessus. Le niveau recherché serait donc un taux d'hémoglobine à 12 g/dl.
L'effet néfaste de l'hypoxie sur les tissus tumoraux
L'érythropoïétine apparaît, selon le Dr Ursula Matulonis, bien tolérée et sûre, et son administration à 40 000 UI/semaine remplace déjà aux Etats-Unis le schéma classique des trois injections hebdomadaires.
Enfin, confortant l'intérêt de l'EPO, le Pr Sergio Pecorelli (université de Breschia, Italie) rappelle l'effet néfaste de l'hypoxie tumorale dans les tissus tumoraux, favorisant les résistances ou mauvaises réponses aux traitements (radiothérapie, radio-chimiothérapie) et la progression métastatique, diminuant de ce fait la survie corrélée avec le niveau d'hémoglobine. C'est le cas des cancers ORL et du col de l'utérus. Un taux d'hémoglobine plus élevé à la fin du traitement qu'au début, ou normal pendant le traitement, améliore la survie.
Ainsi, concluent les auteurs, l'hémoglobine améliore, par son augmentation et/ou sa normalisation grâce à l'EPO, la survie des patients atteints de cancer mais aussi et surtout leur qualité de vie, car la fatigue qu'ils ressentent est un symptôme majeur.
Un symposium « Optimizing the management of breast cancer patients : Living stronger, living longer ? », organisé par les Laboratoires Ortho Biotech/Janssen-Cilag à la 11e conférence européenne sur le cancer (ECCO).
Une fatigue particulière
La principale conséquence de l'anémie est la fatigue ; celle-ci, explique au « Quotidien » le Pr David Khayat (hôpital Pitié-Salpêtrière), ne se répare pas par le simple repos chez les patients atteints de cancer. Ce sont à la fois le cancer et ses traitements qui compromettent l'énergie, altèrent la vie quotidienne, la sexualité, la vie professionnelle, la vie familiale, la capacité à se projeter dans l'avenir, à se sentir heureux, donnant au patient le sentiment d'être un poids pour son entourage. Corriger l'anémie en atteignant un taux de 12 g/dl, que l'on peut considérer comme optimal, c'est corriger la fatigue et permettre au patient de retirer de la vie le maximum.
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