OUVERTE le 22 mars 2004, la ligne téléphonique Cancer Info Service a une longue histoire. Au commencement, en 1982, était Ecoute Cancer. Emanation de l'Ecole des parents, Ecoute Cancer est installée par le comité départemental de la lutte contre le cancer de Paris. Très vite le réseau est submergé. Après les Parisiens, des Franciliens et des Français de toutes les régions, demandeurs d'informations diverses et variées liées aux pathologies cancéreuses, téléphonent pour parler de «leur» cancer. Les trois ou quatre écoutants bénévoles des débuts n'y suffisent plus. Le 1er décembre 2000, Ecoute Cancer est transférée au siège de la Ligue nationale contre le cancer (Lncc) et se transforme en Cancer Info Service (0.810.810.821). Les moyens sont renforcés.
Puis Jacques Chirac fait du combat contre les cancers l'un des chantiers prioritaires de son second mandat présidentiel. Le 22 mars 2004, le Numéro Azur (prix d'un appel local, à partir d'un téléphone fixe)) renaît. Le chef de l'Etat en inaugure les nouveaux locaux à la Ligue. Un crédit de 1 million et demi d'euros contribue à la relance de la ligne, comme le prévoit la mesure 39 du plan Cancer 2003-2006. L'Institut national du cancer devient cogestionnaire du 0.810.810.821. A l'écoute et au soutien psychologique s'ajoute désormais une information scientifique. Il n'est toujours pas question de donner un avis sur un diagnostic, de faire un pronostic ou d'orienter un malade vers tel centre plutôt que tel autre. En revanche, des praticiens ne manquent pas d'adresser des patients à Cancer Info Service. En aidant à mieux comprendre la maladie, le service est complémentaire du colloque singulier sans chercher à le recréer. Quarante personnes se relaient au standard du lundi au samedi de 8 heures à 20 heures.
Un foisonnement d'interrogations d'ordre social.
Tous les appels passent par un premier niveau d'écoute qu'animent vingt infirmiers et spécialistes en téléphonie sociale, dont deux superviseurs et un directeur de plateau. «Je viens de subir une chimiothérapie, est-ce que je vais être chauve?», demande M. B., 49 ans. «Le traitement peut faire tomber les cheveux», lui répond l'écoutant. «J'ai une boule à l'aine, et mon médecin ne m'a rien dit. S'agit-il d'un cancer?», interpelle M. R., 51 ans. «Là, on arrête tout, explique le Dr Marc Keller, coordinateur national de Cancer Info Service. Il en irait de même avec une femme avec un cancer du sein désireuse de savoir si elle doit continuer à prendre la pilule. Pas plus que nous ne prescrivons de médicaments, nous ne constituons un outil de diagnostic. L'identification d'un quelconque dysfonctionnement et la décision médicale relèvent du praticien et de l'équipe soignante qui disposent du dossier du patient», insiste le cancérologue.
En première intention, les interrogations d'ordre social foisonnent. Elles portent sur l'accès à l'emprunt, le logement, l'insertion professionnelle et l'arrêt de travail. Quant à la question «Comment parler du cancer à un enfant», formulée par un père, une mère, un instituteur ou un proche, elle renvoie aussitôt au niveau 2 d'écoute, où se succèdent seize psychologues cliniciens, infirmiers et bénévoles. Par un simple transfert technique, que permet un couplage téléphonique, l'appelant change d'interlocuteur. Il est mis en confiance pour s'exprimer, «se délivrer, toujours anonymement bien entendu». A ce stade, «il est important de laisser la personne parler, de verbaliser ses sentiments», afin qu'elle prenne conscience de ses propres ressources. «C'est elle qui dispose des armes appropriées pour faire face à la maladie.» Tout ce qui touche aux pathologies cancéreuses entre dans le niveau 2. Par exemple, l'inquiétude d'un homme ou d'une femme endeuillés ou en fin de vie, le mal-être d'un patient après l'annonce du diagnostic, dans l'attente d'un traitement, ou lors de sa sortie de soins.
Contrairement à l'écoute de première intention, d'une durée moyenne de 7 à 8 minutes, celle de deuxième intention prend de 25 à 30 minutes. Le quart des 150 à 160 appels quotidiens basculent sur des intervenants psy. Le Dr Marc Keller parle alors d' «écoute active».
Des démarches à suivre, plutôt que du prêt-à-porter.
Cancer Info Service, doté d'un budget de fonctionnement annuel de 1 million et demi d'euros, offre une permanence juridique, assurée par trois avocats bénévoles du barreau de Paris, complétée depuis septembre 2006 par le service « assurabilité » (quatre conseillers techniques et deux superviseurs) de la Lncc. Là encore, les écoutants ne délivrent pas un «prêt-à-porter» à des questionnements personnalisés, mais indiquent des démarches à suivre, des voies de recours à emprunter, des comportements à modifier ou à adopter.
Régulièrement, les écoutants sont formés à l'écoute ou à la «réécoute». Quelques-uns parmi eux actualisent leurs connaissances scientifiques, grâce à un encadrementmédical composé de trois praticiens, dont deux cancérologues. Cela se fait à raison de deux ou trois séances hebdomadaires, parfois informelles ou de type magistral. Au total, quelque 48 000 appels sont pris en charge chaque année. Aux malades, comme à leur famille ou à leurs proches, Cancer Info Service apporte un soutien humain et un secours scientifique, social ou juridique qui s'appuie sur «des informations objectives et validées». «Nous nous employons, pour l'essentiel, à rompre l'isolement, en complément de l'action du médecin traitant et des équipes soignantes», insiste le Dr Keller.
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