De notre correspondante
En matière de recherche clinique, le conditionnel reste toujours de rigueur. En matière d'hadronthérapie, il l'est d'autant plus que les essais doivent être poursuivis sur des séries plus importantes de patients et ses indications précisées. Toutefois, l'ensemble des résultats présentés à Lyon conforte les cinq projets de centres européens dédiés à l'hadronthérapie, dont celui d'Etoile* à Lyon (« le Quotidien » du 30 septembre), dans leur intérêt. Au point qu'il semblerait difficile d'imaginer que la France, qui a inscrit ce projet dans le plan cancer, et qui se voit déjà doublée dans la réalisation par ses voisins allemands et italiens, ne donne finalement pas son feu vert, comme cela est attendu pour 2004.
La bonne dose, au bon endroit
D'un point de vue purement théorique, il semblerait que les ions légers soient la meilleure modalité qui puisse exister sur le plan radiothérapique. « Ces projets européens sont fondés sur deux rationnels très forts », argumente le Dr Pascal Pommier, radiothérapeute au centre anticancéreux Léon-Bérard (Lyon) et chargé de l'évaluation médico-économique pour Etoile. « Le premier est physique : les faisceaux d'ions légers permettent de déposer une dose efficace au bon endroit. Le second est biologique, puisque, du fait des particularités intrinsèques aux ions carbone, les tumeurs résistantes répondent mieux qu'aux rayons classiques. » La faisabilité de l'hadronthérapie a été largement démontrée, en particulier par Lawrence Berkeley, aux Etats-Unis, qui a lancé les premiers traitements par protons en 1954, et ceux par ions légers en 1957, chez plus de 2 500 patients. « On sait donc traiter en toute sécurité », affirme le Dr Pommier. Les deux centres d'hadronthérapie japonais, de Chiba et de Hyogo, ainsi que celui de Darmstadt, en Allemagne, ont pour leur part conduit des essais de phase I et II. Or, ils révèlent des résultats « spectaculaires » selon les spécialistes : « Pour des carcinomes du sinus, par exemple, on passe de 0 à 80 % de contrôle local à cinq ans », observe Pascal Pommier. Sur des cancers de la base du crâne, et plus particulièrement des astrocytomes et glioblastomes, la survie est supérieure à 90 % pour la première série de 45 patients traitée par les Japonais. « Les essais sont également concluants sur des sarcomes inopérables où des contrôles locaux de 68 % sont obtenus, avec 50 % de survie à trois ans », poursuit le Dr Pommier, en précisant que, pour certaines tumeurs, les essais de phase III seront probablement inutiles, tant le gain thérapeutique semble majeur.
« Aujourd'hui, nous devons faire des études comparatives avec la radiothérapie classique pour préciser la place que doit prendre cette technique, et étudier le rapport coût/efficacité par rapport aux indications précises », indique Pascal Pommier. Cette démarche, lancée dans le cadre d'Etoile, qui doit conduire à l'élaboration d'un projet médical, se poursuivra au sein du réseau Enlight (European Network for Research in Light Ion Therapy). Cependant, le couplage de données issues des registres de cancers français et d'enquêtes de pratique permet déjà d'estimer que 10 % des patients cancéreux seraient éligibles à l'hadronthérapie. « Dans les 5 à 8 premières années de fonctionnement, nous pourrions traiter 1 000 personnes par an », avance le Dr Pommier, tout en précisant que la collaboration européenne qui sera en place permettra un recrutement au-delà des frontières. En partant sur une base probablement surestimée de 15 séances, le coût d'un traitement par hadronthérapie serait approximativement de 15 000 euros, soit l'équivalent du prix actuel d'un traitement en cancérologie. « C'est donc raisonnable », commente Pascal Pommier.
Convaincre les politiques
Pour Etoile, 2004 s'annonce donc comme une année charnière. Outre le transfert de la gestion du projet de l'université Claude-Bernard à un groupement de coopération sanitaire, les promoteurs vont devoir mettre sur pied un plan de formation des médecins combiné avec l'envoi de patients français dans l'un des deux centres japonais. Mais c'est à partir du projet médical, doté d'arguments solides, qu'il faudra convaincre les politiques, et notamment ceux de la région Rhône-Alpes, bien qu'il soit désormais difficilement concevable que ces derniers ne rebondissent pas sur le projet Etoile pour asseoir le rayonnement européen de la région, et a fortiori du deuxième CHU de France !
* Projet Etoile, université Claude-Bernard Lyon-I, tél. 04.72.43.12.82.
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