Les manipulations capables de casser la tolérance de l'hôte et d'induire une inflammation médiée par les cellules T sont d'une importance capitale dans l'immunothérapie antitumorale et dans notre compréhension de l'auto-immunité, explique l'équipe de Maria Mercader (université Loyola de Chicago).
A la différence d'autres organes, la prostate acquiert sa différenciation fonctionnelle à la puberté. Il s'agit de la métamorphose d'un tissu à prédominance fibreuse en un organe fait de cellules épithéliales glandulaires. Cette métamorphose est régulée par les androgènes. Fait intéressant : malgré cette intrusion brutale et rapide de cellules spécialisées élaborant des protéines spécifiques de la prostate, le système immunitaire reste indifférent. On ne sait pas très bien à quoi est due cette tolérance immunitaire.
Une tolérance immunitaire réversible
Quoi qu'il en soit, l'équilibre semble précaire : certaines données suggèrent en effet que la prostate est prédisposée à des maladies auto-immunes. De plus, on sait que, chez l'animal et chez l'homme, l'immunothérapie peut induire une réponse à la fois contre les cancers de la prostate et le tissu prostatique normal ; ce qui suggère que la tolérance immunitaire vis-à-vis de la prostate est réversible.
On sait aussi que la suppression androgénique, traitement palliatif standard dans le cancer avancé de la prostate, induit une rapide involution du cancer hormono-dépendant de la prostate, à la fois au niveau du site primaire et des métastases. Mais, pour l'instant, on ne sait pas si la réaction inflammatoire qui se produit dans la prostate lors de la suppression androgénique est une réponse non spécifique ou une réponse à cellules T. D'où la nouvelle étude de l'équipe de Chicago.
Ce travail a porté sur 33 patients de moins de 70 ans, ayant un adénocarcinome prostatique de stade T1-T2b, n'ayant jamais reçu d'hormonothérapie ou de médicaments immunosuppresseurs. Parmi ces patients, 7 ont constitué le groupe contrôle ; les autres ont, avant prostatectomie chirurgicale, reçu une suppression androgénique à J7, J14, J21 ou J28. Deux agents standard étaient utilisés : flutamide (qui bloque les récepteurs aux androgènes) et leuprolide, qui inhibe la production de testostérone pendant un mois par le biais de son action hypophysaire sur la LH.
Infiltration massive de cellules T
Sans entrer dans les détails, ce travail montre que la suppression androgénique induit une infiltration massive de cellules T dans la prostate humaine, que ce soit au niveau des sites glandulaires normaux que dans les sites tumoraux. Cette infiltration apparaît entre 7 et 28 jours après le traitement. Fait important : la réponse est de type oligoclonal.
Selon les auteurs, le recrutement et l'activation de cellules présentatrices d'antigènes dans les tissus prostatiques traités pourraient contribuer à l'activation locale des cellules T.
« Une telle inflammation médiée par les cellules T, déclenchée par une manipulation hormonale, pourrait avoir des implications significatives pour le développement de stratégies d'immunothérapie destinées à traiter le cancer de la prostate, tout comme d'autres tumeurs hormonosensibles, y compris le cancer du sein », concluent les auteurs.
« Proc Natl Acad Sci USA », 4 décembre 2001, pp. 14 565-14 570.
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