La santé en librairie
Le récent rapport sur le cancer le confirme (« le Quotidien » du 20 octobre), la prévalence du cancer augmente en France, avec 278 000 nouveaux cas chaque année et plus de 150 000 morts par an. « Dans notre pays, en dix ans, il aura tué autant que la Première Guerre mondiale : un million et demi de personnes (...) En dix ans, il y a eu 36 000 morts dues au sida, 80 000 par accidents de la route et 1 500 000 par cancer », souligne le cancérologue.
Les moyens financiers, les efforts d'information, de lutte contre l'exclusion et le rejet des malades, qui lui sont consacrés, n'ont pas toujours été à la hauteur des enjeux. Vaincre le cancer passe par la recherche fondamentale, mais aussi par un changement d'état d'esprit. Devant la souffrance et la détresse de ces patients qui meurent encore trop souvent, malgré un courageux parcours du combattant, il y a néanmoins des raisons de croire en une guérison possible, une vraie légitimité à espérer, affirme ce cancérologue passionné. Chaque petit progrès vaut la peine car il faut être bien portant pour estimer qu'un mois, voire une semaine, de vie gagnée sont dérisoires ! Les médecins ne sont pas là pour décider à la place de leurs malades. « Le fait de n'être pas malade nous empêche de partager spontanément la même vision que nos patients. Nous devons respecter leur indépendance et leur choix et, pour que ceux-ci soient le plus cohérents et le plus pertinents possible, efforçons-nous de leur apporter toute l'information dont nous disposons », dit-il.
Comprendre cette cellule terroriste
Son effort de vulgarisation va dans ce sens en présentant la quintessence de nos connaissances sur les mécanismes de la cancérisation, sur les projets thérapeutiques complexes qui en découlent, comme sur les limites des traitements actuels. Ces informations, forcément simplifiées pour être accessibles à tous, portent aussi bien sur le sentiment de terreur ressenti devant ces redoutables cellules cancéreuses que sur les modalités sophistiquées des essais thérapeutiques ou sur les espoirs de la pharmacogénomique comme de la génomique tumorale.
Quelques idées reçues fort bien répandues, de l'hérédité au rôle des facteurs psychiques dans la genèse du cancer, en passant par ce que l'on croit savoir des attentes des patients, sont analysées avec clarté. Des évidences, trop souvent à peine murmurées, sur les facteurs de risque et les moyens dont nous disposons individuellement pour les limiter sont rappelées avec conviction. Les principes de la prise en charge des cancers ont radicalement changé ces dernières années, comme en témoigne, par exemple, le consensus actuel sur les chimiothérapies adjuvantes, rappelle David Khayat. S'il est utile de cerner l'ennemi pour lui faire face, « le cancer ne se résume pas à un simple dysfonctionnement cellulaire, à un dérèglement du comportement de certains gènes ». Pour le patient et sa famille, cette maladie représente un cataclysme, « un bouleversement d'une telle ampleur qu'il peut détruire la vie d'un homme ou d'une femme avant même d'entraîner réellement sa mort ».
Une lutte sociale et politique
La lutte contre cette maladie passe donc aussi par la déstigmatisation des patients, par la levée des tabous qui pèsent encore trop souvent sur la communication lorsqu'il s'agit de cancer. Sans lénifier inutilement, ni taire le danger que cette maladie représente, il importe de ne pas interdire au patient tout espoir de vivre un peu plus longtemps dans de bonnes conditions ou de finir sa vie sans souffrir, dit le cancérologue.
Permettre aux patients, à leur entourage et à la société tout entière de s'adapter à ce défi humain et scientifique que pose le cancer nécessite un changement d'état d'esprit et des décisions politiques. Le plan Cancer, dont David Khayat est l'un des principaux responsables, et qui a été lancé par Jacques Chirac, a entre autres pour objectif de « changer l'image du cancer ». Celui-ci est de plus en plus souvent une maladie chronique, souligne le spécialiste ; cette vie avec la maladie se fait en paix armée au prix de lourds sacrifices et d'une qualité de vie parfois bien médiocre. Pourtant, il est légitime d'imaginer que demain, avec de nouveaux traitements, cette chronicité soit tolérable, à l'instar du diabète ou de l'hypertension artérielle.
Comme le rappelle David Khayat dans sa conclusion, l'esprit de cette impulsion prometteuse donnée à la mobilisation contre le cancer est tout entier contenu dans la Charte de Paris contre le cancer, lancée à la Salpêtrière et signée en 2000 par Jacques Chirac et le secrétaire général de l'UNESCO.
« Les Chemins de l'espoir », Editions Odile Jacob, 298 pages, 21,50 euros.
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