Le rôle des vitamines dans la prévention et le traitement des cancers est mis en lumière par un certain nombre d'équipes et étayé par des études épidémiologiques. En général, les résultats montrent qu'un mélange de vitamines antioxydantes associées, telles que la vitamine C, le bêtacarotène, l'alphatocophérol et l'acide rétinoïque, semble plus efficace qu'un des éléments pris isolément pour réduire la genèse et la croissance tumorale. Pourquoi avoir voulu isoler le rôle de l'acide folique ? Sur la foi des résultats d'observations, de grandes études épidémiologiques et nutritionnelles ont montré que le développement de certains cancers est modulé en fonction du statut en acide folique. Une déplétion active la cancérogenèse tandis qu'une supplémentation apparaît protectrice. Une implication de l'acide folique dans le cancer colo-rectal a été soulignée, notamment chez l'animal (on a constaté une mauvaise réparation de l'excision de l'ADN dans les muqueuses coliques chez le rat).
Une explication moléculaire a été avancée. L'acide folique est essentiel pour la synthèse de l'ADN et pour les phénomènes normaux de réparation. Cette vitamine joue un rôle prépondérant dans la méthylation de l'ADN et de l'ARN, dont on connaît l'importance pour une expression appropriée des gènes. Ainsi, il a été montré que l'altération de la méthylation de la cytosine conduit à une activation de proto-oncogènes.
Un cancérogène per os
Comme elle l'avait fait précédemment, l'équipe de Shanghai (S. D. Xiao et coll., Renji Hospital) a travaillé sur des chiens beagles, animal pesant dans les huit kilos. Une carcinogenèse gastrique peut être induite par la N-éthyle-N-nitrosoguanidine (ENNG). Seize beagles mâles nourris avec ce produit ont été divisés en deux groupes. Huit ont reçu 20 mg d'acide folique pendant quinze mois. Le suivi a été assuré par gastroscopies et biopsies. Les résultats sont significatifs : tous les chiens du groupe contrôle ont développé un cancer gastrique, contre trois sur huit du groupe traité (p < 0,005). De plus, les concentrations sériques et au niveau de la muqueuse gastrique en acide folique se sont élevées de manière appréciable, ce qui tend à confirmer le rôle de cette vitamine.
Toutefois, « on présume que les conséquences du statut en folates sur la cancérogenèse sont fonction de l'équilibre entre l'acide folique et les carcinogènes », estiment les auteurs. Un déficit en acide folique induit un effet procarcinogène, même si les taux d'acide folique dans les tissus et le sang se trouvent dans les limites de la normale (ce qui était le cas des chiens de l'étude).
Tous les beagles du groupe traité ont développé des lésions dysplasiques pendant le suivi, avant toute supplémentation vitaminique. De ce fait, on ne peut exclure que de hautes doses d'acide folique puissent retarder le développement du cancer gastrique.
Enfin, on ne peut déduire formellement des résultats de l'étude une activité préventive certaine. Les fortes doses d'acide folique, telles qu'elles ont été administrées, peuvent aussi avoir retardé l'apparition des tumeurs.
« Gut », 2002 ; 50 : 61-64.
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