On assiste au développement des tests non invasifs pour le diagnostic de H. pylori, parmi lesquels le test respiratoire à l'urée marquée au carbone 13 (TRU) reste le seul utilisable pour contrôler l'éradication de H. pylori. Il est désormais remboursé en France. Sa principale limite est la nécessité d'arrêter la prise d'antisécrétoire au moins une semaine avant de l'effectuer.
D'autres tests non invasifs ont leur intérêt dans certaines circonstances : les tests fécaux (utilisant des anticorps monoclonaux) qui sont adaptés à la recherche chez l'enfant et ceux fondés sur la présence d'anticorps spécifiques anti- H. pylori que l'on peut rechercher dans le sang (sérologie), mais également au niveau des urines et de la salive (ces derniers ne sont pas disponibles en France). La sérologie est utilisée notamment en screening préendoscopique, dans les hémorragies digestives et les cancers de l'estomac.
La question « Faut-il éradiquer H. pylori pour prévenir le cancer gastrique ? » continue à faire l'objet de controverses. Pour le Dr J.-Ch. Delchier, il existe un faisceau d'arguments en faveur du dépistage et du traitement de toute la population infectée. Il est acquis que le taux d'éradication atteint 70 et 95 %, respectivement, après des traitements de première et de deuxième intention, tels qu'ils sont pratiqués en France. L'importance de l'implication de H. Pylori dans la physiopathologie du cancer gastrique (risque augmenté d'un facteur allant de 8 à 30) a été suggérée par des études plus récentes tenant compte de la sous-estimation de la prévalence de l'infection chez les patients cancéreux.
Risque modulé par la virulence de la bactérie
De plus, on admet maintenant que l'intensité de la gastrite, et, par conséquent, le risque de cancer, est modulée par la virulence de la bactérie et le génotype de certaines cytokines, notamment l'interleukine 1. En outre, les études réalisées chez l'animal et chez l'homme montrent une stabilisation des lésions de gastrite chronique, notamment de l'atrophie et/ou métaplasie intestinale. L'éradication de H. pylori diminue la gastrotoxicité des AINS. En revanche, elle pourrait favoriser l'apparition d'un reflux gastro-œsophagien chez certains patients.
Pour sa part, le Dr J.-F. Bretagne développe des arguments contre le dépistage et le traitement systématiques de l'infection par H. pylori. Si 70 % des adénocarcinomes distaux sont attribuables à H. pylori, le pourcentage ne serait plus que de 40 % en considérant tous les cancers de l'estomac. Contrairement au cancer du corps gastrique et de l'antre, le cancer du cardia n'est pas lié à l'infection à H. pylori. En outre, le risque d'avoir un cancer gastrique lorsqu'on est infecté par H. pylori est faible (de l'ordre de 1 %) et dépend d'un certain nombre de facteurs, tels que l'âge d'acquisition de l'infection, la virulence de la bactérie, le génotype de l'hôte, mais aussi les facteurs environnementaux, comme le tabac et l'alimentation.
Apport élevé en antioxydants
Des études en Suède ont montré que le tabac multipliait le risque de cancer gastrique d'un facteur 2,3. En revanche, il était réduit de 40 % grâce à un apport élevé en nutriments antioxydants. De même, dans une étude menée en Colombie, l'éradication de H. pylori permettait de réduire la prévalence de l'atrophie et de la métaplasie intestinale, mais cette stratégie n'était pas supérieure à la supplémentation en acide ascorbique ou en bêtacarotène. C'est dire l'importance des recommandations de la consommation de fruits et de légumes parmi les mesures d'éducation à la santé.
Comme le conclut le Dr Bretagne, la prévention du cancer gastrique par le dépistage de masse de l'infection par H. pylori et son éradication systématique ne constituent pas un objectif réaliste en France. Les indications doivent rester sélectives chez les patients ayant un antécédent personnel de cancer gastrique, chez les apparentés de premier degré, et lors de la découverte fortuite en endoscopie d'une gastrite atrophique à risque.
En ce qui concerne la chimioprévention des cancers digestifs, qui peut être envisagée à tous les stades de la carcinogenèse, de multiples études ont montré que la consommation régulière d'aspirine et/ou d'AINS est associée à une diminution de l'ordre de 30-40 % du risque de cancer et de polypes recto-coliques. Quant aux inhibiteurs de la cyclo-oxygénase de type 2, il a été démontré qu'ils diminuent la prolifération cellulaire et induisent l'apoptose. On attend des résultats pour 2004-2005 des essais évaluant l'effet du célécoxib chez des patients ayant bénéficié de la résection d'adénomes coliques.
D'après les communications des Drs F. Mégraud (Bordeaux), J.-Ch. Delchier (Créteil), J.-F. Bretagne (Rennes) et R. Benamouzig (Bobigny), lors des 2es Avancées en gastro-entérologie, avec le soutien des Laboratoires AstraZeneca.
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