A la veille de la mise en place du dépistage généralisé du cancer du sein dans notre pays, deux études publiées par le « Lancet » permettent de faire le point sur l'intérêt de ce type de prise en charge dans la réduction de la mortalité par cancer du sein à l'échelle de la population.
Deux pays - la Suède et les Pays-Bas - ont en effet déjà mis en œuvre un tel dépistage en se fondant sur les résultats d'études randomisées contrôlées qui, dans les années 1980, avaient permis de montrer que le dépistage s'accompagne d'une baisse de la mortalité de 10 à 60 % dans une population de femmes de 50 à 69 ans. L'effet à long terme sur l'incidence des cancers du sein et la mortalité liée à cette pathologie n'était pas encore formellement établi. Il est maintenant prouvé que le mode de vie des femmes (allongement de la durée de vie, recours plus fréquent aux traitements hormonaux, etc.) majore de façon notable le risque carcinologique au niveau mammaire.
Entre 40 et 55 ans, tous les 18 mois
En Suède, le dépistage systématique par mammographie a été progressivement introduit dès 1978. Chez les femmes âgées de 40 à 55 ans, un examen est proposé tous les 18 mois, alors que chez les 55-69 ans le délai entre deux mammographies est de 24 mois. L'équipe du Dr Lazlo Tabar a comparé, avant et après 1978, date à laquelle le dépistage a été mis en place, l'incidence des décès par cancer du sein dans deux provinces suédoises, où vivent 210 000 femmes âgées de 20 à 69 ans.
« Entre 1958 et 1977, on a assisté à une majoration régulière du taux de décès par cancer du sein de 1 % par an. Après 1978, le risque de décès a été abaissé de 44 % dans le groupe des femmes de 40 à 69 ans ayant subi un dépistage, alors que chez les 20-39 ans - qui, selon les critères choisis, n'effectuent pas de mammographie - ce taux est resté inchangé », expliquent les auteurs. Afin de confirmer que cette baisse est effectivement attribuable à la pratique de la mammographie, les chercheurs se sont intéressés au 20 % de femmes qui dans les deux groupes d'âge ne souhaitent pas effectuer l'examen. Il s'agit généralement de patientes d'un niveau socio-économique faible et dont le comportement (tabac et alcool) majore le risque de décès prématuré. « Chez ces femmes aussi, l'incidence des décès par cancer du sein a diminué de 16 % chez les 40-69 ans. A cela, plusieurs explications sont possibles : d'une part, le système de soins a évolué depuis la mise en place de l'étude en 1978 et un nombre plus important de femme va consulter des médecins plus sensibilisés et mieux formés au pathologies néoplasiques ; d'autre part, les traitements disponibles sont de meilleure qualité et, même lorsque la pathologie est découverte à un stade clinique, le pronostic s'est amélioré », précise le Dr Tabar.
Baisse annuelle des décès de 1,7 %
La seconde étude est fondée sur l'analyse des registres de population des Pays-Bas où un programme de dépistage a été mis en place de façon progressive entre 1989 et 1997 chez les femmes de 50 à 69 ans. De 1980 à 2001, 30 560 décès par cancer du sein ont été enregistrés dans le pays. Entre 1986 et 2001, l'incidence des décès a baissé de 19,9 % chez les 55-74 ans, alors qu'avant l'introduction du dépistage organisé elle se majorait de façon régulière (0,3 % chaque année). « En moyenne, on peut évaluer à 1,7 % la baisse annuelle des décès par cancer du sein en relation avec le dépistage organisé chez les 55-74 ans et cette proportion est de 1,2 % chez les 45-54 ans », analysent les auteurs. Afin de vérifier si cette baisse n'était pas liée à l'évolution des traitements au cours de la même période (mise en place de chimiothérapie adjuvante et d'hormonothérapie), l'équipe du Dr Otto a procédé à une analyse en sous-groupes dans deux grandes villes du pays et les chercheurs concluent au bien-fondé du dépistage puisqu'il permet - à lui seul - de faire baisser le taux de décès de 13 % en moyenne.
« The Lancet », vol. 361, pp. 1405-1410 et 1411-1417, 26 avril 2003.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature