Cancer du sein : l'utilité de la mammographie est démontrée

Publié le 17/03/2002
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L'utilité du dépistage du sein par la mammographie restait controversé. Une métaanalyse publiée dans le « Lancet » en 1993 n'avait pas réussi à apaiser le débat entre partisans et détracteurs de l'examen. La confusion régnait, comme l'illustrait une anecdote que rapportent aujourd'hui les éditorialistes du « Lancet ». Une journaliste américaine de 53 ans avouait, lors d'un congrès d'oncologie à Cambridge (Angleterre) l'année dernière, ne s'être encore jamais résolue à faire de mammographie, parce que, disait-elle, « aucune réponse claire ne lui avait été apportée quant à l'utilité de ce type de dépistage ». Elle avait pourtant interrogé les spécialistes de part et d'autre de l'Atlantique et passé en revue l'ensemble des publications scientifiques sur le sujet.

En effet, sept grandes études ont été déjà publiées dans la littérature : quatre suédoises, une américaine, une écossaise et une canadienne. La métaanalyse présentée dans le dernier « Lancet » par Nyström et coll. devrait enfin mettre un terme au débat.

Analyse des biais

Comme celle de 1993, cette métaanalyse reprend les données des quatre études suédoises. Ces dernières ont l'avantage de n'évaluer que la mammographie (et pas la palpation des seins) et de reposer sur le même protocole : une comparaison entre une population de femmes ayant reçu une convocation pour une mammographie et un groupe contrôle ne l'ayant pas reçue. Les auteurs ont, cette fois, tenu compte des réserves émises après de leur première publication et qui concernaient surtout les biais dus au mode de randomisation. Toutes les données ont été reprises, vérifiées individuellement et analysées afin d'exclure tous les motifs de biais éventuels ; le suivi de la mortalité parmi les patientes a été prolongé à partir des données du Registre suédois sur la mortalité par cancer.
Les quatre études avaient été réalisées : à Malmö (MMST1 et MMST2), entre 1976 et 1990, incluant des femmes âgées de 45 à 70 ans, puis de 43 à 49 ans ; à Östergötland, entre 1978 et 1988, incluant des femmes de 38 à 75 ans (l'étude comportait des données sur la région de Kopparberg, mais celles-ci n'ont pas été incluses dans cette métaanalyse) ; à Stockholm, entre 1981 et 1986, incluant des femmes de 39 à 65 ans ; et, enfin, à Göteborg, entre 1982 et juin 1991, incluant des femmes de 39 à 59 ans.
Après exclusion des cas non valides, la métaanalyse a porté sur 247 010 patientes (129 750 dépistés et 177 260 non dépistés). La durée moyenne des études était de 6,5 ans pour un suivi moyen de quinze ans. Une réduction significative de 21 % de la mortalité par cancer du sein a été observée dans le groupe dépisté par rapport au groupe contrôle (511 pour 1 864 770 femmes/an, contre 584 décès pour 1 688 440 dans le groupe contrôle).
Cette réduction était plus importante chez les femmes âgées de 60 à 69 ans lors de l'inclusion (33 %). Afin de faire la part entre l'effet de l'âge et l'effet du dépistage, les risques relatifs ont été calculés en fonction des tranches d'âge de cinq ans et de dix ans. L'analyse des tranches de dix ans a montré un effet significatif de la mammographie pour tous les groupes (53-62, 54-63, 64-73 ans). Pour les tranches de cinq ans, l'effet n'est pas constant : significatif pour les 55-59, 60-64 et 65-69 ans, il est moindre chez les 50-54 ans.

Le maintien du bénéfice dans le temps

Selon les éditorialistes, le résultat le plus intéressant de cette étude a été la confirmation du maintien du bénéfice de la mammographie dans le temps. En effet, la réduction de la mortalité cumulé par cancer du sein commence à apparaître environ quatre ans après la randomisation et se maintient pendant environ dix ans.
Même modeste et variable selon l'âge, le dépistage par mammographie a un réel impact sur la réduction de la mortalité par cancer du sein. Si le débat reste ouvert pour les femmes de moins de 50 ans, l'étude montre clairement que les femmes de 55-69 ans sont celles qui bénéficient le plus de ce type de dépistage. Or la moitié d'entre elles, tout comme la journaliste américaine citée plus haut, refuse encore l'examen. Cette dernière métaanalyse, en confirmant la validité des données suédoises, devrait aider à l'élaboration de recommandations et de guides d'information pour ces femmes. Il est temps, concluent les éditorialistes, « que le débat se tourne désormais vers des sujets tels que le diagnostic moléculaire, la recherche étiologique ou encore thérapeutique afin d'améliorer la survie des femmes atteintes par le cancer du sein ».

Lennarth Nyström et coll. (Stockholm). « Lancet », 16 mars 2002, vol. 359, pp. 904-905 et 909-919.

Dr Lydia ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7088