Plusieurs essais cliniques randomisés avaient déjà montré que la chirurgie conservatrice donnait des taux de survie similaires à ceux de la mastectomie chez les patientes traitées pour un cancer du sein à un stade précoce. De même, il avait été démontré qu'une irradiation de tout le thorax avec une dose 50 grays après une excision complète, vérifiée à l'examen microscopique, réduisait le taux de récidive dans l'autre sein. Cependant, peu d'études concernaient des doses de radiothérapie supérieures à 50 grays. C'est donc pour évaluer l'effet d'une dose additionnelle au niveau du lit tumoral, associée aux 50 grays délivrés sur l'ensemble du thorax, que l'EORTEC (European Organization for Research and Treatment of Cancer) a conçu cet essai publié dans « New England Journal of Medicine ».
L'étude a concerné 5 318 patientes ayant un cancer du sein au stade I ou II (T1-2, N0-1, M0). Après exérèse locale et curage ganglionnaire axillaire, dont les résultats ont été contrôlés grâce à un examen microscopique, les patientes ont reçu, soit une radiothérapie classique de 50 grays (2 657 patientes), soit une radiothérapie avec une dose supplémentaire de 16 grays sur le site primitif de la tumeur (2 661). Certaines patientes ont dû subir une nouvelle excision après contrôle microscopique et ont reçu, après tirage au sort, une dose supplémentaire, soit de 10 grays, soit de 26 grays. Des thérapeutiques adjuvantes ont été instituées : chimiothérapie en cas d'envahissement ganglionnaire et chez les préménopausées ; taximofène chez les postménopausées.
Une publication autorisée au bout de cinq ans
Le suivi des patientes devrait durer dix ans. Cependant, au vu des premiers résultats à cinq ans, le comité de pilotage a autorisé leur publication. Ainsi, après un suivi de cinq ans en moyenne, 182 patientes sur les 2 657 qui avaient reçu le traitement standard ont récidivé contre seulement 109 des 2 661 qui avaient reçu la dose supplémentaire (taux de récidive respectifs : 7,3 et 4,3 %). Les récidives ont été le plus souvent locales : 47 % dans le lit de la première tumeur, 9 % au niveau de la cicatrice, 29 % en dehors de la surface tumorale d'origine, 27 % diffuses dans le thorax.
Le résultat le plus significatif est venu de l'analyse des sous-groupes : les patientes de 40 ans ou moins sont les principales bénéficiaires de cette radiothérapie locale supplémentaire. A cinq ans, leur taux de récidive est de 19,5 % avec le traitement standard contre 10,2 % avec la dose additionnelle. Et ce bénéfice est indépendant du traitement adjuvant par voie systémique.
Des facteurs pronostiques négatifs ont été mis en évidence : jeune âge, préménopause, tumeur étendue (à la palpation ou à l'anatomopathologie), l'exérèse incomplète de la tumeur, absence de récepteurs pour les estrogènes ou la progestérone. Ainsi, le risque de récidive locale est plus élevé si la patiente est jeune, si sa tumeur est étendue (palpable à l'examen clinique) et si les récepteurs pour la progestérone sont absents. La radiothérapie locale additionnelle et l'âge se sont révélés des facteurs hautement significatifs (p = 0,001) dans le contrôle de la récidive locale.
Un risque annuel de récidive diminué de moitié
Contrairement à ce qui était attendu, la fréquence des fibroses n'a pas été augmentée. Seuls les résultats esthétiques ont été un peu moins bons. Aucun autre effet secondaire n'a été constaté. Ainsi, cette étude multicentrique a clairement démontré le bénéfice d'une irradiation locale additionnelle chez la femme jeune (40 ou moins), avec un risque annuel de récidive locale diminué de près de la moitié. « Notre analyse indique aussi que le cancer du sein chez les patientes jeunes répond mieux à la radiothérapie, mais il n'y a pas d'explication radiobiologique claire à cela. Nous ne suggérons pas que le traitement additionnel est inefficace chez les patientes plus âgées, mais son efficacité doit décroître avec l'âge, peut-être parce que, chez ces patientes, le contrôle local après une dose de 50 grays sur tout le thorax est excellent. » L'amélioration du contrôle local associé à l'irradiation après chirurgie conservatrice ou mastectomie devrait se traduire par une survie plus importante. L'analyse des résultats à dix ans devrait le confirmer, comme devront être aussi analysés les effets tardifs éventuels de l'irradiation.
Harry Bathelink et coll., « New England Journal of Medicine », vol. 345, n° 19, du 8 novembre 2001.
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