Le risque pour une femme de faire un cancer du sein au cours de sa vie est de 1 sur 9. Lorsqu'il existe une histoire familiale, ce risque est augmenté : il est, par exemple, multiplié par 2 pour une femme dont la mère est atteinte. Mais toutes ces formes ne sont pas liées à une prédisposition héréditaire. On estime qu'un gène de prédisposition serait en cause dans 5 à 10 % de l'ensemble des cancers du sein. A ce jour, deux gènes ont été localisés. Le premier, en 1990, par l'équipe américaine de J. Hall, sur le chromosome 17 (baptisé BRCA1 pour Breast Cancer 1) ; le second, en 1994, sur le chromosome 13 appelé BRCA2. BRCA1 est responsable de 30 à 40 % des cancers héréditaires et BRCA2 de 10 à 30 % d'entre eux. Dans moins de 2 % des cas, d'autres gènes de susceptibilité ont été mis en cause et concernent des syndromes familiaux spécifiques : syndrome de Li fraumeni (mutation p53 sur le chromosome 17), syndrome de Cowden (PTEN, 10q23), syndrome de Muir-Torre (MSH2, MLH1), de Peutz-Jeghers et l'ataxie-télangiectasie (11q21). Dans un tiers des cas, on ne connaît pas le gène en cause, et les recherches se poursuivent pour les localiser. Le BRCA3 (13q21) a notamment été évoqué, mais son existence reste controversée*.
Pour les sujets porteurs d'un gène de susceptibilité, le risque cumulé est estimé entre 56 et 85 % pour BRCA1 et BRCA2. Grâce à la mise en place d'un dispositf spécifique, ces personnes à haut risque peuvent désormais être dépistées et bénéficier d'un test génétique.
Un test génétique pour 10 % des cancers
En effet, ces gènes sont à l'état normal des gènes « suppresseurs de tumeurs » qui codent pour une protéine impliquée dans le contrôle de la division cellulaire. Certaines mutations sur ces gènes conduisent à la production d'une protéine anormale et à une division anarchique des cellules. Environ 500 mutations sont connues pour le BRCA1 et 300 pour le BRCA2. De plus, ces mutations peuvent se produire sur n'importe lequel des 22 exons du BRCA1 et des 26 exons du BRCA2, ce qui interdit tout dépistage systématique sur la population générale des personnes porteuses d'une mutation.
Le rôle des consultations d'oncogénétique, réparties sur tout le territoire (liste disponible sur orphanet.infobiogen.fr), est d'évaluer, à partir de la reconstitution de l'histoire familiale, la probabilité d'être en présence d'une forme héréditaire. Ces consultations sont ouvertes à tout adulte (homme ou femme) inquiet de l'existence de plusieurs cas de cancer du sein ou de l'ovaire dans sa famille ou à toute personne atteinte qui désire savoir si son cancer est héréditaire.
Autosomique dominant, le BRCA se transmet d'une génération à l'autre par le père ou la mère. Un sujet masculin peut donc transmettre à sa fille le gène altéré. Dans un contexte familial de cancer du sein, une prédisposition héréditaire sera suspectée en présence de plusieurs des critères suivants :
- trois cancers du sein ou plus chez des parents du premier ou du deuxième degré dans la même branche parentale diagnostiqués à un âge précoce ;
- atteinte bilatérale ;
- existence de cancer de l'ovaire ou de cancer du sein masculin. Ainsi, lorsqu'il existe trois cancers du sein familiaux, un cancer de l'ovaire dans 80 % des cas, une mutation BRCA1 sera suspecté et, dans 15 % des cas, un BRCA2. Les proportions s'inversent, si un cancer du sein masculin existe (BRCA2 à 80 % et BRCA1 à 15 %).
Le test génétique est proposé si la probabilité estimée d'être en présence d'un gène de susceptibilité atteint 25 %. Le test n'est réalisable que si les personnes atteintes sont vivantes et consentantes, et s'il existe un réel bénéfice pour la santé. Dans tous les cas, un accompagnement psychologique est mis en place et le patient est informé des conséquences de sa recherche.
La pharmacogénétique progresse
Même si le test n'a pas été possible, les personnes à haut risque de cancer du sein ou de l'ovaire bénéficient d'une prise en charge spécifique. L'attitude choisie en France est de proposer une surveillance étroite : examen clinique tous les six mois, mammographie tous les ans et, éventuellement, une mammectomie bilatérale. Un modulateur spécifique des récepteurs à estrogènes (anti-estrogènes, inhibiteurs de l'aromatase) peut être proposé : une réduction du risque de 45 % a été rapportée avec le tamoxifène. Pour les femmes ayant eu un cancer du sein ou ayant une mutation identifiée, l'ovariectomie bilatérale peut être envisagée dans certains cas.
Même avec un test positif, de 15 à 40 % des femmes avec une mutation BRCA ne feront probablement pas de cancer du sein.
Si la recherche génétique a permis de mieux dépister ces formes héréditaires de cancer du sein, les retombées attendues concernent le traitement des cancers métastatiques. Le cancer du sein reste, en effet, quelle qu'en soit l'origine, une des premières causes de la mortalité par cancer chez la femme. Plus il est dépisté et traité à un stade précoce, plus les chances de guérison sont importantes. Cependant, 50 % des cancers feront des métastases. L'hormonothérapie et la chimiothérapie ont fait des progrès incontestables au cours de ces dernières décennies (inhibiteurs de l'aromatase de 3e génération et taxanes), mais la variabilité de la réponse individuelle sur le plan de la toxicité et de la réponse au traitement ouvre un avenir prometteur au traitement biologique des tumeurs. Les stratégies nouvelles exploitent les altérations moléculaires spécifiques des tumeurs, pour mettre au point de nouveaux agents biologiques ou des marqueurs spécifiques. Ces derniers sont des protéines ou des gènes, surexprimés dans les tumeurs, qui aident le praticien à choisir la meilleure stratégie thérapeutique.
La découverte de l'oncogène HER-2 est un exemple de cette recherche. HER-2 code pour le récepteur d'un facteur de croissance qui est surexprimé dans 15 à 25 % des cancers du sein. La prise en charge optimale des cancers du sein métastatiques passe désormais par la connaissance préalable du statut tumoral pour ces récepteurs HER-2. Les tumeurs HER-2 positifs sont moins sensibles à l'hormonothérapie.
Moins de quinze ans se sont écoulés entre la découverte de l'oncogène et la mise au point d'une thérapie par un anticorps monoclonal anti-HER-2, le trastuzumab (Herceptin). Des études ont montré une augmentation de la survie des patients lorsque l'Herceptin était associé à une chimiothérapie de première intention instituée lors de l'apparition d'une résistance à l'hormonothérapie.
Un des effets de l'Herceptin serait d'empêcher ou de retarder l'apparition de cette résistance. Cela ouvre la voie à de nouveaux schémas thérapeutiques : nouvelles associations et nouvelles séquences thérapeutiques.
D'autres agents cherchent également à agir sur les mécanismes en aval des récepteurs de surface des cellules tumorales (inhibiteur du m-TOR ou de la fanesyltransférase). La voie de l'apoptose est aussi explorée (mise au point d'un inhibiteur du protéasome).
Plus généralement, la variabilité de la réponse individuelle au traitement anticancéreux pourrait être la conséquence d'un polymorphisme génétique touchant les enzymes intervenant dans le métabolisme des médicaments. De même, l'expression de certains gènes dans les tumeurs pourrait être associée à une réponse accrue à certaines thérapies. De nouvelles classifications moléculaires des tumeurs sont maintenant possibles grâce à la technologie du microa-aray (ADN). L'étude de leur profil génétique a mis en évidence l'hétérogénéité de tumeurs pourtant histologiquement similaires, et ces profils ont une valeur prédictive.
Grâce à la génomique et à la protéomique, le traitement du cancer du sein devrait évoluer d'une utilisation d'agents non spécifiques à fortes doses vers une utilisation d'agents plus ciblés adaptés aux spécificités moléculaires des tumeurs pour chaque patient.
* Voir « le Quotidien » du 23 janvier 2002.
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