La question de la préservation de la fertilité chez les femmes atteintes de cancer du sein traitées par chimiothérapie se pose de façon systématique au moment de leur prise en charge. En raison des risques associés avec la prescription des traitements stimulateurs de l'ovulation chez ces femmes, un recueil d'ovocytes est pratiqué sans recours à l'administration de clomiphène - médicament contre-indiqué chez les femmes présentant un cancer hormonosensible. Mais le taux d'obtention d'ovocytes et d'embryons en cas de fertilisation in vitro en cycle naturel est assez faible (75 % de réussite). C'est pour cette raison que l'équipe du Dr K. Oktay (New York) a proposé d'utiliser comme inducteur de l'ovulation le tamoxifène. En effet, cette molécule a d'abord été développée à la fin des années soixante comme contraceptif, puis elle a été utilisée comme stimulant de l'ovulation jusqu'à la mise sur le marché du clomiphène, qui est devenu le médicament de référence dans cette indication aux Etats-Unis et en France. Depuis 1976, le tamoxifène est prescrit chez les femmes porteuses de cancer du sein hormonodépendant en raison de son effet anti-estrogénique.
Cryopréservation ou transfert d'embryons non congelés
Le Dr K. Oktay a évalué l'intérêt d'une stimulation ovarienne par tamoxifène chez 12 femmes qui ont reçu 40 à 60 mg de cette molécule à partir du 2e jour du cycle. L'étude a porté sur 15 cycles : 9 ont donné lieu à une cryopréservation et 6 à un transfert d'embryons non congelés (chez des femmes ayant déjà subi une chimiothérapie et considérées comme guéries de leur cancer). Les auteurs ont comparé les résultats obtenus avec ceux d'une série rétrospective de 5 femmes ayant subi une procédure de fécondation in vitro naturelle.
Par rapport à la méthode naturelle, l'utilisation du tamoxifène a permis, pour chaque cycle, l'obtention d'un nombre plus élevé d'ovocytes matures (1,6 ± 0,3, contre 0,7 ± 0,2), ainsi que d'embryons (1,6 ± 0,3, contre 0,6 ± 0,2). Chez les 12 femmes traitées par tamoxifène, des embryons ont été obtenus, alors que, chez les témoins, des embryons n'avaient été obtenus que chez 3 femmes sur 5.
Des jumeaux
Deux des 6 femmes traitées par tamoxifène et ayant eu un transfert d'embryon non congelé ont vu une grossesse débuter : l'une a donné naissance à des jumeaux, l'autre, âgée de 42 ans, a eu un avortement spontané après 8 semaines de grossesse. Dans le groupe témoin, le nombre de grossesses a été lui aussi de 2. Chez ces femmes considérées comme guéries de leur cancer, aucune récidive de la tumeur n'a été notée en moyenne quinze mois après l'utilisation du tamoxifène comme inducteur de l'ovulation.
« Si les deux groupes choisis ne sont pas tout à fait comparables - celui des femmes traitées par tamoxifène regroupant des patientes suivies avant ou après une chimiothérapie -, il semble néanmoins que l'utilisation de l'anti-estrogène comme inducteur de l'ovulation apporte un bénéfice en termes de nombre d'ovocytes et d'embryons disponibles pour une réimplantation », concluent les auteurs.
« Human Reproduction », vol. 18, n° 1, pp. 90-95, 9 janvier 2003.
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