L A famille des cyclines D comporte trois protéines, D1, D2 et D3, qui contrôlent la progression du cycle cellulaire en activant des kinases cyclines-dépendantes. Ces kinases phosphorylent à leur tour la protéine Rb, qui permet à la cellule de franchir la phase G1 du cycle.
En soi, cette fonction des cyclines est suggestive d'un rôle dans la transformation tumorale. Mais des éléments plus précis ont pu être recueillis dans le cancer du sein. Le gène de la cycline D1 apparaît en effet amplifié dans 20 % des carcinomes du sein, et la protéine surexprimée dans quelque 50 % des tumeurs.
Une surexpression spécifique de la transformation tumorale
Cette surexpression semble hautement spécifique de la transformation tumorale. Elle n'est en effet pas observée dans les lésions précancéreuses, mais apparait au stade précoce du cancer, dès le carcinome in situ, pour se maintenir ensuite à tous les stades, jusque dans les lésions métastatiques.
Pour vérifier le rôle de la cycline D1 dans la transformation, des souris déficientes pour le gène (knock-out) ont été obtenues. Ces animaux ont déjà été décrits : l'inactivation des deux allèles du gène se solde par des anomalies mineures du développement de la rétine et du système nerveux, ainsi qu'une absence de développement des lobules mammaires chez la femelle aux derniers stades de la grossesse. Ces animaux, parfaitement viables, ont donc été croisés avec quatre lignées de souris portant un oncogène v-Ha-ras, c-neu, c-myc, ou Wnt-1 muté, et, par conséquent, très susceptibles aux cancers mammaires.
L'effet protecteur du déficit en cycline D1 a été largement confirmé vis-à-vis des mutations de ras ou neu. Ainsi, quand 19 des 21 souris cycline D1 +/+ ras ont développé un cancer mammaire, aucun cas n'a été observé parmi les animaux cycline D1 -/- ras. En ce qui concerne le gène neu, le résultat est analogue : les 26 animaux portant une mutation de l'oncogène et exprimant normalement la cycline D1, ont développé un carcinome mammaire, qui n'a été observé chez aucune des 42 souris déficientes en cycline D1. La mutations de myc ou de Wnt-1 se soldent, elles, par des cancers, que l'animal exprime ou non la cycline D1.
La protéine apparait donc comme la voie d'expression sine qua non des mutations de ras ou neu, tandis qu'il existerait au moins une voie alternative de transformation pour les cellules mutées en myc ou Wnt-1. Selon des analyses menées sur des cellules en culture, cette voie alternative pourrait être simplement la cycline D2, absente des cellules mutées en ras ou neu, mais que l'on retrouve, en revanche, en fort excès dans les cellules mutées en myc ou Wnt-1.
Les auteurs se sont par ailleurs demandés si l'expression « cycline D1-dépendante » des mutations en ras ou neu, est un trait commun à tous les types cellulaires. De manière plutôt inattendue, la réponse est non. En fait, trois carcinomes des glandes salivaires, observés parmi les souris cycline D1 -/- ras, en l'absence de cancer su sein, suggéraient un rôle particulier de la cycline D1 dans la transformation des cellules épithéliales mammaires. Mais une confirmation a pu être obtenue. Un test d'infection de fibroblastes cycline D1-/-, par un rétrovirus transférant un oncogène ras ou neu muté, a été réalisé. Malgré le déficit en cycline D1, les cellules ont bien été transformées par l'oncogène et se sont, par ailleurs, montrées capables de former une tumeur sur souris nude. Dans ces fibroblastes, des taux élevés de cycline D2 et D3 ont d'ailleurs été observés, dont on peut supposer qu'ils jouent ici encore le rôle de voie alternes. Ainsi, la dépendance de la transformation vis-à-vis de la cycline D1 paraît être une situation spécifique non seulement des oncogènes mutés, mais aussi du type cellulaire. Au passage d'ailleurs, ce résultat fragilise la notion voulant que la voie d'expression d'un oncogène soit constante et indépendante du type cellulaire.
Une proportion non négligeables de cancers
Même si le rôle de la cycline D1 n'est pas généralisable, la fonction qui est semble être la sienne dans certains cancers du sein en fait une cible thérapeutique potentielle. A priori, la proportions de cancers du sein concernés n'a rien de négligeable : si les mutations de ras sont rares dans ces tumeurs, des mutations de neu (qui opère en amont de ras) sont en revanche signalés dans un cancer du sein sur deux. Dans cette situation, probablement exceptionnelle, où l'expression de l'oncogène semble ne pouvoir passer que par une et une seule courroie de transmission, il est évidement tentant d'interrompre cette dernière, et d'autant plus que l'inactivation de la cycline D1 semble pratiquement dépourvue de retentissement sur les autres tissu.
Qunyan et coll. « Nature », vol. 411, 28 juin 2001.
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