De notre correspondante
à New York
Introduite en 1898, la mammectomie radicale de Halsted est restée pendant quatre-vingts ans le traitement de choix du cancer du sein, quelle que soit sa taille et l'âge de la patiente. Son efficacité ne laissait aucun doute même si cela n'avait pas été soumis à un examen scientifique rigoureux.
Dans les années 1970, des études randomisées ont enfin été lancées pour comparer l'ablation totale et la chirurgie conservatrice du sein. Les résultats précoces de ces études, ne montrant aucun avantage de survie avec la mammectomie, ont profondément changé l'attitude thérapeutique. La qualité de vie de myriades de femmes atteintes d'un cancer du sein précoce a été améliorée. Toutefois, des doutes pouvaient persister. L'histoire naturelle du cancer du sein est longue ; les petits cancers du sein doivent être suivis suffisamment longtemps, voire des décennies, pour obtenir la certitude de l'efficacité du nouveau traitement.
Deux études randomisées, qui ont commencé dans les années 1970, avec un recul de 20 ans au moins, lèvent tout doute résiduel.
Moins de 2 cm de diamètre
Dans l'étude italienne, de Veronesi (Institut européen d'oncologie, Milan) et coll., 701 femmes atteintes d'un cancer du sein de moins de 2 cm de diamètre ont été enrôlées entre 1973 et 1980. Elles ont été randomisées pour subir soit une mammectomie radicale, soit une « quadrantectomie » suivie d'une radiothérapie. Après 1976, toutes les patientes des deux groupes qui présentaient un envahissement axillaire ont reçu une chimiothérapie (cyclophosphamide, méthotrexate et fluorouracil). Au terme d'un suivi de 20 ans, le taux de décès global est de 41,7 % dans le groupe de chirurgie conservatrice et de 41,2 % dans le groupe mammectomie radicale. Le taux de décès par cancer du sein est respectivement de 26,1 et de 24,3%.
L'étude américaine (étude B-06), de Fisher et coll., du National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project, à Pittsburgh, porte sur 1 851 femmes atteintes d'un cancer du sein de moins de 4 cm de diamètre, enrôlées entre 1976 et 1986. Ces patientes ont été randomisées en trois groupes thérapeutiques : mammectomie totale, exérèse locale de la tumeur, exérèse locale suivie de radiothérapie. Après un suivi de 20 ans, les trois groupes ne diffèrent pas, que ce soit dans la survie globale, la survie sans cancer ou la survie sans métastase.
Faible taux de récurrence locale
Les deux études sont rassurantes, en montrant un faible taux de récurrence locale dans le sein conservé : 8,8 % avec la « quadrantectomie » dans l'étude italienne et 14,3 % avec l'exérèse locale suivie de radiothérapie dans l'étude américaine.
L'étude italienne montre en outre que le taux de récurrence homolatérale est presque identique au taux de cancer du sein controlatéral, ce qui suggère que bon nombre des récurrences homolatérales étaient, en fait, de nouveaux cancers primitifs.
L'étude américaine montre que l'adjonction de radiothérapie locale à la chirurgie conservatrice réduit le risque de récurrence locale (14,3 % contre 39,2 %). Cela confirme la possibilité de petits foyers cancéreux occultes chez des femmes porteuses de tumeurs localisées.
Puisqu'aujourd'hui, l'exérèse tumorale locale est aussi suivie de chimiothérapie adjuvante, qu'il y ait ou non envahissement axillaire, il en résulte des taux encore plus bas de récurrence homolatérale. Il n'est pas rare de voir des taux de récurrence inférieurs à 5 %, à 10 ans.
« Vingt années d'expérience nous ont montré que les récurrences locales dues à une sélection inappropriée des patientes, ou à un traitement inadéquat, peuvent être largement éliminées par l'utilisation d'une mammographie diagnostique de haute qualité, d'une excision tumorale avec des bords négatifs et d'une radiothérapie postopératoire », note dans un éditorial le Dr Monica Morrow, de l'université médicale de Chicago.
Il est maintenant temps, ajoute-t-elle, de clore le débat sur le traitement conservateur du sein et de s'assurer que cette option est bien offerte à toutes les patientes. Selon une enquête nationale, menée par elle et ses collègues, auprès de 16 643 femmes traitées en 1994 pour un cancer du sein de stade I ou II, seulement 42 % ont bénéficié d'un traitement conservateur du sein. La mammectomie était plutôt préférée pour les femmes ayant de mauvais facteurs pronostiques, ce qui suggère que « le traitement conservateur du sein n'est toujours pas accepté comme l'équivalent de la mammectomie, mais est plutôt vu (à tort) comme un traitement moins agressif uniquement approprié pour les femmes qui ont un bon pronostic. Il est temps, ajoute-t-elle, de concentrer nos efforts sur de nouvelles stratégies de prévention et de traitement du cancer du sein ».
« New England Journal of Medecine », 17 octobre 2002, pp. 1227, 1233 et 1270.
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