Cancer du sein : informer pour soigner

Publié le 02/11/2003
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Le Pr Jacques Rouësse (CHR René-Huguenin, Saint-Cloud) et les Laboratoires Aventis organisent annuellement une rencontre destinée à pallier l'insuffisance d'information des patientes souffrant de cancer du sein.

Cette journée a pour objectif d'éduquer le public concerné, de l'informer sur l'état des lieux de la recherche et de répondre en termes simples aux questions que toute patiente est en droit de se poser.
Outre l'impact psychologique, les patientes sont souvent déroutées par cette affection complexe : le pronostic est très différent selon le stade de découverte (précoce, métastatique) et les stratégies thérapeutiques mises en œuvre sont multiples. Le traitement est souvent prescrit « à la carte » et se révèle difficile à expliquer globalement. Les patientes expriment pourtant le besoin de comprendre pourquoi leur cas relève plutôt de la radiothérapie, de l'hormonothérapie ou de la chimiothérapie. Elles souhaitent connaître les derniers progrès scientifiques porteurs d'espoir et veulent logiquement bénéficier des traitements innovants leur procurant les meilleures chances de succès. Elles sont par ailleurs à la recherche d'un soutien psychologique et de conseils que seuls les praticiens sont en mesure de leur donner.
Les éditions précédentes des journées Anne d'Autriche avaient abordé l'épidémiologie, les facteurs de risque, le dépistage, la prévention, le diagnostic et la chirurgie du cancer du sein. Cette fois, les spécialistes ont décidé d'approfondir l'aspect traitement : problèmes liés à leur mise au point, évolution ces dernières années et importance des essais thérapeutiques.
Le Pr Jean-Yves Blay (centre Léon-Bérard, Lyon) s'est employé à situer la place des nouvelles molécules, les critères de choix et les impératifs posés au médecin. Les patientes, souvent désorientées, se posent en effet la question de savoir pourquoi telle ou telle stratégie a été préférée à une autre. Les différentes phases d'essai des médicaments leur ont donc été précisées, ainsi que les règles d'application des expérimentations. Les exposés ont permis à cet auditoire non médical de se familiariser avec les faits les plus marquants de ces dernières années : la révolution touchant les deux voies parallèles que sont la génétique et la biologie humaine.

Tirage au sort et expérimentation

Autre problème de pratique quotidienne, le choix du traitement par tirage au sort lors de la participation à des essais cliniques est souvent mal perçu par des sujets en quête du « meilleur remède ». Le Dr Elisabeth Luporsi (centre Alexis-Vautrin, Vandœuvre) s'est investie de cette mission pédagogique. En développant le catalogue des différentes possibilités théoriques avec leurs avantages et inconvénients (choix arbitraire, alphabétique, tenant compte de la date, comparaison de deux hôpitaux, groupe témoin lié au refus de traitement, etc.), elle a démontré que le tirage au sort est le seul procédé acceptable sur le plan éthique, permettant d'avoir des groupes comparables, et donc des résultats interprétables.
Autre inquiétude des patientes : le risque encouru lorsqu'elles sont inclues dans une expérimentation thérapeutique. Le Pr Marc Spielmann (institut Gustave-Roussy, Villejuif) s'est employé à les rassurer. Non seulement la participation à un essai clinique n'est pas préjudiciable aux patientes, mais en plus, elles en tirent un bénéfice direct. La survie de ces patientes à cinq ans est de 84 %, contre 78 % pour celles étant hors essai. L'explication avancée est, d'une part, un suivi « complémentaire » plus strict, mais aussi le fait que ces travaux sont réalisés dans de grands centres ou au sein d'un réseau de soins ayant une expérience importante dans cette pathologie. Le cancer du sein est la pathologie dans laquelle le gain en termes de survie est le plus important ces dernières années. Ces résultats sont en grande partie à mettre au crédit des efforts produits en matière de dépistage, mais aussi aux progrès thérapeutiques que les essais cliniques ont permis de réaliser et dont toutes les patientes sont bénéficiaires.
Les spécialistes d'autres spécialités médicales et chirurgicales s'inspireront sans doute de ce bel exemple de communication qui ne peut que favoriser le dialogue entre soignants et soignés.

Dr Jean-Luc BREDA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7417