De notre correspondante
à New York
L e pronostic n'est pas bon pour les femmes atteintes d'un cancer du sein aux stades II et III avec envahissement d'au moins 10 ganglions axillaires ipsilatéraux. Leur risque de rechute, cinqans après le traitement, s'élève à 50 %.
La question, controversée depuis plus de dix ans, est de savoir si ces femmes pourraient bénéficier d'une chimiothérapie adjuvante intensive à forte dose, combinée à une greffe de cellules souches autologues. Des résultats prometteurs viennent d'études de phase 2 qui, toutefois, n'étaient pas randomisées.
Deux études randomisées multicentriques, l'une hollandaise, l'autre américaine, sont publiées dans le « New England Journal of Medicine ». Elles portent sur des patientes opérées d'un cancer du sein de stade II ou III.
L'étude de Rodenhuis (Institut du cancer des Pays-Bas, Amsterdam) et coll., commencée en 1993, porte sur 885 patientes. Avant randomisation, les patientes (âgées de moins de 56 ans) ont été séparées en risque intermédiaire (de 4 à 9 ganglions) et risque élevé (au moins 10 ganglions).
La moitié des patientes ont été randomisées au traitement à la dose conventionnelle (5 cycles de fluoro-uracile, épirubicine, cyclophosphamide, suivis de radiothérapie et tamoxifène), l'autre moitié au traitement à la dose intensifiée (même traitement, à l'exception du cinquième cycle de chimiothérapie composé de cyclophosphamide (6 g/m2), thiopeca (480 mg/m2) et carboplatine (1 600 mg/m2) avec greffe de cellules souches autologues. Le suivi moyen est d'environ cinq ans.
Taux de survie : 61 % contre 51 %
Chez les patientes porteuses d'au moins 10 ganglions, le taux de survie sans rechute à cinq ans est supérieur avec le traitement intensif (61 % contre 51 %). Leur risque de rechute à cinq ans est ainsi réduit de 29 % (RR = 0,71 ; IC 95 % : de 0,50 à 1). Leur survie globale n'est pas significativement améliorée, mais de cinq à dix années supplémentaires de suivi pourraient être nécessaires pour émettre une conclusion définitive, selon les chercheurs. « Le traitement alkylant à forte dose améliore la survie sans rechute... Ce bénéfice pourrait être limité aux patientes porteuses de tumeurs HER-neu négatives », concluent Rodenhuis et coll.
L'étude de Tallman (université Northwestern à Chicago) et coll., commencée en 1991, porte sur 540 patientes porteuses d'au moins 10 ganglions axillaires positifs. Les patientes ont été randomisées à une chimiothérapie conventionnelle adjuvante (6 cycles de cyclophosphamide, de doxorubine et de fluoro-uracile) ou à la même chimiothérapie adjuvante suivie d'une chimiothérapie à forte dose composée de cyclophosphamide, 6 g/m2 et thiopeca, 800 mg/m2 (plus faible donc que dans l'autre étude), avec greffe de cellules souches autologues. Le suivi moyen est de six ans.
Ils n'ont pas observé d'amélioration de la survie sans maladie, ni de la survie globale, mais le délai avant la rechute est plus long. La morbi-mortalité de la chimiothérapie intensive avec greffe est élevée.
Il reste à savoir, notent les chercheurs, si les protocoles actuels de transplantation, moins nocifs, pourraient se traduire par une amélioration de la survie.
Tallman et coll. concluent que la chimiothérapie intensive « pourrait réduire le risque de rechute mais n'améliore pas le résultat chez ces patientes... La chimiothérapie adjuvante à dose conventionnelle reste le traitement standard pour elles ».
Nouveaux médicaments et combinaisons
« Ces résultats ne sont pas complètement surprenants, puisque de précédentes études dans le cancer du sein métastasé n'ont pas confirmé non plus le bénéfice de la chimiothérapie intensive à haute dose », ajoute dans un communiqué le Dr Tallman, qui a codirigé cette étude de l'Eastern Cooperative Oncology Group. « Pour ces patientes ayant un cancer du sein à haut risque, notre principal intérêt se porte sur de nouveaux médicaments et combinaisons plutôt que sur une chimiothérapie à forte dose avec greffe. »
Le Dr Elfenbein (Roger Williams Medical Center, Providence), dans un éditorial, met en garde contre une conclusion définitive et négative sur le bénéfice de la chimiothérapie intensive. Un suivi plus long pourrait être nécessaire, et ces études lancées il y a au moins dix ans ne sont pas représentatives des chimiothérapies intensives actuelles : « La chimiothérapie à forte dose devrait être considérée comme une rampe de lancement pour explorer de nouvelles thérapies après transplantation afin de réduire le risque de rechute. »
« New england Journal of Medicine », 3 juillet 2003, pp. 7, 17 et 80.
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