Le Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer récidive. Comme son nom l'indique, il s'était déjà penché sur la question de la contraception et de la substitution hormonale, à travers des métaanalyses, publiées en 1996 et 1997, menées sur une cinquantaine d'études épidémiologiques conduites en Amérique du Nord, en Europe et au Japon, mais aussi en Inde, aux Philippines, en Israël et en Chine.
Ce sont ces mêmes études qui ont été exploitées pour analyser cette fois la question des antécédents familiaux. L'objectif n'était pas d'aboutir à un résultat d'ordre génétique, par exemple sur le mode de transmission d'une susceptibilité. Il s'agissait plutôt de produire l'instantané d'une situation, pour donner des repères à des orientations de santé publique.
L'effectif réuni dans cette métaanalyse est considérable. Les 52 études retenues regroupent plus de 58 000 femmes atteintes d'un cancer du sein et près de 102 000 non atteintes (les auteurs estiment que 80 % des données mondiales correspondant à leurs critères ont été analysées).
Parmi les femmes atteintes, 12,9 % ont rapporté un antécédent chez au moins un parent au premier degré (mère ou sur), contre 7,3 % dans les groupes contrôles. L'antécédent familial est par ailleurs le plus souvent unique : 1 % seulement des femmes atteintes rapportaient deux antécédents ou plus.
Le risque de cancer du sein augmente avec la multiplicité des antécédents, passant de 1,80 à 2,93 et 3,90 en présence de un, deux, ou trois antécédents.
Par ailleurs, le sur-risque, en cas d'antécédent, est plus important et plus précoce lorsque cet antécédent a été diagnostiqué chez une parente encore jeune.
Enfin, le risque n'est pas significativement différent lorsque l'antécédent concerne la mère ou une sur, tandis que les autres facteurs connus pour moduler le risque de cancer du sein, comme le nombre d'enfants, ne modifient guère les risques relatifs associés aux antécédents. Tous ces résultats confirment ce que l'on sait déjà des conséquences d'une susceptibilité héréditaire.
Un seul résultat est ambigu : l'absence de rapport entre l'existence d'un antécédent et l'extension de la tumeur au moment du diagnostic. On peut en effet considérer soit que les tumeurs familiales n'évoluent pas plus vite que les tumeurs sporadiques, mais que l'antécédent ne conduit pas à un diagnostic plus précoce, soit qu'une évolution plus rapide et qu'un diagnostic plus précoce se compensent.
Au total, en établissant des projections en fonction des chiffres d'incidence et de mortalité par cancer du sein, valables dans les années 90 dans les pays développés, les auteurs aboutissent à une estimation du risque de survenue d'un cancer du sein avant 50 ans de 1,7 %, 3,7 % et 8 % en présence, respectivement, d'aucun, d'un seul, ou de deux antécédents chez les apparentées au premier degré. En prolongeant encore, jusqu'à 80 ans, ces risquent passent respectivement à 7,8 %, 13,3 % et 21,1 %. Quant aux risques de décès par cancer du sein jusqu'à 80 ans, ils sont de 2,3 %, 4,2 % et 7,6 %. Autrement dit, une femme développera un cancer du sein avant 80 ans sur 13 femmes sans antécédent, ou sur 8 femmes présentant un antécédent, ou encore, sur 5 femmes présentant deux antécédents.
8 cas sur 9 diagnostiqués comme sporadiques
A dire vrai, cette métaanalyse, pour spectaculaire qu'elle soit, apporte plus de confirmations que d'enseignements. Ses résultats ont toutefois le mérite de rappeler que la grande majorité des cancers du sein, 8 cas sur 9, sont diagnostiqués comme sporadiques. Naturellement, les formes à composante héréditaire, sur lesquelles se concentrent beaucoup d'études, constituent une porte d'entrée dans le problème, permettant d'identifier des gènes, des mécanismes, et, espère-t-on, des thérapeutiques. Néanmoins, d'un point de vue de santé publique, il ne faut pas que l'arbre cache la forêt.
Cela semble particulièrement vrai pour les politiques de dépistage. Comme le soulignent les auteurs, les femmes présentant un, voire deux antécédents familiaux, ne seront, dans leur grande majorité, jamais atteintes elles-mêmes par la maladie. Et le seraient-elles que ces cancers auront davantage de chances de survenir après 50 ans, comme dans la population générale.
Cela ne signifie pas qu'un antécédent survenu chez la mère ou une sur encore jeune, ne doit pas conduire à une surveillance précoce. Mais « tout programme de santé publique orienté trop exclusivement vers la détection précoce de la maladie chez des femmes un antécédent familial, manquera la grande majorité des cas, quel que soit l'âge, et quel que soit le pays ».
Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer, « Lancet » 2001; 358 : 1389-1399
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