E N France, les cancers du sein de la femme âgée de plus de 70 ans sont diagnostiqués plus tardivement que ceux des moins de 70 ans. D'où une taille moyenne clinique des tumeurs supérieures et, bien souvent, un envahissement métastatique d'emblée.
Ce constat a été fait par une équipe du centre de cancérologie René-Huguenin, à Saint-Cloud, qui a repris toutes les données anatomo-cliniques des patientes en fonction de leur l'âge. Certes, il existe des particularités histologiques (plus de tumeurs colloïdes et moins de tumeurs in situ), mais les facteurs de risque sont les mêmes : âge, antécédents familiaux, événements de la vie génitale, obésité, alimentation riche en graisse.
Une différence de prise en charge
L'impact des traitements hormonaux au long cours (pilule, THS) n'étant pas encore connu, aucun différence ne peut être retenue sur ce point entre les deux tranches d'âge.
La seule réelle spécificité de la population des femmes âgées est l'existence d'une co-morbidité et des effets d'un âge physiologique, plus que chronologique, qu'il conviendrait d'évaluer dans ses dimensions médicales, fonctionnelles et sociales. Pourquoi, dans ce cas, existe-t-il une telle différence de prise en charge en fonction de l'âge, à commencer par le dépistage?
« Il s'agit, disent les rapporteurs du travail, d'une question non consensuelle de politique de santé publique. Les études coût/efficacité évaluent à 75 ans la limite d'âge au-delà de laquelle le dépistage n'apporterait plus de bénéfice. Il serait par conséquent raisonnable de poursuivre le dépistage dans la tranche des 70-74 ans. » L'augmentation de la sensibilité et de la spécificité de la mammographie chez la femme âgée, du fait d'une augmentation du tissu graisseux aux dépens du tissu glandulaire, est un élément de plus en faveur de l'extension du dépistage.
Après la découverte de la tumeur, l'autre incohérence dénoncée par les cancérologues est « l'attitude simpliste qui consiste à décider de ne pas s'acharner sur un patient âgé et pour un cancer dont l'évolution sera indolente. On sait parfaitement aujourd'hui que ces tumeurs ont la même évolution biologique que celle des femmes jeunes. Seuleune évaluation gériatrique multidimensionnelle permet de décider au cas par cas, de la meilleure prise en charge pour la patiente. »
Intérêt de la chimiothérapie se discute
L'« évaluation gériatrique multidimensionnelle » proposée par le centre René-Huguenin se compose :
- d'un versant médical portant sur les modifications physiologiques du patient pouvant altérer la cinétique des drogues, la recherche des co-morbidités et des grands syndromes gériatriques (troubles sensoriel, de l'équilibre, incontinence, malnutrition...) ;
- d'une évaluation de la dépendance, c'est-à-dire des capacités fonctionnelles ;
- des conditions de vie, à savoir les ressources, l'habitat, les contacts sociaux.
« Si l'évaluation est bonne, les patientes doivent recevoir un traitement complet au même titre que les autres », affirment les spécialistes.
En matière de prise en charge thérapeutique, le seul point d'ombre concerne l'intérêt de la chimiothérapie dans cette tranche d'âge, qui a échappé à tous les essais cliniques. Le reste du traitement basé sur la chirurgie conservatrice (le traumatisme de la mastectomie n'a pas d'âge), l'irradiation adjuvante (protocole de 50 Gy sur 5 semaines, 4 à 5 séances/s) et l'hormonothérapie (d'autant plus indiquée que ces cancers sont plus souvent hormonodépendants) est proche de celui des autres femmes. « Il faut néanmoins,préviennent les cancérologues, ne pas oublier d'informer les patientes des effets indésirables encourus et combattre la perte d'autonomie liée à l'hospitalisation. »
Quelle que soit la stratégie qui sera adoptée sur le sujet, un chose est certaine : les cas de cancers du sein chez les 5 500 000 femmes de plus de 65 ans continueront d'augmenter (incidence actuelle de 248/100 000). A cet âge, l'espérance de vie à 5 ans de 80 % permet difficilement de les oublier.
Communication des Drs S. Vignot, E. Brain et J. Rouësse, centre René-Huguenin, Saint-Cloud.
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