L E gène de la prohibitine intervient dans le contrôle de la prolifération cellulaire à deux titres. D'une part, il code une protéine qui se lie à la protéine tumeur-suppresseur Rb, pour réprimer l'expression des gènes activés par le facteur de transcription E2F. D'autre part, il est transcrit, côté 3', en un ARN non traduit, mais qui présente la curieuse propriété d'inhiber le cycle de division cellulaire entre les phases G1 et S. Cette propriété a pu être vérifiée par micro-injection de l'ARN dans des cellules mammaires épithéliales saines ou transformées.
On connaît par ailleurs un polymorphisme dans cette partie du gène non exprimée en protéine, et pourtant métaboliquement active. Il s'agit d'une mutation ponctuelle au niveau de la base 1 630, qui aboutit à la transcription d'un ARN inactif sur le cycle cellulaire. Cet allèle T, auquel manque l'activité antiproliférative, par opposition à l'allèle normal C, pouvait être supposé jouer un rôle dans certains cancers du sein. D'autant que le gène est situé en 17q21, une région chromosomique fréquemment perdue, à l'état homozygote ou hétérozygote, dans les cancers du sein.
L'implication de l'allèle a donc été vérifiée chez 205 patientes, et 1 046 sujets contrôle, par comparaison des fréquences des génotypes C/C d'une part, C/T et T/T d'autre part.
Parente au premier degré
Sur l'effectif entier, la comparaison n'a fait ressortir aucune différence : l'allèle T est présent, à l'état homozygote ou hétérozygote, chez environ un tiers des femmes, malades ou non. En ne retenant que les femmes présentant un antécédent familial chez une parente au premier degré - soit 47 patientes et 239 sujets contrôle -, on trouve en revanche un écart significatif. Le génotype C/C n'est plus retrouvé que chez 47 % des patientes, contre 69 % des contrôles ; 53 % des femmes présentant apparemment un risque familial modéré portent donc un allèle T.
Par ailleurs, on constate que l'âge au moment du diagnostic, parmi les patientes dont une parente est atteinte, est inférieur de sept ans chez les patientes portant au moins un allèle T : 52 ans contre 59 ans chez les patientes C/C. Enfin, en ne considérant que les femmes dont le cancer a été diagnostiqué avant l'âge de 51 ans, les proportions initiales s'inversent : c'est le génotype C/C qui n'est plus retrouvé que dans un tiers des cas, les génotypes C/T et T/T devenant majoritaires.
Les auteurs soulignent que la présence de mutations de BRCA1, BRCA2 ou p53 est très peu vraisemblable parmi les femmes recrutées. D'abord, parce que ces mutations sont heureusement rares dans la population. Ensuite parce qu'elles sont généralement associées à des histoires familiales beaucoup plus lourdes que celles rapportées ici, où la quasi-totalité des antécédents familiaux se limitaient à un seul cas.
Avant 50 ans
En l'absence de ces mutations, l'allèle T du gène de la prohibitine serait donc un facteur associé à un risque accru de survenue d'un cancer avant 51 ans, chez les femmes présentant un antécédent familial au premier degré.
Il est pour le moment impossible d'affirmer que le surcroît de risque tient directement à l'allèle T, et à la perte complète, ou relative dans le cas du génotype hétérozygote, de l'activité de contrôle du cycle cellulaire. Mais on peut imaginer que la présence de cet allèle T chez une femme pourrait justifier des mammographies à la fois plus précoces et plus fréquentes. Le génotypage du gène de la prohibitine est une opération simple, puisqu'un site de restriction disparaît avec la mutation caractérisant l'allèle T. Son intégration dans la procédure de dépistage demande naturellement des vérifications approfondies. Selon les auteurs, celles-ci sont en cours.
E. R. Jupe et coll. « Lancet », vol. 357, 19 mai 2001.
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