Cancer du rein métastasé : la néphrectomie radicale sort des oubliettes

Publié le 25/09/2001
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Ces études sont, d'une part, un essai EORTC de phase III, publié dans le dernier numéro du « Lancet », d'autre part, l'étude SWOG 8949, dont les résultats préliminaires ont été présentés à la fois au congrès de l'ASCO et au congrès de l'Association américaine d'urologie. S'il est intéressant d'analyser ces deux études en même temps à l'occasion de la parution de l'essai EORTC dans le « Lancet », c'est parce que leurs résultats sont concordants et parce qu'elles pourraient ainsi changer le traitement du cancer rénal métastasé.

Retour dans les années soixante et soixante-dix

Pour bien comprendre de quoi il s'agit, il faut faire un retour en arrière, dans les années soixante et soixante-dix. A cette époque, on utilise la néphrectomie radicale seule pour les patients ayant un cancer rénal pourtant métastasé. Pourquoi ? Parce que, aussi surprenant que cela puisse paraître, on a rapporté des observations de régressions spontanées des métastases après la néphrectomie seule. Et puis, un peu plus tard, toujours dans les années soixante-dix, tout a été remis en question par des études non randomisées comparatives qui ont montré que la néphrectomie isolée n'apportait en fait aucun avantage en terme de survie, sauf chez les patients qui avaient une métastase isolée qui pouvait être extirpée dans le même temps : les taux de régression spontanée après néphrectomie seule étaient, dans ces séries, estimés entre 0 et 0,4 %, alors que le taux de mortalité liée à l'acte chirurgical oscillait entre 2 et 15 %. Dès lors, la néphrectomie isolée a été fortement découragée. Mais ces séries n'avaient-elles pas fortement sous-estimé les régressions spontanées ? Assez récemment, le débat a été relancé par deux études qui ont suggéré une amélioration de la réponse à l'immunothérapie chez des patients ayant eu une néphrectomie. Il fallait y voir plus clair. D'où les études de l'EORTC et SWOG 8949.

Néphrectomie plus interféron alpha

Dans l'étude de l'EORTC, les auteurs ont cherché à savoir si une néphrectomie radicale réalisée avant immunothérapie par interféron alfa était bénéfique en termes de progression et de survie globale par rapport à un traitement par l'interféron seul. Ce travail, réalisé entre juin 1995 et juillet 1998, a porté sur 83 patients qui ont été répartis en deux groupes de façon randomisée : un groupe dit d'étude (traitement combiné ; n = 42) et un groupe contrôle (immunothérapie seule ; n = 43). Tous avaient un carcinome rénal métastasé confirmé histologiquement et actif à l'entrée dans l'étude.
Un certain nombre de patients n'ont pas achevé l'étude pour diverses raisons, ce qui fait qu'ils furent en fin de compte 29 dans le groupe étude et 40 dans le groupe contrôle à avoir le traitement complet.
Les deux groupes étaient similaires en ce qui concerne l'âge, le sexe, le score OMS (0 : sujet pleinement actif ; ou 1 : sujet à l'activité physique restreinte mais apte à des activités sédentaires), le type tumoral, l'envahissement veineux, les métastases pulmonaires isolées, la présence de métastases hépatiques ou osseuses et la comorbidité.
Dans le groupe d'étude, la néphrectomie a été réalisée dans les quatre semaines de la randomisation et l'immunothérapie (interféron en sous-cutané trois par semaine) était commencée de deux à quatre semaines plus tard ; dans le groupe contrôle, l'immunothérapie a été démarrée le jour ouvrable suivant la randomisation. Pendant le suivi, des visites mensuelles avaient lieu. Les analyses ont été effectuées en intention de traiter.
Globalement, le taux de réponse objectif (réponses complètes et partielles) n'était pas différent entre les deux groupes [19 % (8/42) contre 12 % (5/43) ; p = 0,38]. Toutefois, le temps de progression (cinq mois versus trois mois ; p = 0,04) et la durée moyenne de survie (dix-sept mois versus sept mois ; p = 0,03) ont été meilleures chez les patients du groupe néphrectomie + immunothérapie que chez les patients du groupe immunothérapie seule. On a observé une réponse complète chez 5 patients du groupe traitement combiné contre une seule dans le groupe contrôle. Toutefois, à trois ans, seuls 15 % des patients de chaque groupe étaient toujours en vie.

Un important bénéfice en terme de survie

« Nos résultats, estiment les auteurs, montrent clairement un important bénéfice en terme de survie chez les patients néphrectomisés qui ont un bon score, dont la tumeur primitive est jugée opérable et qui sont de bons candidats pour une immunothérapie consécutive .»
Le doublement de la durée de la survie est du même ordre que ce qui a été observé dans SWOG 8949 (12,5 mois contre 8,1).
« L'augmentation de 50 à 100 % en terme de survie chez les patients ayant une néphrectomie adjuvante se traduit par une amélioration moyenne de la durée de vie de quatre à dix mois », indique l'éditorialiste Laurence Klotz, qui souligne au passage que ces études ont été effectuées avant la néphrectomie laparoscopique, qui réduit la morbidité.
« Sur la base de nos résultats et des résultats préliminaires de SWOG 8949, nous recommandons qu'une néphrectomie avant l'immunothérapie devienne le traitement standard du carcinome rénal métastatique pour les patients sélectionnables. »

Le terme « traitement standard » est également prononcé par l'éditorialiste : « Pour les futures études sur le cancer rénal métastatique, la néphrectomie radicale adjuvante devrait être considérée comme le standard de soins ». Mais, souligne-t-il, les deux études montrent que la néphrectomie ne doit être proposée qu'aux patients qui ont un bon score. Si la néphrectomie était adoptée comme standard pour tous les patients avec métastases, bon nombre de patients âgés ou handicapés auraient un traitement chirurgical inapproprié.

G. Mickisch et coll. « Lancet » du 22 septembre 2001, pp. 966-970 et 948-949.

Dr Emmanuel de VIEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6975