PRATIQUE
Généralités
Le cancer du rectum, en règle adénocarcinome Lieberkühnien, très fréquent, (25 000 nouveaux cas/an en France) a vu son pronostic s'améliorer ces dernières années (55 % de survie à 5 ans tous stades confondus), cependant que l'on peut plus souvent conserver la fonction sphinctérienne et la fonction sexuelle grâce aux progrès des techniques chirurgicales (ablation du mésorectum, confection de réservoirs coliques et anastomoses colo-anales, respect de l'innervation pelvienne par dissection au ras des plexus hypogastriques), radiologiques (échographie endorectale), mais aussi de la réanimation, de la radiothérapie et de la chimiothérapie.
Rectorragie
Il reste que le pivot du diagnostic demeure le toucher rectal (TR), et que celui-ci doit être pratiqué par le médecin traitant devant toute rectorragie, sans s'attarder au diagnostic d'hémorroïdes, afin de réduire la proportion de cas vus à un stade évolué.
Dissémination par contiguïté et par voie portale
Ce cancer dissémine par contiguïté vers les parois pelviennes, mais aussi par voie portale, d'où la fréquence des métastases hépatiques, et par plusieurs voies lymphatiques dont la principale se fait le long de l'axe mésentérique inférieur, ce qui implique la nécessité d'un curage liant l'artère à son origine ou au-dessous de la naissance de la colique supérieure gauche.
Facteurs étiologiques
Comme facteur étiologique, on retrouve souvent la dégénérescence de polypes adénomateux, mais on a récemment mis l'accent sur des mutations génétiques sporadiques (gènes Ras ou p53) dont la découverte aurait une incidence sur le pronostic et sur la prévisibilité de l'efficacité de la chimiothérapie.
Toucher rectal
Le diagnostic, évoqué sur des signes d'appel dont le plus parlant est la rectorragie (mais il peut aussi s'agir de glaires, de ténesme, de faux besoins...), repose sur le toucher rectal (éventuellement combiné au toucher vaginal dans les tumeurs antérieures), qui doit être pratiqué en décubitus dorsal, cuisses fléchies, sur un plan dur, en faisant pousser le malade et en explorant toutes les parois du rectum. Il reconnaît la tumeur ulcérovégétante, en lobe d'oreille, ou bourgeonnante, en chou-fleur, saignant au contact, et apprécie sa mobilité ou sa fixité sur le plan sacré et ces données, associées au siège, permettront déjà de prévoir le type d'intervention et d'en informer le patient.
Rectoscopie
Il faut alors demander une rectoscopie, qui voit la tumeur et permet de déceler les lésions hautes, inaccessibles au TR et de guider la biopsie, indispensable au diagnostic, qui donne de plus le type et la différenciation de la tumeur.
Bilan
L'interrogatoire recherche alors des antécédents familiaux, cependant que l'échographie hépatique et la radiographie du thorax compléteront le bilan, avec une coloscopie, un dosage de l'antigène carcino-embryonnaire (ACE) et une échographie endorectale (EER), riche de renseignements sur l'extension intra-pariétale et ganglionnaire de la tumeur, et indispensable si l'on prévoit une radiothérapie préopératoire (classifications de Dukes ou d'Astler-Coller).
Chirurgie
Le traitement ne peut être local (exérèse, radiothérapie de contact ou électrocoagulation) que dans des cas limités (petits cancers ou malades qui ne supporteraient pas l'intervention).
La chirurgie propose deux grands types d'interventions :
- mutilante, au premier rang desquelles l'amputation abdomino-périnéale (AAP), emportant l'appareil sphinctérien, le mésorectum et la chaîne ganglionnaire mésentérique inférieure, se terminant par une colostomie terminale définitive, dont il faut prévenir le patient ;
- conservatrice, dont le parangon est la résection antérieure du rectum, terminée par une anastomose colorectale haute ou basse, manuelle ou mécanique, mais parfois colo-anale (sur le canal anal) si la tumeur est très basse.
Radiothérapie
La radiothérapie a été proposée soit en préopératoire, quatre semaines avant la chirurgie, avec le risque de traiter par excès des tumeurs Dukes A (intérêt de l'EER) et d'augmenter les infections, soit en postopératoire avec la menace d'irradier une anse grêle fixée par la chirurgie ; dans les deux cas, l'effet, favorable sur la survenue de récidives loco-régionales à condition d'utiliser de fortes doses (35 Gy), est moins évident sur la durée de survie.
Chimiothérapie
La chimiothérapie, pendant dix-huit mois, sous forme de 5-FU et/ou de méthyl CCNU, non pas isolée, mais associée à la radiothérapie, a prolongé la survie mais au prix d'une lourde toxicité et réduit l'incidence des récidives. L'association paraît indiquée pour les cancers Dukes B2 et C (envahissement de la séreuse et de la graisse périrectale, ou adénopathies) quand il n'y a pas eu de traitement préopératoire.
Immunothérapie
L'immunothérapie par anticorps monoclonaux semble une voie d'avenir.
Radiothérapie préopératoire
L'avantage carcinologique obtenu par l'exérèse du mésorectum (taux de récidives locales ramené à < 10 % à 5 ans) remet en cause la radiothérapie préopératoire à titre systématique, mais cette dernière conserve des indications (cancers du bas rectum, Dukes B et C, volumineux et promis initialement à l'AAP que la radiothérapie peut diminuer pour les rendre accessibles à la conservation sphinctérienne).
Surveillance locale et générale
La surveillance des malades traités doit être systématique, mais des symptômes (douleurs pelvipérinéales, apparition d'un nodule, symptômes gynécologiques ou urinaires) peuvent attirer l'attention ; en cas de conservation sphinctérienne, c'est encore le toucher rectal qui est l'examen de référence, révélant une récidive intra-rectale ou une muqueuse soulevée par une induration fixée. L'examen clinique apprécie aussi l'état du foie, des aires ganglionnaires, du périnée, du vagin. L'EER à la recherche d'une récidive est plus controversée car les images qu'elle fournit peuvent être difficiles à différencier des modifications imputables à la chirurgie ou aux radiations ; il en est de même pour le scanner, et l'imagerie par résonance magnétique (IRM) serait un peu plus performante.
L'échographie hépatique, la radiographie du thorax, tous les six mois, la coloscopie tous les trois ans font également partie de la surveillance de routine, de même que le dosage de l'ACE dont l'élévation progressive ou importante doit faire rechercher des métastases plus souvent qu'une récidive locale. Le pet-scan, encore peu disponible, utilisant un traceur radioactif, permet de détecter des foyers tumoraux hyper métaboliques et d'éviter une laparotomie exploratrice à la recherche d'une récidive.
Les facteurs prédictifs de récidive sont la présence de ganglions envahis sur la pièce d'exérèse, une marge de sécurité inférieure à 1,2 cm, un envahissement veineux.
Résultats fonctionnels
Quant aux résultats fonctionnels (fréquence des selles, selles nocturnes, incontinence), ils peuvent être altérés, en cas d'anastomose colorectale basse ou colo-anale, par l'âge > 75 ans, des antécédents obstétricaux de traumatisme du sphincter anal, un moignon rectal court (< 2 cm) en cas d'anastomose colorectale basse, la radiochimiothérapie et surtout la survenue d'une fistule anastomotique, d'où la règle d'enlever le rectum en totalité quand on fait l'exérèse du mésorectum dans les tumeurs du moyen ou du bas rectum.
Conclusion
En conclusion, la chirurgie reste le traitement de base du cancer du rectum. Ses progrès ont permis de préserver le plus souvent la fonction sphinctérienne avec de bons résultats fonctionnels à long terme. L'exérèse du mésorectum couplée aux traitements adjuvants diminue le taux de récidives locales qui est encore le principal souci postopératoire.
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