O N sait que le rétrovirus jaagsiekte du mouton (JSRV pour Jaagieskte Sheep RetroVirus) est l'agent causal d'un cancer pulmonaire contagieux du mouton, appelé carcinome pulmonaire ovin (OPC) ou encore adénomatose pulmonaire du mouton. Cette tumeur contagieuse touche les moutons en Royaume-Uni, en Afrique du Sud et dans plusieurs autres pays et pose parfois de difficiles problèmes aux vétérinaires.
Ce cancer tire son origine de l'épithélium bronchique et alvéolaire ; aux derniers stades de la maladie, les abondantes sécrétions bronchiques contiennent le virus.
Des traits communs entre le cancer du mouton et celui de l'homme
Ce carcinome pulmonaire ovin partage des caractéristiques cliniques et histologiques avec le carcinome bronchio-alvéolaire (BAC) humain, un cancer du poumon non lié au tabac qui représente jusqu'à 25 % des cancers pulmonaires aux Etats-Unis.
Cela fait une vingtaine d'années que l'on pense que le cancer ovin est lié à un rétrovirus. Mais c'est en 1999 que l'on a mis en cause le JSRV après l'avoir cloné dans une tumeur pulmonaire primitive du mouton, puis après avoir démontré que ce virus est nécessaire et suffisant pour provoquer un OPC chez l'agneau nouveau-né. Cela ouvrait la voie à la recherche sur ce cancer.
Toutefois, on a été gêné par le fait qu'aucun oncogène n'a encore pu être mis en évidence sur ce virus. Les deux études américaines publiées maintenant dans les « Proceedings» permettent d'y voir plus clair. Schématiquement, l'une montre que c'est le gène d'enveloppe (env) du virus JSRV qui est à l'origine de la transformation tumorale. L'autre montre que le récepteur cellulaire du gène chez le mouton est l'homologue de la protéine HYAL2 humaine, protéine codée par un gène qui est précisément délété dans une proportion significative de cancers pulmonaires de l'homme.
Le gène du récepteur HYAL2 est situé sur le chromosome 3p21.3 humain. Il est délété avec une fréquence substantielle non seulement dans le cancer pulmonaire de l'homme, mais aussi dans certains cancers du sein ; ce qui suggère qu'il pourrait s'agir d'un gène suppresseur de tumeur.
La capacité de la protéine humaine HYAL2 de médier l'entrée de JSRV soulève la possibilité que l'infection à JSRV pourrait être impliquée dans quelques cas de cancers bronchio-alvéolaires humains.
On manque encore de preuves
Toutefois, pour l'instant, on ne dispose pas de preuve d'infection dans le cancer de l'homme et on n'a encore jamais établi de relation épidémiologique entre, d'une part, des individus atteints d'un cancer du poumon non lié au tabac et, d'autre part, l'exposition aux moutons infectés. On manque d'agents permettant de détecter des anticorps anti-JSRV et des protéines liées au virus. Pourtant, dans une récente étude (de las Heras, « Eur Resp J », 2000 ; 15 : 330-332), on a trouvé dans un tissu tumoral pulmonaire humain du matériel réagissant avec un antisérum antiprotéine Gag du JSRV. Il faudrait conduire des analyses par PCR (Polymerase Chain Reaction) sur des échantillons tumoraux, indique un éditorialiste (Naomi Rosenberg, Boston).
« Proc Natl Acad Sci USA », avril 2001, pp. 4443-4448 (Sharat Rai et coll.), 4449-4454 (Naoyoshi Maeda et coll.) et 4285-4287 (éditorial).
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