Comment traiter les 75 % d'hépatocarcinomes diagnostiqués tardivement à un stade non résécable ? La question reste posée, même si des efforts de détection précoce devraient permettre d'augmenter la proportion de personnes pouvant bénéficier d'un traitement curatif (résection, transplantation, destruction percutanée...). Si l'embolisation artérielle est fréquemment pratiquée en raison de ses effets sur la tumeur, six essais randomisés (embolisation ou chimioembolisation versus traitement symptomatique) n'ont pas mis en évidence de bénéfice sur les survies.
En regardant ces résultats de plus près, des hépatologues de Barcelone sont arrivés, dans le « Lancet », à deux conclusions : l'absence d'amélioration de la survie peut résulter, non pas du carcinome lui même, mais de la défaillance hépatique liée à la cirrhose préexistante et/ou la réponse objective obtenue après embolisation (ou chimioembolisation) ne se maintient pas dans le temps. Pour valider ces hypothèses, l'équipe du Dr Llovet a entrepris une étude comparative sur un groupe de patients hautement sélectionnés et avec un protocole de traitement plus agressif, afin de mettre en évidence un gain de survie.
Des critères d'exclusion
Sur 903 patients candidats à l'inclusion dans trois centres de soins à Barcelone, 112 (12 %) seulement ne présentaient aucun des critères d'exclusion suivants : âge supérieur à 75 ans ; stade avancé de cirrhose (classe C de Child-Pugh) ; saignement gastro-intestinal ; ascite réfractaire ; encéphalopathie ; présence d'une invasion vasculaire ; dissémination extra-hépatique ; shunt porto-cave ; shunt artério-porte ; contre-indication à l'embolisation artérielle (trouble de la coagulation, insuffisance rénale, athéromatose sévère), contre-indication à la doxorubicine (hyperbilirubinémie, leucopénie, fraction d'éjection cardiaque insuffisante) ; stade terminal tumoral.
Les candidats retenus ont été randomisés pour être traités soit par embolisation avec des particules de Spongel (à l'inclusion, à 2 et 6 mois puis tous les 6 mois) ; soit par chimioembolisation associant une chimiothérapie par doxorubicine puis lipiodol, à une embolisation secondaire (selon le même calendrier) ; soit par un traitement symptomatique de la défaillance hépatique ne prenant pas en compte l'hépatocarcinome. La survenue de l'un des critères d'exclusion tels qu'un envahissement vasculaire faisait interrompre immédiatement l'essai. L'objectif primaire de l'étude étant de comparer les durées de vie, un bilan clinique des sujets était programmé tous les six mois jusqu'à leur décès.
Interrompue prématurément
Du fait d'une différence significative de la durée de vie dans le bras sous chimioembolisation, l'étude a été interrompue prématurément. La probabilité de survie à un et deux ans était respectivement de 82 % et 63 % pour les patients traités par chimioembolisation, de 75 % et 50 % pour ceux sous embolisation seule et de 63 % et 27 % pour les patients sous traitement conservateur. Les sujets chimioembolisés avaient des réponses prolongées durant au moins 6 mois et étaient significativement moins nombreux à présenter un envahissement portal comparativement à ceux du groupe témoin.
Certes, les critères d'inclusion extrêmement sélectifs de l'étude ne permettent pas de faire de la chimioembolisation le traitement de choix pour les patients porteurs d'un hépatocarcinome non résécable. « Mais, font remarquer les investigateurs, dans notre étude, les patients sélectionnés pour être embolisés font généralement parti du groupe sous placebo dans les autres essais randomisés. Par ailleurs, l'adjonction de nos résultats à ceux des études précédentes va peut-être modifier le sentiment global d'inefficacité sur la durée de vie. »
Joseph Llovet et coll., « The Lancet », vol. 359, 18 mai 2002.
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