De notre correspondante
à New York
« Ces études apportent de nouveaux éclaircissements importants sur la relation entre la vitamine D, les acides biliaires et le cancer colo-rectal », commente dans un communiqué Bert Vogelstein (Johns Hopkins University), éminent expert sur le cancer du côlon. « Elles ont des implications importantes pour la prévention du cancer colo-rectal dans le futur », ajoute-t-il.
« De nombreuses données épidémiologiques et quelques données scientifiques suggèrent une corrélation positive entre les régimes riches en graisse, les acides biliaires comme l'acide lithocholique (LCA) et le cancer du côlon », explique le Dr David Mangelsdorf (Howard Hughes Medical Institute, University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas) qui a dirigé ces travaux.
L'acide lithocholique, un acide biliaire secondaire
L'acide lithocholique est un acide biliaire secondaire formé dans le côlon par la digestion bactérienne des acides biliaires primaires. Il est peu réabsorbé dans la circulation entéro-hépatique et, à des concentrations élevées, altère l'ADN et inhibe les enzymes de réparation d'ADN. Le LCA favorise ainsi le cancer du côlon chez l'animal, et ses taux sont élevés chez les patients affectés du cancer du côlon.
A l'inverse, la supplémentation en vitamine D inhibe chez le rat le développement du cancer du côlon induit par l'instillation intrarectale de LCA ou par un régime riche en graisse ; les patients qui présentent un défaut dans la voie de signal de la vitamine D ont un risque élevé de cancer du côlon. Mais comment la vitamine D pourrait-elle protéger contre le cancer du côlon ? On l'ignore. Une hypothèse pourrait être que la vitamine D et le LCA déclenchent une voie biochimique détoxifiant le LCA. Or le LCA peut être dégradé dans le foie et les intestins par la CYP34, une enzyme cytochrome P450, et le gène CYP34 peut être activé par la vitamine D dans l'intestin. Makishima, Mangelsdorf et coll. ont travaillé sur cette hypothèse.
Dans une première série d'expériences, ils ont démontré que le récepteur pour la vitamine D agit aussi comme un récepteur pour l'acide lithocholique. Le LCA et son métabolite (3-keto-LCA) se fixent directement au VDR et l'activent à des concentrations beaucoup plus faibles que celles nécessaires pour activer d'autres récepteurs nucléaires (FXR et PXR). Dans une seconde série d'expériences, les chercheurs ont montré que l'activation du VDR par le LCA, ou par la vitamine D, induit l'expression in vivo du gène CYP34.
Un détecteur du LCA dans l'intestin
Ces résultats, concluent les chercheurs, indiquent que le VDR fonctionne comme un détecteur du LCA dans l'intestin, afin d'activer la détoxification de cet acide biliaire lorsque ses taux deviennent élevés. « Ces résultats suggèrent un modèle pour expliquer comment le système entérique peut se protéger des effets néfastes du LCA et pourquoi la vitamine D est protectrice contre le cancer du côlon dans des conditions physiologiques normales, notent les chercheurs. La protection offerte par l'activation du VDR pourrait devenir insuffisante lorsque la voie de détoxification est submergée (par exemple par des taux accrus de LCA dus à des régimes prolongés riches en graisse) ou dans des conditions cliniques de déficit en vitamine D (par exemple en cas de rachitisme-ostéomalacie). » Deux observations épidémiologiques sont en accord avec ce modèle : l'incidence élevée du cancer du côlon dans les pays occidentaux où les régimes alimentaires sont riches en graisse, et la mortalité par cancer du côlon, plus élevée dans les régions où le rachitisme est fréquent.
« Nos résultats suggèrent un nouveau regard sur la relation entre la nutrition et le cancer, en particulier sur la façon dont la vitamine D protège contre le cancer du côlon, commente dans un communiqué le Dr Mangelsdorf. L'utilisation de la vitamine D comme un médicament protégeant contre le cancer du côlon était gênée par le fait qu'elle entraîne une hypercalcémie. Maintenant que nous savons qu'il existe un autre composé endogène, le LCA, qui s'attache aussi au récepteur, cela suggère que nous pouvons développer des médicaments protecteurs qui ne produisent pas d'hypercalcémie, mais qui activent la voie de détoxification. »
« Science » du 17 mai 2002, p. 1313.
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