« Depuis quelques années déjà, un biologiste cellulaire, le Pr Hubert Hondermarck, un biochimiste, le Pr Jérôme Lemoine (tout deux travaillant à l'université des sciences et technologies de Lille), et moi-même, biologiste des tumeurs humaines, avons eu l'idée de collaborer sur des travaux de protéomique des cancers. L'objectif, précise le Pr Peyrat, était véritablement d'avoir une stratégie globale, de la recherche fondamentale au développement clinique, pour identifier les protéines tumorales et en tirer des applications cliniques dans un avenir, je l'espère, relativement proche. »
Détection précoce des tumeurs
« La protéomique a été conçue par analogie avec la génomique qui répertorie les gènes, puisqu'il s'agit de l'étude systématique de l'ensemble des protéines présentes dans un tissu ou un fluide biologiques. Dans le domaine de la cancérologie, on peut en développer deux applications : la première consiste à améliorer l'identification et la classification des tumeurs avec, pour corollaire, la mise en route d'un traitement ciblé ; la seconde est la détection précoce des tumeurs par de nouveaux marqueurs présents dans les liquides et fluides biologiques. Mais l'établissement d'une "carte d'identité protéomique" des tumeurs et la détection préclinique de protéines cancéreuses se heurtent à des difficultés techniques, explique le Pr Peyrat. En effet, on estime que le nombre de protéines différentes présentes dans l'organisme serait de l'ordre de 300 000, soit dix fois plus que le nombre de gènes (environ 30 000). Or, malgré les moyens techniques très performants dont on dispose, la sensibilité et la rapidité des tests de détection des protéines sont encore très insuffisants. A Lille, nous disposons d'appareils de spectrométrie de masse (certains acquis grâce à la génopole) qui permettent, après électrophorèse bidimensionnelle, d'identifier les protéines.Des techniques sur micropuces, comparables à celles utilisées pour le génome sont en cours de développement. »
Des protéines qui disparaissent
« Au centre Oscar-Lambret de Lille, spécialisé dans les tumeurs solides (sein, ORL, ovaires et cancers colo-rectaux), des protéines non connues pour être impliquées dans la cancérogenèse ont ainsi révélé leur importance en disparaissant lors de ce processus. Par exemple, la protéine 14-3-3, produite par un gène suppresseur de tumeur, a disparu des tissus mammaires tumoraux. D'autres protéines dites de choc thermique ou chaperonnes ont également un rôle clé dans la cancérogenèse et pourraient modifier l'approche des cancers. On ne dispose pas encore de marqueur sérique précoce du cancer du sein, aucune protéine originale de ce cancer n'ayant été trouvée. Les nouvelles techniques de travail sur l'infiniment petit (nanotechnologies) devraient vraiment accélérer l'identification des protéines. »
Le Pr Hondermarck, qui présentait les travaux lillois la semaine dernière à un congrès de métrologie (science des mesures), pense, quant à lui, que la protéomique des cancers apportera des résultats concrets tant diagnostiques que thérapeutiques dans les dix années à venir.
Un entretien avec le Pr Jean-Philippe Peyrat, centre de lutte contre le cancer Oscar-Lambret, Lille.
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