« La vitamine E pourrait être un produit naturel qui inhibe la croissance du cancer de la prostate par une action sur le récepteur aux androgènes », écrivent Yu Zhang et coll. (Rochester University, Etats-Unis).
Pour comprendre la démarche des chercheurs, il faut se rappeler que le récepteur aux androgènes (RA) est nécessaire au développement à la fois du tissu prostatique normal et du tissu cancéreux. Et qu'aux stades précoces de développement du cancer, quasiment toutes les cellules cancéreuses sont hautement sensibles aux antiandrogènes. Par la suite, cette sensibilité tend à disparaître, les cellules devenant androgéno-indépendantes.
Par ailleurs, le PSA (Prostate-Specific Antigen) est un gène clef régulé par les androgènes. C'est pourquoi le PSA est utilisé comme indicateur de la progression de la maladie et de la réponse aux traitements anticancéreux.
La supplémentation en alphatocophérol
En 1997, pour la première fois, une grande étude épidémiologique montrait qu'une supplémentation quotidienne en vitamine E (alphatocophérol), connue pour ses propriétés antioxydantes, diminue l'incidence du cancer de la prostate (de 17,8 à 11,7 % chez des fumeurs, alors que le bêtacarotène reste sans effet). Jusque-là, on n'avait pas l'explication des mécanismes sous-jacents.
Yu Zhang et coll. ont réalisé leurs recherches sur un modèle d'étude qui est une lignée cellulaire androgéno-dépendante de cancer de la prostate humain. Ils ont choisi le succinate d'alphatocophérol (VES), qui est le dérivé le plus efficace in vitro pour inhiber la croissance cellulaire de divers cancers.
Ils démontrent que le VES diminue les taux de PSA (intracellulaires et sécrétés) dans la lignée cellulaire prostatique, d'une part, sur des cellules cultivées dans du sérum normal et, d'autre part, dans des conditions de stimulation par des androgènes.
« Nos résultats indiquent que l'inhibition du PSA est contemporaine d'une régulation négative du RA induite par la vitamine E », expliquent les auteurs.
Ils ont trouvé, de plus, que l'inhibition de la protéine RA n'est pas seulement due à une diminution des taux des ARNm, mais aussi à une efficacité du VES au niveau post-transcriptionnel du récepteur RA. La modulation exercée par le VES se fait donc aux deux niveaux, transcriptionnel et post-transcriptionnel.
L'effet est sélectif, car le VES ne réprime pas l'expression d'autres récepteurs nucléaires.
Les auteurs se sont intéressés à certains produits utilisés pour le traitement du cancer de la prostate. En associant la vitamine E à l'hydroxyflutamide, un antiandrogène, on obtient un effet synergique sur l'inhibition de la croissance des cellules tumorales. Alors que l'hydroxyflutamide seul ne provoque qu'une répression légère de la croissance des cellules.
Un effet antioxydant
Par ailleurs, la sélénométhionine, utilisée comme adjuvant au traitement, montre une action sur la croissance cellulaire sans effet sur la voie des PSA et du RA.
Une explication plausible de l'inhibition de croissance des cellules tumorales prostatiques et de l'expression du récepteur RA est un effet antioxydant de la vitamine E.
D'autres produits ont montré leur efficacité, comme le sélénium (un taux élevé de sélénium sérique réduit l'incidence des cancers du poumon, du côlon et de la prostate), ou la vitamine D.
Toutefois, les mécanismes d'action semblent différents.
« Proc Natl Acad Sci USA » du 28 mai 2002, vol. 99, n° 11, pp. 7408-7413.
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