Des études épidémiologiques prospectives et cas-contrôles ont associé une réduction du risque de cancer de la prostate aux quintiles les plus élevés de consommation de tomate, qui se caractérisent sur le plan biologique par une haute concentration sérique en lycopène, le principal caroténoïde présent dans les tomates. Le tissu prostatique normal contient du lycopène ; aussi s'est-on interrogé sur le caractère plausible de l'effet anticarcinogénétique de ce seul constituant.
Comme une démonstration sur le même mode a aussi été faite pour la prise énergétique (le risque relatif - RR - de cancer de la prostate est diminué lorsque la consommation calorique est moindre), Thomas Boileau et coll. (université de l'Illinois) ont vérifié les effets de ces variables alimentaires sur un modèle animal de carcinogenèse prostatique (rats traités avec de la méthylnitrosurée et de la testostérone).
Les 194 rats mâles de l'étude ont reçu une nourriture fournie en poudre entière de tomate (13 mg de lycopène/kg), ou en bâtonnets de lycopène (161 mg/kg) ou en bâtonnets contrôles. En outre, deux groupes égaux ont été créés, l'un pouvant se nourrir ad libitum et l'autre étant mis en restriction alimentaire de 20 %.
Au total, le régime contenant la poudre réalisée à partir des fruits entiers inhibe le cancer de la prostate, ce que ne fait pas le supplément de lycopène. Dans le groupe « tomates entières », le risque de cancer de la prostate est diminué de 26 % par rapport au contrôle (significatif), versus seulement 9 % dans le groupe lycopène (non significatif).
En utilisant un modèle statistique, les auteurs démontrent une réduction de 32 % de la mortalité par cancer de la prostate, indépendamment de l'effet de la poudre de tomate (RR de décès de 0,74 sous poudre de tomate comparativement aux contrôles).
Les taux des animaux morts de cancer de la prostate dans les groupes contrôles, lycopène et poudre de tomate sont respectivement de 80, 72 et 62 %.
La proportion de rats qui ont développé un cancer de la prostate est de 79 % chez ceux qui ont été nourris ad libitum, contre 65 % chez ceux en restriction calorique. Les rats dans le groupe en restriction calorique ont présenté une plus longue survie sans cancer prostatique que ceux nourris ad libitum (risque relatif de 0,68).
« Nos observations confortent la notion de plusieurs composants présents dans les produits à base de tomates agissant en synergie avec le lycopène pour apporter une diminution du risque », écrivent les auteurs. Ce qui n'exclut aucunement l'action de ce composé, mais que l'on a eu tendance à séparer du reste.
Dans les tomates se trouvent également d'autres caroténoïdes (comme le bêta-carotène tout-trans et le 9-cis bêta-carotène), des composés polyphénoliques (comme la quercitine), d'autres composés phénoliques, de la vitamine C, de la vitamine E et des folates.
« Ce résultat constitue un poids important dans le débat portant sur une meilleure prévention du cancer à l'aide des aliments entiers plutôt que par des constituants isolés », commentent P. Gann et F. Khachik (Chicago) dans un éditorial associé. Ce résultat est également intéressant sur un plan pratique, car la plupart des études d'observation humaines ont démontré une prévention en se fondant sur la prise d'aliments riches en lycopène et non sur ce seul constituant.
Pizzas, coulis, sauces...
La tomate est l'un des produits le plus largement consommés dans les pays industrialisés de l'Ouest, la plupart du temps sous la forme de pizza, coulis, Ketchup et sauces pour accompagner les pâtes.
Les nutritionnistes assimilent ce végétal aux fruits et non aux légumes.
Ce résultat s'ajoute à ceux qui confortent la science populaire. Ce qui s'est déjà produit avec les crucifères (choux) pour lequel une diminution de la cancérogenèse a été montré.
« Journal of the National Cancer Institute », vol. 95, n° 21, 5 novembre 2003, pp. 1578-1586, et éditorial pp. 1563-1565.
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