REFERENCE
Un des cancers les plus fréquents
Le dépistage massif du cancer de la prostate, depuis l'avènement du dosage du PSA, fait du cancer de la prostate un des cancers les plus fréquents, 35/100 000 habitants dans les pays industrialisés, responsable actuellement de 35 000 décès par an en Europe, ce qui le positionne en seconde position pour mortalité par cancer [1]. En France, le cancer de la prostate est responsable de 9 500 décès annuel [1].
L'incidence et la mortalité spécifiques augmentent avec l'âge puisque l'incidence du cancer de la prostate n'est que de 1 à 2/100 000 à l'âge de 40 ans, contre 1 200/100 000 à 80 ans. C'est donc un cancer essentiellement de l'homme âgé. Parallèlement, l'espérance de vie actuelle d'un homme de 75 ans est de 9,8 ans (INSEE) [1].
Le cancer de la prostate a le plus souvent une évolution lente, ce qui fait que, dans ce groupe particulier des plus de 75 ans, le décès provient le plus souvent d'une autre cause, même si, proportionnellement, la mortalité spécifique reste plus élevée chez les plus âgés.
Il faut opposer d'emblée le cancer de prostate localisé (T1T2N0M0) au cancer de prostate localement étendu (T3T4N1-N2 M0) ou étendu à distance TxNxM+ (cf. TNM) puisque les options thérapeutiques seront radicalement différentes.
Plusieurs paramètres affectent le potentiel évolutif d'un cancer de prostate. Le stade locorégional et le degré de différentiation (score de Gleason) sont les deux plus importants pour la décision thérapeutique et le pronostic.
Curatif ou palliatif
Le traitement du cancer de la prostate doit pouvoir être curatif malgré l'âge du patient et l'évolution naturelle du cancer. Toutefois, comme pour le sujet plus jeune, le traitement ne pourra être curatif que pour des stades localisés (T1-T2N0M0). Que le traitement soit curatif ou palliatif, les traitements proposés devront tenir compte des particularités liées à l'âge :
- souhaits et demandes du patient ;
- espérance de vie s'amenuisant avec l'augmentation de l'âge ;
- respect des contre-indications médicamenteuses et anesthésiques ;
- existence de troubles fonctionnels génito-sexuels, telles une incontinence ou une dysfonction érectile préalables.
Le comité international sur le cancer de prostate [2] propose six critères décisionnels pour la prise en charge du cancer de la prostate :
- stade TNM ;
- PSA ;
- score de Gleason ou différentiation cellulaire ;
- taille prostatique ;
- espérance de vie ;
- sexualité.
La chirurgie
Qu'elle se fasse par voie incisionnelle rétropubienne ou périnéale ou par voie laparoscopique, il n'y a pas d'indication au-delà de 70 ans. Le second comité international [2], quant à lui, retient une espérance de vie > 10 ans pour proposer une chirurgie curative. Toutefois, la morbidité fonctionnelle (incontinence urinaire et impuissance) augmente avec l'âge, alors que la mortalité péri-opératoire (à 1 mois) est sensiblement équivalente dans l'expérience américaine : 1 % avant 75 ans contre 1,4 % entre 75 et 80 ans [3].
Par ailleurs, malgré l'absence de série comparative, l'ensemble des données de la littérature synthétisée par le comité international sur le cancer de la prostate ne retrouve pas d'avantage de la chirurgie par rapport à une surveillance bien conduite.
Elle reste actuellement le traitement de choix pour ce groupe de patients.
Les critères carcinologiques retenus de manière consensuel sont un cancer localisé à la glande (T1-T2N0M0), bien différencié (Gleason inférieur ou égale à 6), avec une maladie non évolutive (PSA stable quelque soit son taux initial).
Il faut insister, auprès du patient et de son entourage, sur le fait que la surveillance est un traitement actif et qu'en cas d'évolutivité clinique ou biologique, un traitement alternatif pourra être proposé (« deferred treatment » des Américains).
La surveillance active impose un suivi régulier clinique (toucher rectal) et biologique (dosage du PSA trimestriel ou semestriel) pouvant être anxiogène.
Actuellement, aucune étude n'a pu démontrer que la surveillance était moins efficace que la chirurgie ou la radiothérapie externe (RTE) pour les cancers de prostate localisés et bien différentiés. La survie spécifique à dix ans, pour les études ayant plus de dix ans de suivi, atteint 80 à 90 % pour les plus différenciés [2].
Elle reste une option intéressante et valable jusqu'aux stades T3N0M0 avec des résultats à dix ans honorables [4] tant sur le contrôle local, la survie sans récidive et l'absence de progression métastatique. Les facteurs pronostiques reconnus d'efficacité sont le stade clinique (< T3), le degré de différentiation (Gleason), et surtout le PSA initial, puisqu'on estime qu'au-delà d'un taux initial > 20-30 ng/ml, le taux de rechute local est > 75 %.
Elle pose le problème de sa disponibilité, puisqu'actuellement elle nécessite d'utiliser un accélérateur de photon à haute énergie. La cobaltothérapie, quant à elle, doit être proscrite compte tenu des effets secondaires majeurs qu'elle produisait.
La dose admise en RTE conventionnelle est de 70 Gy sur la loge prostatique. Actuellement, le développement de la radiothérapie conformationnelle autorise une escalade de dose pouvant atteindre prés de 80 Gy sans augmenter la toxicité de la RTE. En effet, la RTE conformationnelle n'utilise plus les repères osseux pour cibler la loge prostatique, mais utilise une représentation tridimensionnelle de la prostate (scanographique) couplée à l'accélérateur, permettant ainsi de délivrer une dose optimale sur la zone cible tout en protégeant les organes de voisinage. Toutefois, ces machines nécessitent un environnement technique et médical important, disponible seulement en centre spécialisé, ce qui peut poser des problèmes pratiques pour les personnes âgées. Dans le même ordre d'idées, l'étalement fractionné des doses sur une période de sept à douze semaines, le plus souvent en ambulatoire, représente une contrainte pratique non négligeable pour des personnes à mobilité réduite et/ou seules et engendre un surcoût significatif.
La toxicité tardive (après trois mois) reste un problème préoccupant. La RTE conformationnelle, tout en améliorant le contrôle local, diminue la toxicité tardive (gastro-intestinale et génito-urinaire) de la radiothérapie.
Les complications tardives de la radiothérapie sont principalement digestives (épreintes, ténesmes, rectorragies, troubles du transit) et génito-sexuelles (cystite radique, hématurie, incontinence urinaire, impuissance) [1,5,6].
Plus spécifiquement, le taux d'incontinence urinaire approcherait 5 %, et le taux d'impuissance secondaire tous âges confondus serait supérieur à 50 %. Ces chiffres sont à majorer dans la population des plus de 75 ans.
La morbidité de la radiothérapie et de la chirurgie ont conduit à chercher de nouvelles alternatives thérapeutiques moins agressives, dites minimales invasives. Celles-ci sont particulièrement intéressantes dans ce groupe de patients réputés plus fragiles. La plupart de ces techniques mini-invasives sont en cours d'évaluation (plus ou moins avancées) quant à leur efficacité carcinologique. La plupart des évaluations portent sur des patients qui sont sélectionnés pour une prostatectomie radicale, donc d'âge inférieur à 70 ans. Une extrapolation aux sujets âgés de plus de 75 ans sera donc nécessaire.
Parmi ces alternatives thérapeutiques, la brachythérapie (tableau 1) semble être la plus prometteuse tant en termes de contrôle carcinologique qu'en termes de morbidité.
Les sources utilisées varient selon l'agressivité de la tumeur. Une association conjointe à la radiothérapie externe est possible.
Elle nécessite une anesthésie générale et l'implantation se fait par voie endorectale sous double contrôle radiologique (fluoroscopique et échographique) et cystoscopique.
Les complications sont essentiellement représentées par les troubles mictionnels : impériosités et dysurie, voire rétention vésicale complète chez entre 10 et 15 % des patients. Un antécédent de RTUP majore ces complications jusqu'à 25 % des patients. De même, l'incontinence postbrachythérapie reste exceptionnelle, mais se retrouve jusqu'à 12 % parmi les patients ayant bénéficié antérieurement d'une RTUP [7].
Les résultats semblent prometteurs dans les séries promotrices de la technique. Toutefois, connaissant la lente évolution du type de cancer prostatique sélectionné, les résultats à long terme seront nécessaires pour pouvoir conclure à un intérêt de ce traitement.
Les inconvénients de cette technique sont représentés par une lourdeur technique associée à un coût élevé, la réservant à quelques centres accrédités par les pouvoirs publics.
Il existe un risque de sous-dosage lié à une mauvaise implantation des grains radioactifs.
Les rapports sexuels devront être protégés pendant au moins deux mois ; de même, il faudra éviter le contact avec des femmes enceintes et/ou enfants pendant deux mois.
D'autres alternatives sont en cours d'évaluation à un stade moins évolué et utilisant d'autres sources d'énergie (HIFU : ultrasons focalisés, RITA) ou d'autres sources tumoricides (cryobalation) [9].
Le traitement sera alors palliatif, qu'il soit chirurgical, radiothérapique ou hormonal.
Elle représente le traitement de première intention car, efficace et bien tolérée, elle est adaptée à cette population. La castration peut être chimique (médicamenteuse) ou chirurgicale (pulpectomie, différente de l'orchidectomie).
Différentes familles de molécules existent et permettent des combinaisons : monothérapie ou blocage androgénique complet. Les effets secondaires ne sont pas rares ni graves, mais peuvent altérer la qualité de vie.
Les effets de l'hormonothérapie s'estompent en moyenne au bout de deux ans de traitement.
C'est pourquoi, actuellement, le traitement hormonal intermittent [10] est en évaluation avec le double objectif de retarder l'hormonorésistance et d'améliorer la qualité de vie pendant les périodes sans traitement (castration chimique réversible). En filigrane se dessinent aussi les réductions de coût engendrées par l'absence intermittente de traitement (environ 1 000 F/mois par patient pour un analogue de la LH-RH).
En cas de charge tumorale importante : PSA > 100, état général altéré, anémie tumorale, scintigraphie osseuse plurimétastatique, il faut absolument commencer pendant quinze jours par un anti-androgène périphérique, sous peine de s'exposer à une flambée (« flare-up ») de la maladie (insuffisance médullaire, compression neurologique, obstruction du haut appareil). Bientôt seront disponibles des antagonistes de la LH-RH, qui, tout aussi efficaces que les analogues, n'exposeront plus à ce phénomène.
Elle s'inscrit le plus souvent dans le cadre de la prise en charge antalgique. Elle peut parfois avoir un effet prophylactique sur les compressions neurologiques (rachis).
Lorsque les localisations osseuses sont peu nombreuses et que le site métastatique douloureux est bien délimité, l'irradiation externe est efficace sur les douleurs de manière prolongée (environ six à huit mois). Lorsqu'il existe de multiples sites métastatiques douloureux, une irradiation métabolique (Mestastron, Quadramet) est plus logique, à condition qu'il n'y ait pas d'insuffisance médullaire (leucopénie et surtout thrombopénie), et à distance (six semaines) d'une chimiothérapie ou d'une radiothérapie. Le traitement se fait en médecine nucléaire (chambre plombée), en courte hospitalisation (dépendant de la demi-vie du produit administré), par voie intra-veineuse. L'efficacité est bonne et dure environ six mois. Le traitement peut être appliqué à plusieurs reprises, mais un délai de trois mois doit séparer les traitements.
Elle peut correspondre à une castration chirurgicale (pulpectomie), qui a l'avantage du coût et de l'absence de contrainte liée à la prise du traitement, mais qui a l'inconvénient d'être irréversible.
La chirurgie endoscopique de désobstruction est souvent nécessaire, pouvant soit correspondre à une résection de la loge prostatique pour troubles mictionnels obstructifs et/ou irritatifs, soit correspondre à une libération du haut appareil (sondes JJ ou néphrostomie percutanée) obstrué par un envahissement urétéral au niveau du trigone.
Plus rarement nécessaire, la chirurgie de décompression (laminectomie + fixation) neurologique lorsqu'existe une compression médullaire ou du cône terminale, ou chirurgie de fixation lorsque survient une fracture pathologique afin de rétablir l'autonomie du patient.
Essentielle. Nous avons vu l'efficacité prolongée des différents types d'irradiation sur les douleurs osseuses localisées ou diffuses.
Le recours aux corticoïdes à fortes doses est parfois nécessaire (lorsqu'il n'y a pas de contre-indications) et souvent efficace.
L'association d'antalgiques de classe III est souvent nécessaire en fin de vie. Récemment, plusieurs avancées ont été réalisées dans ce domaines : patch morphiniques de fentanyl (Durogésic) à appliquer tous les trois jours, introduction de la Sophidone, dérivé morphinique plus puissant avec moins d'effets secondaires (notamment digestifs).
L'arsenal thérapeutique dans la prise en charge du cancer de la prostate du sujet âgé reste encore large malgré les restrictions inhérentes aux particularités de ce groupe de patients.
L'intention curative rejoint celle des plus jeunes et n'en diffère pas dans les indications (cancer de prostate localisé), et peu dans les moyens (pas de chirurgie curative).
L'évolution des thérapeutiques vers des actes moins agressifs ou des médications mieux tolérées devrait profiter plus particulièrement à ce groupe d'âge.
Abréviations
TNM : tumor, nodes and metastases.
PSA : antigène spécifique de prostate.
RTE : radiothérapie externe.
Gy : gray.
RTUP : résection trans-urétrale de prostate.
HIFU : high intensity focalized ultasons.
RITA : radiofrequency interstitial tumor ablation.
Bibliographie
1) Cussenot O. et Teillac P. : « Le cancer de la prostate ». 1999. Pathologie. Science. Formation
2) Deuxième Comité international sur le cancer de la Prostate. Paris. Juin 1999. Ed G. Murphy, S. Khoury, A. Partin, L. Denis. WHO/UICC
3) Dreicer R., Cooper S. C. and Williams R.D. : Management of prostate and bladder cancer in the elderly. « Urol Clin North Am »,1996 ; 23-1 : 87-97.
4) Lee W. R. and Sause W. T. : Surgically staged patients with prostatic carcinoma treated with definitive radiotherapy-15 years results. « Urology », 1994 ; 43 : 640-644.
5) Hanks G. E. : Long-term control of prostate cancer with radiation : past, present, and future. « Urol Clin North Am »,1996 ; 23-4 : 605-616.
6) Garzotto M., and Fair W. R. : Outcome assessment of external beam radiation therapy for clinically localized prostate cancer. AUA Update series. 2000 ; XIX(27) : 209-215.
7) Flam T., Chauveinc L., Servois V., Rosenwald J-C., Cosset J-M., Thiounn N. and Debré B. : La curiethérapie dans le traitement curatif du cancer de la prostate localisé. « Progrès Urol », 2000 ; 10 : 3-13.
8) Ragde H., Blasko J. C., Grimm P. D., Kenny G. M., Sylvester J. E., Hoak D. C., Landin K., and Cavanagh W. : Interstitial iodine-125 radiation without adjuvant therapy in the treatment of clinically localized prostate carcinoma. « Cancer », 1997 ; 80 : 442-453.
9) Beerlage H., Thüroff S., Madersbacher St, Zlotta A. R., Aus G., de Reijke Th. M., and de la Rosette J. J. M. C. H. : Current status of minimally invasive treatment options for localized prostate carcinoma. « Eur Urol », 2000 ; 37 : 2-13.
10) Wolff J. M., and Tunn U. W. : Intermittent androgen blockade in prostate cancer : rationale and clinical experience. « Eur Urol », 2000 ; 38 : 365-371.
Indications et contre-indications actuelles de la brachythérapie
.
IndicationsContre-indicationsContre-indications relatives
T1, T2a ou T2b N0M0ATCD RTUPProstate > 50 g
PSA < 10Troubles mictionnels
significatifs
Gleason < 7PSA > 15 et Gleason > 7
.
Effets secondaires de l'hormonothérapie
.
EffetsTroublesBouffées degynécomastieVasculaire +DigestifsOphtalmologiques« flare-up »
secondairessexuelschaleurpoumon
.
Analogue LH-RH+++++++/----+++
AANS*+/-++++Anandron++Anandran-
(fibrose(hépatiques,(Tr. accom
pulmonaire)diarrhées)odation)
.
CPA**++-----
.
Estrogènes***++-+++Thrombose+--
-p.oveineuse(diarrhées)
-IV(per os)
.
Orchidectomie++++rare----
.
Effets Testo Cathécol.AromatisationLatence du
Thermorég. Testo enrétrocontrôle
estrogènes
.
TraitementsIIC°/tempsAINSPréventif
VacumCPAIrradiationAVK,
estrogènesChir.Coumadine)
PG))Changement
Clonidinede Tt
.
* : Antiandrogènes non stéroidiens (Casodex, Anandron, Eulexine)
** : Acétate de cyprotérone = Androcur (antiandrogène stéroidien)
*** : ST52 (fosfestrol), Distilbène (diethylstilbestrol)
° : Injection intracaverneuse
°° : progestatifs
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