Cancer colo-rectal métastasé : un essai d'immunothérapie

Publié le 06/10/2003
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C'est avec impatience que sont attendus les résultats d'un essai clinique de phase II visant à traiter des patients atteints d'un cancer colo-rectal métastasé. Au cours de cet essai américain (Darmouth Hitchcock Medical Center, Lebanon, New York), les médecins espèrent arriver à mobiliser le système immunitaire de leurs patients de telle sorte qu'il puisse détruire les cellules tumorales ayant échappé à la chirurgie.

Le principe de cette immunothérapie se fonde sur l'emploi de cellules dendritiques autologues, chargées d'antigènes tumoraux spécifiques aux cellules tumorales des patients. L'originalité du protocole mis en place par Wallace et coll. est que la maturation des cellules dendritiques se déroule en présence du ligand des récepteurs CD40 présents à la surface des cellules dendritiques. Par cette astuce, les médecins espèrent obtenir des cellules dendritiques le plus immunogènes possible. Cette méthode pourrait augmenter l'efficacité de cette stratégie immunothérapeutique.

Les cellules dendritiques autologues

Les cellules dendritiques sont les principales cellules présentatrices d'antigènes (CPA) du système immunitaire. Elles captent les antigènes présents dans l'organisme, puis les présentent aux lymphocytes. L'interaction entre une cellule dendritique chargée d'un antigène et un lymphocyte spécifique de cet antigène conduit à l'activation de ce lymphocyte.
Depuis plusieurs années, les chercheurs essayent de tirer profit de ce phénomène pour stimuler le système immunitaire de malades, spécifiquement contre les cellules ou les micro-organismes à l'origine de leur pathologie. Des techniques permettant de récupérer des monocytes autologues, de les faire se multiplier et se différencier en cellules dendritiques matures in vitro, de les charger avec des antigènes spécifiques, puis de les réintroduire dans l'organisme du malade ont été développées. Mais les résultats obtenus sont souvent décevants.
Selon Richard Barth et coll., le problème pourrait venir des conditions dans lesquelles est conduite la maturation des cellules dendritiques, in vitro. En effet, ces chercheurs ont montré que, chez la souris, l'interaction entre les récepteurs CD40 des cellules dendritiques et leur ligand (CD154 ou CD40L) est nécessaire à la génération d'une immunité antitumorale (1). Cette interaction permettrait notamment l'expression de nombreux corécepteurs, tels que les molécules d'adhérence ICAM-1, VCAM-1 et les molécules de costimulation B7. C'est pourquoi Wallace et Barth ont eu l'idée de tester l'efficacité de cellules dendritiques activées par le CD40L sur des malades souffrant d'un cancer colo-rectal métastasé.
Le protocole de l'essai est le suivant : les patients ont tout d'abord été traités par chirurgie ; une partie des cellules cancéreuses prélevées sont conservées pour être lysées et fournir des antigènes tumoraux spécifiques à chacun des patients ; une fois rétablis de la chirurgie, les patients subissent une courte leucophérèse à partir de laquelle des monocytes autologues sont récupérés ; ces cellules sont mises en culture en présence des cytokines adéquates ; cette étape permet la prolifération de monocytes et leur différenciation en cellules dendritiques ; au bout de six jours, le lysat préparé à partir des cellules tumorales est ajouté au milieu de culture ; le septième jour, pour la moitié des patients entrés dans le protocole, le CD40L est ajouté aux cultures ; le lendemain, cinq millions de cellules dendritiques autologues, matures et théoriquement chargées d'antigènes tumoraux, sont injectées aux patients ; l'injection est réalisée directement dans les ganglions lymphatiques inguinaux des malades ; les cellules dendritiques restantes sont congelées, puis utilisées pour deux immunisations complémentaires, trois et six semaines après la première immunisation.

Trois injections très bien tolérées

Cette étude vient de démarrer. Parmi les 24 patients entrés dans l'étude, 18 ont aujourd'hui reçu les trois injections de cellules. Ces injections ont été très bien tolérées : seulement deux patients ont présenté des symptômes associés à une toxicité de grade 1 (inconfort moyen lors de l'immunisation). L'efficacité de l'immunisation et l'apport du CD40L restent maintenant à déterminer. Wallace et coll. sont optimistes, car, lors de la préparation des cellules, ils ont pu observer que ces dernières changeaient radicalement de phénotype, augmentant visiblement leur capacité à présenter des antigènes.

(1) « J Immunol », 1998, vol. 161, pp. 2094-2098.
D'après une communication de Paul Wallace donnée au cours des 2es Journées de Cordeliers (manifestation organisée par l'université Pierre-et-Marie-Curie et le Laboratoire IDM.

Elodie BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7398