Ces quatre dernières années, trois études n'ont pas retrouvé l'effet protecteur des fibres alimentaires contre le cancer colo-rectal et les adénomes coliques qu'avaient pourtant suggéré plusieurs études cas contrôles antérieures. On ne pouvait pas en rester là, et on attendait la publication de deux importantes études en cours, l'une, américaine, l'autre, européenne.
Le travail américain (Ulrike Peters et coll.) provient du Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian Screening Trial Project Team, essai randomisé contrôlé, qui a pour objectif de tester des méthodes de détection précoce des cancers ; pour le point précis dont il est question ici, il a consisté à évaluer, en fonction de l'apport en fibres, le risque d'adénome colo-rectal, qui est un précurseur du cancer. Les auteurs ont comparé l'apport en fibres de 33 971 sujets, chez qui la sigmoïdoscopie a éliminé un polype, et de 3 591 sujets, qui avaient au moins un adénome colique (côlon descendant, sigmoïde, rectum) vérifié histologiquement. Résultat : un apport élevé en fibres était associé à un plus faible risque d'adénome colique (pas d'effet significatif pour les adénomes rectaux). Les sujets du quintile le plus élevé pour l'apport en fibres avaient un risque diminué de 27 % par rapport à ceux du quintile le plus bas. L'association inverse la plus forte était observée pour les graines, les céréales et les fruits.
Le résultat européen est issu de l'étude EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition). A cette étude (signée Shella Bingham et coll.) participent une équipe basée à Lyon (International Agency for Research on Cancer ; P. Ferrari, N. Slimani, T. Norat, R. Kaaks) et des chercheurs de l'INSERM U521 de l'institut Gustave-Roussy à Villejuif (F. Clavel-Chapelon et E. Kesse). Ce travail a consisté à étudier l'association entre l'apport en fibres dans l'alimentation (classement en quintiles) et l'incidence du cancer colo-rectal chez 519 978 sujets âgés de 25 à 70 ans. Le suivi a porté sur près de 2 millions de personnes-années. Résultats : les fibres alimentaires étaient inversement associées à l'incidence du cancer colique (risque relatif ajusté : 0,75 pour le quintile le plus élevé par rapport au quintile le plus faible), l'effet le plus fort étant observé pour le côlon gauche et l'effet le plus faible, pour le rectum. Après la prise en compte de données alimentaires plus détaillées, le risque relatif ajusté était, pour le quintile le pus élevé d'apport en fibres, de 0,58. Toutes les fibres alimentaires avaient le même effet. Les auteurs précisent que les suppléments non alimentaires en fibres n'étaient pas évalués. « Dans des populations ayant un faible apport en fibres alimentaires, un doublement de l'apport total en fibres pourrait réduire le risque de cancer colo-rectal de 401 % », concluent les chercheurs européens.
«Lancet » du 3 mai 2003, pp. 1491-1495, 1496-1501.
Végétaux
Dans un éditorial (pp. 1487-1488), Lynette Ferguson et Philip Harris (Auckland, Nouvelle-Zélande) signalent que, certes, on pourrait penser que les fibres alimentaires ne sont pas protectrices en elles-mêmes, mais sont plutôt un marqueur de l'ingestion de végétaux, qui contiennent d'autres substances ayant un potentiel anticancéreux, notamment des phénols (flavonoïdes, lignanes, anthocyanines). En fait, quelles que soient les raisons des résultats des deux études, « avoir une alimentation riche en végétaux, sous forme de fruits, de légumes, de céréales issues de grains entiers, reste probablement la meilleure solution pour réduire le risque de cancer du côlon », concluent-ils.
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