« TOUT BIEN REFLECHI, il n'y a que deux sortes d'hommes en ce monde : ceux à qui les Indes font peur et ceux qui rêvent d'y retourner », disait Rudyard Kipling, cet infatigable voyageur, témoin privilégié de la vie indienne. Et ce n'est pas l'arrivée à Bombay - ou Mumbai - qui démentira l'étrange fascination qui étreint le visiteur, venu se mêler au flux incessant des quinze millions d'habitants qui s'agglutinent aujourd'hui dans l'ancien archipel de pêcheurs, devenu une gigantesque mégapole. Vitrine de la réussite industrielle, la ville offre un contraste saisissant de modernité et de tradition, de richesse affichée et de pauvreté. Les multiples scènes de rue impressionnent et, derrière les façades brunies par l'humidité venue de la mer, on est parfois surpris de découvrir les splendeurs architecturales de l'ère victorienne.
La porte de l'Inde se profile au bout de la Marine Drive, large artère qui longe la baie ouverte sur la mer d'Oman, dont le galbe parfait, souligné la nuit par les lueurs de majestueux réverbères, lui a valu le nom de « Collier de la reine ». Le mythique Taj Mahal se dresse alors, prêt à recueillir les premiers « rêves d'Inde » avant un prochain départ vers la douceur du Kerala.
Plages, rizières et « backwaters ».
Coincé à l'extrême sud-ouest de la péninsule, entre les « ghats » (montagnes) et la mer d'Oman, le Kerala est le plus petit Etat du Sud, mais sans doute l'un des plus beaux du « sous-continent ». Les plages bordées de palmiers et de cocotiers sont prolongées, à l'intérieur, par une plaine de terre rouge (latérite) recouverte d'une végétation luxuriante de cocotiers (kerala signifie d'ailleurs « cocotiers »), de manguiers, de jacquiers, de bananiers et de bambous. A l'approche de la barrière montagneuse, les vallées se couvrent d'un tapis de rizières, et les collines, de plantations de poivriers, de caféiers et de théiers.
Les animaux (éléphants, tigres, panthères) prennent possession des épaisses forêts à flanc de « ghats ». Dans l'étroite frange côtière, les villages se succèdent, vivant de pêche et d'agriculture. A distance du rivage, d'étonnantes lagunes (ou « backwaters »), créées par l'obstruction de l'embouchure des rivières, sont reliées par des canaux artificiels en un réseau de voies navigables. Utilisées pour le transport des marchandises, elles dessinent un cadre idéal pour de magnifiques promenades au fil de l'eau sur des « house-boats » ou « kettuvalom » - bateau traditionnel couvert de tresses de feuilles de cocotiers -, à la rencontre de la vie rurale et paisible du Kerala.
Après une nuit confortable à bord au milieu du lagon, le réveil au petit matin est un enchantement. Calme et volupté, loin du bruit de la ville. La découverte de ce « paradis terrestre », comme certains le décrivent, peut débuter à partir de Cochin. Seul port naturel du Sud, la ville, encore appelée « Venise de l'Orient », car elle est formée d'un groupement d'îles, connaît ses plus grandes heures au XVe siècle lorsqu'elle devient la capitale des épices. Pendant des siècles, elle approvisionne le monde en poivre, cannelle, cardamome, noix de muscade. Les épices font alors leur apparition en Europe et entrent dans la composition de nombreux mets et médicaments. En Inde, les plats, végétariens ou non, leur doivent encore cette saveur si particulière et si envoûtante.
De cette période portugaise, l'église Saint-François, construite en 1510, garde encore les traces. On y trouve, en effet, la pierre tombale qui a accueilli en 1524 la dépouille de Vasco de Gama, premier explorateur à franchir le cap de Bonne-Espérance et à atteindre la côte de Malabar dans le sud-ouest de l'Inde (1498), avant qu'elle soit rapatriée à Lisbonne.
L'atmosphère singulière de Cochin tient aussi à la diversité des ambiances et des styles architecturaux qu'on y trouve, marquée par la culture hindoue, musulmane ou juive. La synagogue construite en 1568 atteste d'une présence juive qui remonterait au Xe siècle et se serait peu à peu éteinte. Les filets de pêche ou carrelets chinois, dressés le long du bord mer, contribuent à la magie du paysage.
Spiritualité au quotidien.
Le Sud se laisse visiter au fil de l'eau, on l'a vu, mais aussi en voiture (même si la conduite est un peu sportive), dans une Ambassador, au charme désuet, mais très confortable à l'intérieur, ou en « rickshaw » (petit véhicule à trois roues). L'accueil y est chaleureux, même si parfois on a du mal à comprendre ce dodelinement de la tête qui semble ne signifier ni oui ni non.
Au décours d'un virage ou à la sortie d'un village, on croise les habitants vêtus d'un sari chatoyant ou d'un dothi à la Gandi, affairés dans leur quotidien, sur des marchés de bestiaux (bœufs, moutons) ou lors de cérémonies dravidiennes. La spiritualité est partout présente et les divinités font partie du paysage. Très tolérant, le Kerala est aussi l'Etat le plus lettré. Le théâtre y est très prisé, notamment le kathakali, langage gestuel, dansé et mimé, qui exprime de façon très conventionnelle les sentiments et les émotions de personnages des légendes indiennes.
Le teyyam est un rituel d'adoration dans lequel des danseurs costumés et maquillés sont possédés par l'esprit des dieux. Le kalaripaytt, forme d'art martial la plus ancienne, très spectaculaire, nécessite des années d'apprentissage au cours desquelles le pratiquant va aussi s'initier à la partie de l'ayurveda qui soigne les blessures (par arme blanche, très fréquentes, les entorses) et permet la souplesse du corps (massage). Cette attention au corps et à l'esprit explique la forte survivance de la médecine ayurvédique dans cette région du Sud.
Une halte à Trivandrum, capitale du Kerala, s'impose. Centre culturel de langue malayalam, elle a été le lieu de résidence des princes du Travancore (XVIIIe), les premiers à ouvrir les temples aux intouchables. Leur palais de Padmanabhapuram, à quelques kilomètres de là (aujourd'hui dans l'Etat du Tamil Nadu), est l'un des plus anciens (XVIe siècle) palais en bois (teck sombre) qui n'aient pas été détruits. Ses boiseries sculptées, ses peintures murales, mais surtout la science qui y est déployée de la circulation de l'air et de la lumière, en font un joyau architectural.
Enfin, après un dernier plongeon à Kovalam, une des plus belles plages du Sud, éveillera sans doute déjà la nostalgie et une forte envie de revenir.
Une médecine vieille de 5 000 ans
L'ayurveda (ayus, ou vie, et veda, ou savoir) remonterait à 5 000 ans avant Jésus-Christ. C'est le plus complet des systèmes antiques qui nous soit parvenu. Sa source principale est représentée par les textes sacrés védiques, en particulier le quatrième, l'« Atharvaveda », écrit aux environs de 1000 avant J.C..
A partir du VIe siècle, l'ayurveda s'est diffusé au Tibet, en Chine, en Mongolie, enCorée et au Sri Lanka, grâce aux moines bouddhistes. Médecine traditionnelle de l'Inde, elle a toutefois connu un certain déclin. En Inde du Sud, elle s'est maintenue grâce aux arts comme le khatakali ou le kalaripaytt qui nécessitaient des soins approfondis du corps.
Peu à peu, la pratique s'est organisée. L'enseignement est coordonné par le Central Council for Research in Ayurveda & Siddha, organisme du ministère de la Santé et de la Famille. Les études durent cinq ans et demi, dont un an de pratique, et comprennent de l'anatomie et de la physiologie classiques.
Le succès de cette médecine en Occident, surtout dans sa version massage, a conduit à un développement anarchique des centres ayurvédiques dans les structures hôtelières. Les médecins ayurvédiques s'en sont émus et exigent la présence d'un médecin dans ces centres.
La médecine moderne et la médecine ayurvédique semblent bien séparées en Inde. Mais certains hôpitaux ayurvédiques fonctionnent avec des médecins allopathes. Pour le diagnostic, le médecin ayurvédique utilise l'observation visuelle, le toucher et un questionnaire détaillé afin de déterminer si son patient est Vata, Pitta ou Kapha, trois principes dont le déséquilibre est à l'origine des troubles physiques, psychiques ou émotionnels. Selon le trouble détecté, pour traiter, il utilise le régime alimentaire, la phytothérapie ou un des cinq grands moyens d'élimination (panchakarma). Beaucoup pensent que cette médecine est d'abord une médecine préventive et qui peut améliorer la qualité de vie des patients.
Pour partir
Transports :
- Vols Paris/Bombay sur Swiss. Liaison quotidienne via Zurich.(environ 9 heures de vol), à partir de 601 euros, offre soumise à conditions. Contact : Swiss, 0820.04.05.06.
Formalités :
Passeport en cours de validité. Visa de tourisme obligatoire à retirer à l'ambassade de l'Inde (service des visas) : 20, rue Albéric-Magnard, 75116 Paris. Tél. 01.40.50.71.71. www.amb-inde.fr
Santé :
Aucun vaccin obligatoire.
Décalage horaire :
3 heures et demie en été et 4 heures en hiver.
Climat :
Agréable toute l'année (entre 26 et 30 °C), mais la meilleure période se situe entre novembre et mars. Mai et juin sont les mois les plus chauds. La période de juillet à octobre correspond à la mousson.
Monnaie :
53 roupies indiennes pour 1 euro. Carte Visa presque partout.
Langues :
Malayalam, au Kerala, et anglais.
Séjours :
Parmi les tour-opérateurs, Horizons Nouveaux, spécialiste suisse reconnu de l'Inde, vient de s'installer en France, à Lyon. Il propose des voyages individualisés et thématiques, dont un sur le thème « Ayurveda et les épices du Kerala », composé à l'attention des médecins francophones. Le séjour de 12 jours comprend :
- 2 nuits à Bombay, au Taj Mahal, l'hôtel 5* de légende ;
- vol pour Cochin et arrivée au Brunton Boat Yard (5*) ; - traversée d'une splendide réserve d'éléphants sauvages et visite d'un jardin d'épices. Visite d'un hôpital et d'un laboratoire ayurvédiques. Conférence sur la médecine ayurvédique par le Dr G. Vinod Kumar ;
- voyage en bateau jusqu'au Coconut Lagoon (5*), au cœur des backwaters. Centre de massage ayurvédique. Découverte du khatakali, du teyyam et du kalaripaytt. Embarquement sur un house-boat luxueux pour une nuit sous les étoiles ;
- poursuite du voyage par la route jusqu'à la mer d'Oman. Journée complète de détente en bord de mer à l'hôtel Travancore Heritage (5*) ;
- retour à Bombay, pour une dernière soirée, avant le vol de retour.
Prix : 3 260 euros par personne, comprenant vols internationaux et intérieurs, pension complète, guide accompagnateur francophone, entrées et spectacles, massage, transport en véhicule climatisé.
4 départs prévus pour 19 personnes par voyage : du 13 au 24 novembre, du 27 novembre au 8 décembre 2004, du 15 au 26 janvier 2005 et du 5 au 16 février 2005. Extensions possibles : 7 jours de cure ayurvédique à l'Ananda (5*) en pension complète, 2 990 euros ; 7 jours aux Maldives au Banyan Tree (5*) dans un Jacuzzi Front-Beach Villa, 3 350 euros ; 7 jours à Goa au Nilaya Hermitage (5*), en demi-pension, 1 090 euros.
Renseignements :
- Marie Jaeger, Horizons Nouveaux France, 67, rue Créqui, 69006 Lyon, tél. 04.37.47.80.30 et 06.07.50.53.33, e-mail : france@horizonsnouveaux.com.
- Office de tourisme indien : 11-13, bd Haussmann, 75009 Paris. Tél. 01.45.23.30.45. www.indiatourismparis.com.
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