De notre envoyée spéciale à Cahors
«N OTRE maternité, qui a réalisé 438 accouchements en 2000, va être fermée sur le seul argument que l'hôpital général de la ville n'en réalise que 275 », tempête le Dr Pascal Ressigeac, gynécologue-obstétricien et président-directeur général de la clinique du Quercy, située sur les hauteurs de Cahors, avec une vue imprenable sur la vallée du Lot.
Si les 17 lits de la maternité de cet établissement privé (qui compte 70 lits en tout) ferment leurs portes, il n'y aura plus aucune maternité privée dans le Lot. Et quelque 120 emplois seront peut-être en jeu, car l'avenir de l'établissement tout entier est lié au sort de la maternité. Non que cette partie de l'activité soit particulièrement rentable (elle accuse un déficit, tout comme l'ensemble de la clinique, dont le bilan fait ressortir une perte de 281 500 F en 2000), mais parce qu'elle a un effet d'attractivité bien connu sur les autres secteurs (chirurgie et médecine).
Fermeture de la maternité en 2003
Le 31 mars dernier, l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Midi-Pyrénées a proposé à la clinique une autorisation d'exploiter ses 17 lits d'obstétrique jusqu'à la mise en uvre d'une maternité de niveau II (c'est-à-dire avec une unité de néonatologie) à l'hôpital de Cahors, ce qui devrait être effectif en 2003. « Nous ne pouvons accepter une décision qui ne tient aucun compte des critères reconnus par l'ensemble de la profession, explique le Dr Ressigeac, qui évoque tour à tour les aspects « quantitatif (nombre d'accouchements), qualitatif (taux de péridurales, taux de césariennes, taux d'extractions instrumentales), économique (le coût d'un accouchement pour la Sécurité sociale est de 7 500 F chez nous, contre 15 000 F à l'hôpital), juridique (décret d'octobre 1998), tous en faveur de la clinique du Quercy. Le seul point sur lequel on n'est pas bon, c'est celui de la démagogie politique ! », ironise le Dr Ressigeac, convaincu que l'ancien maire de Cahors, le député (président du groupe RCV) Bernard Charles, très influent dans le milieu de la santé, a lourdement pesé dans la décision de l'ARH.
Une unité de néonatalogie à Cahors
L'ARH dément cette interprétation des faits et rappelle que le schéma régional d'organisation sanitaire et social (SROSS), qui a été adopté pour la période 1999-2004, fait l'objet d'une décision où toutes les parties sont représentées. Le document prévoit le regroupement des maternités du Lot dans les conditions suivantes : la maternité de l'hôpital de Gourdon, sous-préfecture de 5 000 habitants située à 45 km de Cahors, qui a effectué 271 accouchements en 1999, sera fermée et transformée en centre périnatal de proximité. A Cahors, il ne devra plus y avoir qu'une seule maternité. Une unité de néonatalogie (ce qui correspond à un classement en niveau II de la maternité), comprenant 4 lits, devra être créée. « Une communauté d'établissements entre les maternités de Gourdon et de Cahors a été signée et actée, ce qui porte le nombre d'accouchements annuels, si l'on se réfère à l'année 1999, à 553 », explique-t-on à l'ARH, qui en conclut que le maintien de la maternité de l'hôpital cadurcien respecte les décrets, puisqu'elle dépasse ainsi la barre fatidique des 300 accouchements annuels en deçà desquels elle aurait dû fermer. Quant aux responsables de l'hôpital, ils estiment que la maternité doit rester chez eux pour des raisons « de santé publique » (voir ci-dessous).
Pour la direction de la clinique, le regroupement des deux services publics « dont le seul but de pouvoir faire état auprès de l'ARH d'un seuil d'activité (futur, mais non constaté), supérieur à 300 accouchements par an, est entaché d'un détournement de procédure ». Christian Faux, le directeur de l'établissement privé, souligne, en outre, que la création d'une unité de néonatalogie, même au titre de l' « exception géographique » prévue par les textes, comme c'est ici le cas, ne se justifie pas : « En cumulant les activités de l'hôpital de Cahors, de celui de Gourdon et de la clinique du Quercy, on atteindrait 800 accouchements. Pour que cela soit justifié, il faudrait passer le cap des 1 200 accouchements », explique-t-il. En outre, il met en avant le fait que le décret prévoit la création d'une maternité de niveau II, à condition qu'il n'en existe pas une autre à moins d'une heure de route.
« L'hôpital de Montauban, qui possède une unité de néonatalogie, est à quarante minutes de Cahors », affirment en chur les dirigeants de la clinique. « Ce n'est pas vrai, il faut une heure pour s'y rendre », rétorque l'ARH.
Recours hiérarchique
Qu'à cela ne tienne, le SROSS imposant que l'unité de néonatalogie soit située sur le même site que la maternité, le Dr Ressigeac a proposé de l'accueillir dans ses murs et de concéder l'exploitation de ce service au personnel du centre hospitalier de Cahors.
Le dossier a d'abord reçu un avis défavorable de la direction départementale des Affaires sanitaires et sociales. Le comité régional de l'organisation sanitaire et sociale (CROSS) a ensuite donné un avis favorable, avant que la commission exécutive de l'ARH s'y oppose et délivre à la clinique une autorisation d'exploiter les 17 lits d'obstétrique actuels jusqu'à l'ouverture de la maternité de niveau II à l'hôpital.
Depuis, la clinique a déposé un recours hiérarchique contre cette décision. « Refuser de délivrer une autorisation d'exercer une activité d'obstétrique et de néonatalogie au seul motif qu'une telle structure doit être exploitée par un établissement de santé public, c'est une violation de la réglementation », argumente son avocat. A l'ARH, on assure ne faire « aucune opposition entre secteur public et secteur privé, surtout dans une région où le secteur privé représente une offre de soins très importante. La clinique du Quercy a refusé nos propositions de coopération avec l'hôpital, qu'il s'agisse d'un groupement de coopération sanitaire ou d'une clinique ouverte », souligne-t-on. L'ARH refuse le principe d'une maternité de niveau II installée à la clinique, estimant qu' « on ne connaît jamais la situation financière des établissements privés, ce qui fait courir un risque inacceptable pour la population ».
Le 12 juillet, le recours de la clinique sera examiné par le Comité national de l'organisation sanitaire et sociale (CNOSS). Malgré sa nature consultative, l'avis favorable ou défavorable qui sera délivré sera décisif pour l'avenir de la clinique.
Fermetures de lits : surtout le privé
Au 1er janvier 2000, la gynécologie-obstétrique comptait 14 975 lits dans le secteur public et 9 588 dans le secteur privé, selon les statistiques du ministère de l'emploi et de la solidarité. Trois ans plus tôt, on dénombrait 15 551 lits dans le public, contre 10 608 lits dans le privé. Les fermetures et restructurations sont donc beaucoup plus importantes dans les cliniques (- 9, 6 % en trois ans) que dans les hôpitaux publics (- 3,7 %).
Au cours de cette période, 60 lits ont été supprimés dans le secteur public dans la région Midi-Pyrénées, 494 restant début 2000, tandis que le secteur privé en a perdu 52, en conservant jusqu'ici 395.
Un établissement performant
La comparaison entre les performances de la clinique du Quercy et la maternité de l'hôpital de Cahors semblent favorables à la première. L'an dernier, une femme sur deux qui a accouché à la clinique a bénéficié d'une anesthésie par péridurale, alors que 20 % des parturientes de l'hôpital y ont eu droit.
Le faible taux d'accouchements par césarienne, reconnu comme un critère de qualité, est également en faveur de la clinique (15 %, contre 20 % à l'hôpital en 2000).
Le programme médicalisé des systèmes informatisés (PMSI) fournit également des données objectives sur les activités respectives des établissements publics et privés. En 1999, il indique que la clinique du Quercy a réalisé, pour 17 lits d'obstétrique, 867 entrées et a facturé 4 654 journées, tandis que son taux coefficient d'occupation était de 75 % et la durée moyenne de séjour de 5,3 jours. La maternité de l'hôpital de Cahors compte 5 lits d'obstétrique de plus que celle de la clinique. Paradoxalement, ce service fait beaucoup moins que la clinique, malgré sa supériorité en capacité d'accueil : la même année, le nombre d'entrées était de 619, le nombre de journées facturées de 2 830, le coefficient d'occupation de 33,7 %, la durée moyenne de séjour de 4,5 jours.
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