APRÈS DE MULTIPLES ratés, le Groupement d'intérêt public chargé du déploiement du dossier médical personnel (GIP-DMP) a été contraint de reporter successivement le lancement du DMP du 1er juillet 2007 à la fin de cette année, avant de le repousser encore au printemps 2008 (« le Quotidien » du 27 février). Le nouveau gouvernement nommé cette semaine devrait respecter peu ou prou le calendrier actuel. «Le processus de déploiement du dossier médical personnel ne peut être ni précipité ni retardé au regard des enjeux qu'il soulève», a déclaré, quelques jours avant son élection à l'Elysée, Nicolas Sarkozy dans un entretien mis en ligne par CommentCaMarche.net (1).
Sur ce site Internet de la communauté informatique et des nouvelles technologies, le nouveau chef de l'Etat promet aussi une «concertation étroite avec toutes les parties concernées» dans la mise en oeuvre du dossier médical personnel.
L'année 2008 ne sera en tout cas qu'un point de départ puisque la généralisation du DMP à l'ensemble de la population pourrait prendre entre trois et dix ans.
Choix de l'hébergeur de référence en septembre
Après l'invalidation des deux procédures précédentes, le GIP-DMP a lancé officiellement début avril l'appel d'offres qui doit aboutir au choix de l'hébergeur de référence du dossier médical personnel (2). Les réponses des industriels à ce troisième appel d'offres sont attendues «le 4 juin» au plus tard, précise-t-on au GIP-DMP. Ce dernier procèdera alors au dépouillement des offres et fera son choix «en septembre».
Parution du décret «DMP» reportée
Petit à petit, le dispositif juridique du dossier médical personnel se met en place. La parution du décret « DMP » (détaillant le contenu et les modalités de fonctionnement) a pris du retard. Début avril, la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) avait rendu un avis consultatif «défavorable» sur le projet de décret, estimant qu'il était «prématuré» et ne permettait pas de «traiter au fond un certain nombre de questions essentielles, notamment le rôle du médecin traitant, l'articulation avec les dossiers des professionnels, la hiérarchisation des données...». En attendant, les consultations des différentes instances se poursuivent : le texte a été déposé à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) fin avril et examiné par le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) vendredi dernier. «Nous espérons que la Cnil et le Conseil d'Etat pourront examiner le projet de décret d'ici la fin juillet», déclare, Jacques Sauret, directeur du GIP-DMP, au « Quotidien ». «Pour la suite, c'est le prochain gouvernement qui décidera de sa publication», ajoute-t-il.
Sécurité et confidentialité des données médicales
Ces derniers mois, la Cnil a donné du fil à retordre au GIP-DMP. Fin février, la Commission a refusé que le numéro de Sécu serve d'identifiant de santé unique.
Puis la Cnil a jeté le discrédit sur le déroulement des expérimentations du DMP (dans 13 régions entre le 1er juin et le 31 décembre 2006) en publiant à la mi-avril le sévère rapport de ses missions de contrôle. Au vu de ces contrôles «sur place» auprès des différents acteurs, la Cnil juge que «les mesures de sécurité doivent être renforcées» à l'avenir.
De son côté, Jacques Sauret affirme que le GIP-DMP n'avait pas attendu ce blâme de la Commission pour agir. «En janvier, les résultats de nos audits sur les expérimentations ont fait état du même constat que celui de la Cnil, explique le directeur du GIP. Dans les faits, nous avions déjà intégré ces modifications dans les cahiers des charges de l'hébergeur de référence et celui du futur portail DMP. Concernant l'hébergeur de référence et les hébergeurs agréés, nous exigeons désormais une disponibilité du service très importante et un chiffrement des bases de données. Pour le portail DMP construit avec la Caisse des dépôts, il y a des contraintes extrêmement fortes en matière de sécurisation. Il a également été apporté des modifications des procédures d'authentification des patients. Du côté des professionnels, le décret sur la confidentialité(3) doit paraître dans les prochains jours au “Journal officiel”. Il impose, dans un délai de trois ans, une généralisation de la CPS [carte à puce des professionnels de santé] à l'hôpital. »
Enfin, toujours au nom de la confidentialité des données médicales, le législateur devra réparer son « bug » de la loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable lors de la prochaine session parlementaire. Au grand dam du Cnom et des associations de patients, cette loi a en effet le défaut d'autoriser un bailleur à réclamer à une personne handicapée son DMP pour justifier sa demande de location d'un «logement adapté ou spécifique» (« le Quotidien » du 30 mars).
Les états d'âme des médecins libéraux
L'union régionale des médecins libéraux (Urml) de Picardie a jeté un pavé dans la mare en se retirant du projet DMP (« le Quotidien » du 27 avril). «C'est un dossier qu'on a conçu et dont on se fait déposséder», explique le Dr Philippe Descombes, président de l'Union qui fut une pionnière lors des expérimentations, dans la région même de l'ex-ministre de la Santé, Xavier Bertrand. L'Union participera cependant à la réunion du conseil d'administration du GIP Télémédecine Picardie le 23 mai. «L'Urml ne peut être mise de côté, commente Jacques Sauret. Il faut que l'on trouve les modalités dans lesquelles tout le monde se retrouve.»
Ailleurs, les relations semblent plutôt moins conflictuelles sur le terrain. En revanche, les subventions liées à l'appel à projets du GIP-DMP se font attendre, alors qu'elles sont censées maintenir la dynamique créée par les expérimentations et préparer la généralisation du DMP sur l'ensemble du territoire. Le GIP-DMP met sur la table 26 millions d'euros au total, qui peuvent être complétés par d'autres financements (dans la limite de 50 %). Sur les vingt-deux projets retenus dans un premier temps, neuf conventions sont en cours de validation au sein du GIP-DMP. «Il y a eu une phase assez longue pour permettre aux porteurs de projets de bâtir des dossiers complets, plaide le directeur du GIP. Ces démarches prennent du temps. Sans compter le temps nécessaire pour monter des structures qui parfois n'existaient pas: groupements de coopération sanitaire (GCS) ou associations. »
Autre sujet sensible pour les médecins : la concertation du GIP-DMP avec les éditeurs de logiciels médicaux pour éviter toute double saisie lorsque les praticiens mettront à jour les DMP de leurs patients. Selon le GIP, les normes de «DMP-compatibilité» devraient être finalisées «fin mai», afin que les éditeurs livrent aux médecins libéraux des mises à jour ou de nouveaux logiciels adaptés dès 2008. Une condition préalable pour qu'ils se lancent dans l'aventure DMP.
(1) www.commentcamarche.net (2) L'hébergeur de référence sera chargé de proposer un service d'hébergement de base aux futurs détenteurs d'un DMP. Il servira aussi de filet de sauvegarde en cas de défaillance de l'un des futurs hébergeurs agréés.
(3) Décret relatif à la confidentialité des informations médicales conservées sur support informatique ou transmises par voie électronique.
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