Les problèmes de démographie médicale constituent l'un des chevaux de bataille du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM). Pour preuve, le thème de la conférence inaugurale organisée par les quatre ordres nationaux de santé (1) à l'occasion du Salon du MEDEC : « Démographies, difficultés présentes et à venir » (dont nous rendrons compte dans notre prochaine édition).
Aujourd'hui, pour faire face à une démographie médicale déclinante, avec des zones géographiques parfois proches de la désertification, le CNOM souhaite assouplir les règles du jeu en matière de cabinet secondaire. Il a procédé pour cela à la réécriture de l'article 85 du code de déontologie, relatif à l'exercice en lieux multiples (voir encadré).
« La déontologie est et doit demeurer pérenne », aime à répéter Jean Langlois, président du CNOM. Effectivement, les modifications envisagées ne bouleversent en rien cette déontologie. Mais elles assouplissent sensiblement les règles d'installation en cabinet secondaire, tout en évitant la concurrence commerciale entre médecins. Selon le projet de réécriture élaboré par le Conseil de l'Ordre, un médecin pourra exercer son activité professionnelle « sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle », alors que dans l'ancienne version, il lui était interdit d'en avoir plus d'un ; de même, l'autorisation n'est pas limitée dans le temps dans la nouvelle version alors qu'elle était limitée à trois ans dans l'ancienne. Mais, dans le « Bulletin de l'Ordre des médecins » n° 13 de mars 2003, l'Ordre précise que cet « exercice en lieux multiples devra respecter trois principes déontologiques essentiels soumis à (son) appréciation ».
Premier principe : ne pas créer de situation de conflit « commercial » entre praticiens, ni permettre la « médecine foraine ». Deuxième principe : veiller à dispenser la même qualité et la même sécurité de soins dans tous les lieux d'intervention.
Troisième et dernier principe : le médecin qui consultera ou interviendra sur des sites multiples devra s'assurer de la continuité des soins, soit par lui-même, soit par un autre praticien, dans une notion de coopération ou d'association.
La veille du conseil départemental
Jacques Lucas, secrétaire général du CNOM, précise également dans l'édition de mars du bulletin de l'Ordre que l'objectif de la réécriture de l'article 85 du code est « d'améliorer le service rendu aux patients, de répondre à la désertification médicale de certaines zones, notamment rurales, et de permettre les déplacements des médecins pour des nécessités liées aux équipements techniques et à la coopération des différents intervenants ». Jacques Lucas précise par ailleurs que le conseil départemental peut s'opposer à la demande d'un médecin en matière d'exercice en lieux multiples, mais que « ce rejet devra être explicite et motivé ». Selon quels critères ? « Le conseil départemental peut constater que les besoins de soins sont déjà couverts dans la zone concernée ou estimer, au vu du dossier, que la qualité, la sécurité ou la continuité des soins ne sont pas convenablement assurées, dans l'intérêt des patients. »
Il reste à faire approuver ces modifications. Juridiquement parlant, le code de déontologie est un décret visé par le Conseil d'Etat, puis signé par le Premier ministre, mais sa rédaction est laissée à l'initiative du CNOM. Le conseil d'Etat veille notamment à ce qu'elle ne s'oppose pas aux lois et règlements en vigueur, et qu'elle ne soit pas en contradiction totale et sans raison avec la précédente version. La nouvelle version de l'article 85 a été envoyée au tout début du mois de février à Jean-François Mattei qui doit la faire suivre hiérarchiquement au Premier ministre. Au CNOM, on évalue à encore trois mois le délai nécessaire à sa parution au « Journal Officiel ».
(1) L'Ordre national des sages-femmes, l'Ordre national des médecins, l'Ordre national des pharmaciens et l'Ordre national des chirurgiens-dentistes.
Le projet de réécriture de l'article 85
« Le lieu habituel d'exercice d'un médecin est celui de la résidence professionnelle qu'il a déclarée au conseil départemental, conformément à l'article L.4112-1 du code de la santé publique.
« Dans l'intérêt de la population, un médecin peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle :
« - lorsqu'il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l'offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins ;
« - ou lorsque les investigations ou les soins qu'il entreprend nécessitent un environnement adapté, l'utilisation d'équipements particuliers, la mise en uvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants (...)
« La demande d'ouverture d'un site distinct doit être adressée au conseil départemental dans le ressort duquel se situe l'activité envisagée. Elle doit être accompagnée de toutes informations utiles sur les conditions d'exercice (...)
« Le silence gardé par le conseil départemental sollicité vaut acceptation implicite à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date de réception de la demande (...)
« L'autorisation, personnelle et incessible, peut être retirée si les conditions fixées aux alinéas précédents ne sont plus réunies (...) »
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