L’exaspération médicale monte d’un cran. Deux syndicats de médecins libéraux (CSMF et SML) ont haussé le ton ce mercredi en déclenchant, chacun de leur côté, un violent tir de barrage contre la politique de santé du gouvernement. Au menu : la mobilisation générale des médecins mais aussi, désormais, des patients contre la future loi de santé de Marisol Touraine, accusée de tous les maux.
Dr Ortiz : la rupture est consommée
Sans fard, la CSMF a exhorté ce mercredi tous les médecins de France, syndiqués ou non, « à se mobiliser la semaine du 24 au 31 décembre et à le rester jusqu’à ce que le gouvernement envoie enfin un signal positif à la profession ».
En embrassant le mouvement de contestation lancé par ses branches généraliste (UNOF) et spécialiste (UMESPE), la première centrale syndicale affiche sa détermination contre un gouvernement dont chaque initiative semble désormais perçue comme un « coup de poignard ».
« La rupture est consommée, gronde le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Désormais, l’heure est à la lutte, seul moyen pour faire entendre la voix des médecins libéraux et sauver la profession des dangers qui la menacent. »
Pour frapper fort, la CSMF mise sur le soutien des patients. Deux affiches explicites téléchargeables (titrées « Demain, comment serez-vous soigné ? » et « Réagissez ! ») ont été conçues pour affichage dans les salles d’attente. Les médecins pourront proposer à leurs patients de signer une pétition.
Le projet de loi de santé concentre les critiques. Tiers payant généralisé aux « problèmes insolubles », « usine à gaz » du service territorial de santé au public, exclusion des cliniques du service public hospitalier, « démembrement progressif » des compétences des médecins par le transfert d’actes vers d’autres professions, création de métiers intermédiaires « sans aucune concertation », « démantèlement de la convention médicale » : la coupe est pleine pour le syndicat.
Ultimatum
Le refus du gouvernement de revaloriser les tarifs des actes médicaux, récemment rappelé par Marisol Touraine, a également pesé dans le choix de la CSMF de monter au créneau. Le syndicat dénonce « l’indigence tarifaire » dont sont victimes les médecins libéraux.
« Aujourd’hui, argumente le Dr Ortiz, la consultation est déconnectée de la réalité. En suivant l’inflation, le "C" devrait être à 26 euros. Notre revendication de l’acte à 25 euros me semble donc légitime et raisonnable. »
Les atteintes « répétées » à la liberté de prescription (procédures de mise sous accord préalable), la multiplication des démarches bureaucratiques « chronophages » et « le scandale du DPC » sont autant de raisons pour la CSMF de poser un ultimatum au gouvernement : il dispose de deux mois pour revoir sa copie. « Sans quoi, ce sera l’ouverture d’un conflit dur avec les libéraux », annonce le Dr Ortiz.
Retrait pur et simple du projet de loi
Au Syndicat des médecins libéraux (SML), l’opposition au projet de loi de santé est tout aussi marquée et on prend, là encore, la population directement à témoin.
La centrale du Dr Roger Rua a lancé ce mercredi une pétition nationale« pour fédérer les Français autour de la défense du libre choix de leur patient », qui serait en danger. « Le service territorial de santé au public contient les germes de la fin de la liberté de choix par les patients de leurs professionnels de santé », assure-t-il. La liberté des praticiens serait elle aussi menacée avec « des ARS qui vont s’intéresser au contenu de nos consultations, et choisir nos lieux d’implantation ».
Sans surprise, le tiers payant généralisé est dans le viseur du SML, perçu comme une source d’inflation des dépenses de santé et de tracasseries administratives supplémentaires pour les praticiens. Mais en réalité, rien ne trouve grâce aux yeux du syndicat dans ce projet de loi « qui vise à mettre en place une médecine réglementée et administrée ».
Même le chapitre plus consensuel consacré à la prévention serait à revoir. Le SML milite pour la création d’une consultation approfondie de prévention pour tous les jeunes de 16 ans. Or, le projet se contente d’élargir aux enfants la disposition du médecin traitant. « Le compte n’y est pas », redoute Roger Rua qui réclame le retrait pur et simple du projet.
La pétition, ouverte dès mardi soir aux adhérents du SML, aurait déjà recueilli « plus de 1 200 signatures » de praticiens. Reste à savoir si les patients seront aussi prompts à la signer : des sondages montrent que les Français sont majoritairement favorables au tiers payant, mesure phare de la loi de santé.
Le SML se réunira en assemblée générale le samedi 8 novembre pour décider s’il rejoint le mouvement de fermeture des cabinets libéraux entre le 24 et le 31 décembre. Le Dr Rua assure déjà avoir dans ses cartons un projet susceptible de mobiliser, au-delà des médecins, l’ensemble des professionnels de santé.
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