Les syndicats de médecins libéraux attendent maintenant que la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) les invite à négocier pour obtenir une revalorisation à 20 euros de la consultation des généralistes. Après quelques « couacs » de communication, le gouvernement a réaffirmé qu'il respecterait les prérogatives de l'assurance-maladie en matière de négociation tarifaire.
Le ministre des Affaires sociales, François Fillon, qui avait promis jeudi, sur Europe 1, de satisfaire « avant l'été » la principale revendication des médecins en grève depuis plus de six mois, a aussi rappelé dimanche, sur France 3, que « la gestion de la Sécurité sociale relève des partenaires sociaux ». Toutefois, François Fillon n'a pas exclu l'idée d'une hausse des cotisations pour satisfaire la revendication des généralistes.
En début de semaine, les syndicats médicaux n'avaient pas encore reçu de convocation de la CNAM à une quelconque réunion de travail. Quant au conseil d'administration de la Caisse nationale, qui se réunit aujourd'hui, il n'a même pas inscrit la brûlante question de la négociation tarifaire à son ordre du jour.
Pourtant, le temps presse. Le Dr Michel Combier, président du premier syndicat des médecins de famille, l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF-CSMF), voit un « symptôme » dans les déconventionnements massifs qui ont commencé en Mayenne et dans le Calvados à la fin de la semaine dernière (« le Quotidien » du 21 mai). « S'il n'y a pas de message fort dans les dix ou quinze jours qui viennent, je crains le pire, c'est-à-dire des actions violentes et une surdité totale des médecins à toute évolution du système », déclare le Dr Combier. « Jean-Marie Spaeth [le président de la CNAM, NDLR] a intérêt à faire cette réunion de négociation dans les meilleurs délais », renchérit le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). Alors que la date du premier tour des élections législatives approche, on redoute à la CSMF et au SML un télescopage des négociations avec le 45e congrès de la CFDT - la centrale syndicale de Jean-Marie Spaeth -, qui se tiendra à Nantes du 27 au 31 mai.
Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, aimerait négocier un avenant tarifaire à la convention des médecins généralistes ; mais il « attend d'abord des clarifications du gouvernement » sur les moyens qu'il a l'intention de consacrer au C à 20 euros.
La pression des coordinations
La CSMF et le SML souhaitent négocier, pour les généralistes, le pendant de « la paix des braves » obtenue la semaine dernière pour les médecins spécialistes (« le Quotidien » du 17 mai). Cet accord prévoit la suspension des pénalités financières subies par les spécialistes de secteur I depuis l'application du règlement conventionnel minimal. « En miroir de ce qu'on a fait pour les spécialistes, un accord politique entre la CNAM et tous les syndicats médicaux pourrait lister les problèmes et accorder le C à 20 euros », explique le Dr Cabrera. Si la CSMF et le SML souhaitent renouer le dialogue dans le cadre du nouveau système conventionnel, ils envisagent, par commodité, une application rapide du C à 20 euros à travers un nouvel avenant tarifaire de la convention des généralistes qui arrive à échéance en fin d'année. Cet avenant serait alors « le dernier acte de l'actuelle convention », selon le président de la CSMF.
Reste que « si la caisse est récalcitrante, il faut que le gouvernement agisse », ajoute le Dr Chassang. C'est, rappelle-t-il, au gouvernement de « prendre ses responsabilités politiques », d'autant que « ce n'est pas la CNAM qui se présente aux prochaines élections ».
En attendant, consigne est donnée de maintenir la pression. Le dernier « Pont sans toubibs » s'achève (voir encadré), mais la grève des gardes de nuit et des week-ends se poursuit. La CSMF et le SML réfléchissent à d'autres actions supplémentaires pour les semaines à venir. « L'objectif est de privilégier la diplomatie au conflit, mais si la diplomatie a besoin d'un coup de pouce, on n'hésitera pas », précise le Dr Cabrera.
De son côté, la Coordination nationale des médecins généralistes, qui fédère 71 coordinations départementales et affirme représenter « 30 000 » généralistes, calme un peu le jeu cette semaine, après avoir lancé une série de déconventionnements massifs en Mayenne et dans le Calvados. Ses représentants doivent en effet rencontrer ce matin le directeur de cabinet du ministre de la Santé Jean-François Mattei, Louis-Charles Viossat. « Nous souhaitons obtenir du gouvernement un objectif et un calendrier clairs de négociation », explique le Dr Jean-Marc Rehby, porte-parole national de la coordination. « Et que l'on ne nous dise pas que c'est la CNAM qui décide, parce que cette partie de ping-pong est risquée pour la suite des événements ! », prévient-il.
En l'absence de garanties du ministère de la Santé, les responsables régionaux de la coordination pourraient décider le week-end prochain, lors d'une assemblée générale à Lyon, de lancer dès lundi une grande vague de déconventionnements massifs au rythme d'un département par jour. Selon le Dr Rehby, la coordination n'est pas opposée à une nouvelle convention, à condition qu'il s'agisse d'une « vraie convention négociée avec des gens responsables et non pas avec des gens qui veulent faire valoir leurs idées contre tout le monde ». Il fait allusion, sans le nommer, à MG-France, syndicat minoritaire mais, jusqu'à présent, seul partenaire conventionnel pour l'assurance-maladie.
Chez les spécialistes, on n'espère guère plus que la suspension des sanctions financières liées au règlement conventionnel minimal. Selon le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF), qui a été reçue mardi par Jean-François Mattei,le ministre a indiqué qu'il n'avait « pas d'argent », qu'il fallait passer par la CNAM et que les revendications des généralistes sur le C à 20 euros, voire la visite à domicile à 30 euros, seraient de toute façon prioritaires par rapport aux demandes des spécialistes.
Un « Week-end sans toubibs » plus ou moins bien suivi
Le « Week-end sans toubibs » de la Pentecôte a été plus ou moins bien suivi selon les régions, avec des conséquences variables pour les SAMU en place.
A la Rochelle par exemple, où les touristes étaient nombreux malgré une météo peu clémente, le Dr Dominique Tourret a constaté un nombre d'appels record. « Ça n'a pas été l'enfer annoncé, mais on a tout de même dû faire face à trois jours comparables à un gros week-end estival, confie l'urgentiste. Heureusement, les réquisitions ont bien fonctionné dans chaque secteur. »
A Orléans, les médecins réquisitionnés ont également répondu présent dans leur grande majorité ; le Dr Philippe Guille des Buttes estime à 25 % l'augmentation des appels aux urgences pendant le week-end, avec un pic dans la nuit du samedi au dimanche.
A Lille, où l'activité s'est accrue de 40 % (60 % lors du pont du 8 mai), les patients, mécontents du manque de moyens, s'en prennent aux permanenciers, indique, agacé, le Dr Patrick Goldstein, qui juge utile de rectifier l'intitulé de l'opération. « Ce n'était pas un week-end sans toubibs, mais un week-end sans certains toubibs. Personnellement, j'étais là. Comme beaucoup d'autres urgentistes. »
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