De notre correspondant
Le 9 août dernier, le président George W. Bush a décidé de limiter le soutien de son gouvernement à la recherche sur les cellules souches à la « soixantaine de lignées de cellules » existantes. D'une part, sa décision ne satisfait ni ceux qui sont opposés à l'usage des embryons aux fins de recherche ni ceux qui y sont favorables et estiment que les travaux en cours exigent le recours à de nouveaux embryons ; d'autre part, la communauté scientifique est perplexe : le nombre de lignées cellulaires indiqué par le président n'est pas certain et beaucoup d'études conduites à l'étranger échappent à l'influence des Etats-Unis.Le président a trahi une promesse électorale : il avait juré de ne jamais accorder le financement du gouvernement fédéral à la recherche sur les embryons ; mais il a surpris agréablement les scientifiques qui craignaient une décision négative.
Il n'empêche que les experts sont perplexes : où M. Bush a-t-il trouvé le nombre de 60 lignées de cellules sur lesquelles des travaux sont déjà en cours ? Le président s'en est expliqué dans un entretien avec une chaîne télévisée : c'est le National Institute of Health (NIH) qui lui a fourni cette évaluation. Mais, parmi les soixante lignées, beaucoup appartiennent à des laboratoires étrangers qui n'ont jamais attendu un financement fédéral américain.
Votre santé m'intéresse
Pour élaborer sa décision, le président des Etats-Unis a tenu compte de l'avis des républicains pro-life - peut-être moins passionnés que d'autres - qui estiment que tant que l'embryon n'est pas placé dans l'utérus, il ne doit pas être considéré comme un être vivant. M. Bush avait tenté, quelque temps auparavant, d'abolir les normes qui régissent la pourcentage acceptable d'arsenic dans l'eau. Il avait été accueilli par un tollé de l'opinion américaine et par l'accusation selon laquelle il se moquait de la santé de ses concitoyens. Une condamnation explicite des travaux sur les cellules souches susceptibles d'ouvrir la voie à des traitements pour de graves maladies aurait renforcé les Américains dans l'idée que, décidément, le président méprisait la santé publique.
M. Bush a toutefois indiqué que, en aucun cas, son autorisation ne serait élargie à de nouveaux embryons et, à la suite de commentaires annonçant des efforts du Congrès pour autoriser le recours à d'autres lignées de cellules, le chef de l'exécutif a confirmé qu'il s'opposerait par tous les moyens, y compris un veto, à une loi qui accorderait un financement fédéral à de nouveaux travaux.
M. Bush a l'intention de désigner les membres d'un comité d'éthique qui passera en revue tous les travaux en cours. Ce comité sera présidé par le Pr Leon Kass, connu pour ses idées conservatrices, mais qui a inspiré le compromis annoncé par le président. C'est d'ailleurs la notion de compromis qui a frappé l'opinion, laquelle a réagi très positivement, selon les sondages, à la décision de M. Bush.
D'autres lignées cellulaires sont nécessaires
En revanche, le camp démocrate et la communauté scientifique n'ont pas caché leur déception. L'un des principaux chercheurs américains en matière de cellules souches, le Dr John Gearhart, de l'université Johns Hopkins a déclaré qu'il savait pas d'où M. Bush tenait son chiffre de soixante lignées cellulaires et que cela lui posait un sérieux problème. Quant au prix Nobel Harold Varmus, ancien directeur du NIH, il a souligné la nécessité de créer de nouvelles lignées de cellules : « Les lignées existantes n'apportent pas une diversité génétique suffisante, a-t-il déclaré, et il faut en créer d'autres. »
En d'autres termes, la décision annoncée par M. Bush a servi, pour l'instant, à renforcer son image politique : tout à coup, il apparaît comme un homme extrêmement sérieux, capable de réfléchir à des problèmes scientifiques et éthiques et de proposer des solutions rationnelles. Mais elle ne fait qu'ouvrir un débat qui promet de faire rage aux Etats-Unis dans les semaines qui viennent.
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