Bush sur le front intérieur

Publié le 09/01/2002
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La popularité extraordinaire de George W. Bush n'a rien de surprenant : non seulement la guerre conduite pour des raisons de légitime défense a les faveurs du public américain, mais M. Bush, jusqu'à présent, s'est montré beaucoup plus astucieux et compétent qu'on ne le croyait.

Cependant, le président des Etats-Unis affronte une crise économique sévère, avec une vive remontée du chômage et il n'est pas sûr de voir déjà le bout du tunnel. Il a sensiblement réduit les impôts dès l'année dernière et, après les attentats du 11 septembre, il a injecté une masse de capitaux colossale dans l'économie sous la forme d'indemnités aux compagnies aériennes, d'une aide à la reconstruction de New York, et d'une aide aux victimes. Aujourd'hui, il entend bel et bien requinquer le budget de la Défense (on ne refuse rien aux sauveurs de la patrie) et poursuivre son programme d'allègements fiscaux.
Mais 2002 est, aux Etats-Unis, une année électorale. Les mid-term elections auront lieu en novembre prochain. Il s'agit de renouveler la totalité de la Chambre des représentants, un tiers du Sénat et un certain nombre de gouvernorats.
Les démocrates, qui ont conquis la majorité sénatoriale à la suite de la défection d'un sénateur républicain hostile au programme de M. Bush, entendent se battre, d'une part pour conforter leur majorité au Sénat, d'autre part pour tenter de reprendre la Chambre sous leur contrôle. A la tête du mouvement, Tom Daschle, chef de la majorité démocrate au Sénat, qui, ces jours-ci, donne beaucoup de fil à retordre au président.
Si le consensus parlementaire est complet en ce qui concerne les actions de M. Bush à l'étranger et sur sa lutte contre le terrorisme, il n'en va pas de même pour ses choix budgétaires. Le président veut à la fois diminuer les impôts et augmenter les dépenses, d'armements notamment (dans le cadre du projet de boucliers antimissiles et du renforcement des forces capables d'intervenir rapidement n'importe où dans le monde).
Dans ce but, il a déjà sacrifié les somptueux excédents budgétaires dont s'enorgueillissait l'administration Clinton. Aujourd'hui, en tenant compte de la récession et des dépenses imprévues causées par les attentats, les experts tablent sur un déficit pour les cinq années d'exercice à venir. Du coup, s'affrontent de nouveau les deux grandes tendances idéologiques du pays : la droite libérale qui ne songe qu'à la santé des entreprises, et la gauche qui souligne des besoins sociaux, santé, retraites, aide aux démunis, qui ne sont pas satisfaits.
M. Daschle a beau jeu de démontrer que, après le 11 septembre, M. Bush a été prompt à voler au secours des sociétés, mais qu'il n'a rien fait pour leurs salariés, qui se sont retrouvés à la rue du jour au lendemain. Il fait donc de l'obstructionnisme et refuse de voter une nouvelle baisse des impôts. Le slogan des démocrates : nous avons accumulé d'énormes excédents budgétaires, ils (les républicains) se sont hâtés de les gaspiller.
L'enjeu n'est pas uniquement social. Tom Daschle a la responsabilité d'empêcher les démocrates d'être laminés en novembre prochain par la popularité de M. Bush. Il livre une bataille politique essentielle. Du coup, le gouvernement le diabolise et le décrit comme un homme retors et obtu. M. Bush voudrait gagner les prochaines élections comme il a vaincu les talibans. Mais la prochaine bataille sera la moins facile des deux.

R. L.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7041