Les Américains - pour autant qu'on puisse désigner un peuple aussi varié par son terme générique - nourrissent des doutes sur leur propre supériorité depuis le 11 septembre 2001, qui a au moins démontré l'incapacité de leurs services de renseignements, pourtant fort coûteux.
Leur enlisement en Irak, après deux succès militaires, dans ce pays et en Afghanistan, les conduit aujourd'hui à se poser des questions de plus en plus insistantes sur la faculté de leur gouvernement à maîtriser les diverses crises du Moyen-Orient. George W. Bush ne laisse rien paraître de l'embarras croissant que lui causent ses revers sur le terrain, le nombre élevé des pertes américaines en Irak et en Afghanistan et l'échec presque immédiat de la feuille de route qui devait conduire Israéliens et Palestiniens à la paix.
Pour autant, le chef de l'exécutif n'est pas au bout du rouleau. Même si l'opposition démocrate se fait chaque jour plus critique, M. Bush n'est pas menacé tant qu'un leader crédible de l'opposition n'aura pas émergé. Si on parcourt la liste des candidats potentiels à l'investiture démocrate, on ne voit aucun « chef naturel » capable de tenir tête à M. Bush et surtout au trésor électoral que celui-ci a déjà accumulé. Bien entendu, il est beaucoup trop tôt pour se prononcer sur l'issue de la campagne électorale de l'année prochaine qui, comme d'autres, nous réservera ses propres surprises. Ne commettons pas l'erreur de faire des hypothèses qui auraient une signification en politique internationale, mais ne seraient pas soutenues par une majorité américaine. Nombreux sont les Européens qui souhaitent se débarrasser des dogmes bushistes sur l'unilatéralisme, la guerre de prévention ou la solution des problèmes de l'environnement par l'indifférence. Mais ce ne sont pas eux qui élisent le président des Etats-Unis, ce sont les Américains.
A ce point précis du mandat de M. Bush, il y a fort à craindre que sa baisse dans les sondages et, ultérieurement, son échec aux urnes, passent par de multiples souffrances américaines : pertes encore plus nombreuses en Irak et en Afghanistan, anarchie persistante dans les deux pays, nouvel attentat spectaculaire des terroristes sur le territoire américain. Aucun de ces scénarios n'est invraisemblable.
Une sorte de courant de pensée s'est créé en France qui préconise d'aider M. Bush malgré ses erreurs, en l'attirant vers le multilatéralisme, en soumettant son action aux arbitrages de l'ONU et en lui enseignant la pacification des zones de violence et de non-droit. C'est attendre d'un homme qui a bâti son programme sur le concept de la supériorité américaine un accès de modestie auquel il n'est guère préparé. Non qu'il n'ait pas changé souvent d'avis : il est arrivé au pouvoir avec un plan stratégique fondé sur une reprise de la course aux armements et s'est aperçu que le terrorisme représentait, pour les Etats-Unis, un danger plus mortel que les missiles balistiques ; pendant sa campagne électorale, il avait dénoncé l'idée d'une contribution américaine à l'élaboration de structures nationales dans les pays plongés dans l'anarchie ; c'est pourtant ce qu'il essaie de faire en Irak, en Afghanistan et en Palestine.
On doute néanmoins que, en dépit des obstacles qu'il rencontre et menacent d'engloutir beaucoup de certitudes, de personnels et de prospérité, il ne consente à ranger les Etats-Unis dans le cercle de la coopération internationale. Aucun de ses conseillers ne fonctionne sur ce mode, lui-même a encore une très haute idée de l'Amérique et enfin, il est engagé dans une expérience pour laquelle il espère encore des résultats positifs.
De sorte que, pour le moment, l'Amérique est sourde aux appels extérieurs. Bien que beaucoup de mises en garde européennes (françaises, en particulier) ont pu être vérifiées par M. Bush, le président américain ne se croit pas encore sur un chemin de calvaire. Il continue à rejeter les comparaisons de type historique (l'Irak, c'est le Vietnam) et il peut rappeler quelques exemples récents de déconvenues qui se sont ensuite retournées à son avantage. Bref, il a besoin de mûrir et tant qu'il n'est pas mûr, il vaut mieux compter avec lui.
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