ET IL N'Y A PAS que les sondages. On assiste à une campagne des journaux de gauche français, notamment un grand magazine qui a consacré sa couverture, la semaine dernière, à la nécessité de battre Bush, comme si ses lecteurs y pouvaient quelque chose. La détestation qu'inspire le président des Etats-Unis, et dont nous ne prétendons nullement qu'elle n'est pas en partie méritée, conduit les Européens et, parmi eux, les Français, depuis longtemps enclins à l'américanophobie, à tomber dans le wishful thinking et dans l'illusion qu'à force d'en dire du mal, on finira par se débarrasser de Bush.
LA VIOLENCE EN IRAK REND DÉRISOIRE LA SUBTILITÉ DES ANALYSES
Pas pour l'évacuation.
Mais d'abord, il y a une irritation populaire, profonde, aux Etats-Unis, au sujet du comportement des Français et cette campagne inutile contre le président en exercice est contre-productive. Ensuite, comme le font remarquer dans « le Figaro » Antoine Sfeir et Delphine Lagrange, John Kerry n'est pas l'exact opposé de George W. Bush au sujet de l'Irak. Quoi qu'on puisse en penser dans les chancelleries européennes, il n'existe pas, aux Etats-Unis, de lame de fond en faveur d'une évacuation pure et simple de l'Irak. M. Kerry serait un président multilatéraliste, mais qui n'utiliserait les bonnes volontés occidentales que sous la houlette de son pays, expliquent les deux auteurs que nous venons de citer.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle John Kerry ne parvient pas à décoller dans les sondages. S'il s'agit, avec lui, de poursuivre une politique de fermeté en Irak, autant garder celui qui l'a mise en œuvre. Le candidat démocrate a voté en 1991 contre la première guerre du Golfe, infiniment plus légitime que la première, et pour la seconde, qui l'était beaucoup moins. Il donne le sentiment de ne pas savoir ce qu'il veut et les républicains insistent, avec tous les moyens dont ils disposent, sur la faiblesse de ses analyses et sur son indécision.
Il y a, en outre, dans la crise irakienne, un élément essentiel qui détermine la politique américaine, quel que soit le vainqueur de l'élection de novembre : même si l'invasion de l'Irak en 2003 a été une colossale erreur, le chaos qui règne dans ce pays ne peut tourner qu'à l'avantage des forces du désordre dans le cas où les Américains abandonneraient l'Irak à son sort.
Au printemps dernier, la France a fait de l'évacuation de l'Irak par les forces de la coalition l'axe de sa diplomatie, en affirmant que c'était là le seul moyen d'éteindre l'incendie. Le croit-elle encore aujourd'hui, quand on prend en otage des journalistes français qu'elle croyait immunisés contre le rapt, quand un journaliste italien pacifiste est assassiné, quand deux humanitaires italiennes sont enlevées, quand il suffit de briguer un poste de policier irakien pour mourir dans l'explosion d'une voiture piégée ? L'horreur irakienne interdit toute subtilité dans l'analyse.
Les deux mythes.
Quelles que soient les fautes commises par l'Amérique, la question de l'Irak mérite désormais un traitement plus sérieux que la complaisance à l'égard de forces qui ont juré de détruire non seulement ceux qui les combattent, mais tous les Occidentaux sans distinction. M. Bush a déclenché cette guerre sur la base d'un mythe : que ses soldats seraient accueillis en héros. L'Europe veut résoudre la crise sur la base d'un autre mythe : il y aurait des raisons politiques à la violence.
L'un des plus grands reproches que les Européens adressent au président américain, c'est sa passivité dans le conflit israélo-palestinien. Dans tous les esprits européens, le lien entre le comportement d'Israël et le raz de marée terroriste en Irak et dans le monde est établi d'une manière indiscutable. Mais, d'une part, Israël ne peut pas conclure un accord de paix en négociant avec des groupes qui ne cachent pas leur volonté de le détruire ; et, d'autre part, peut-on croire que si, par extraordinaire (et j'ajouterai par malheur), Israël déposait les armes, les terroristes, depuis le Hamas jusqu'au groupe dirigé en Irak par Zarqaoui, en passant par les talibans d'Afghanistan, se transformeraient en agneaux ?
Certes, l'invasion de l'Irak, loin d'affaiblir le terrorisme international, l'a renforcé. Nous n'aurons pas le front de dire le contraire. Mais on ne peut pas revenir en arrière. C'est maintenant qu'il faut chercher une solution, et on ne la trouvera que dans la détermination, la fermeté et le courage.
La vérité est que les Européens sont plus disposés à s'accommoder de régimes tyranniques en Irak et ailleurs, et même en Afghanistan, qu'à mesurer la menace qu'un régime installé par des terroristes à Bagdad ferait peser sur eux. Il est indéniable que les services de renseignements français, italiens, espagnols, britanniques se battent fort bien dans cette guerre de l'ombre qui les opposent aux islamistes intégristes et qu'ils déjouent de nombreux projets d'attentats. Mais cela ne suffit pas et suffira encore moins si les terroristes font de l'Irak et refont de l'Afghanistan leurs bases militaires.
Dans ces conditions, dire que quatre années de Bush en plus seraient une catastrophe mondiale, cela revient à percevoir le danger là où se trouve un bouclier. Si John Kerry avait fait sa campagne sur le thème de l'isolationnisme américain, qui aurait pu séduire beaucoup d'électeurs et qui sera peut-être la réalité de demain, nous aurions peut-être jugé M. Bush plus attrayant.
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